Les rejets de méthane bien plus hauts qu’annoncé
Selon le « Global Methane Tracker » publié par l’Agence internationale de l’énergie, les émissions de méthane du secteur de l’énergie sont supérieures de 70 % par rapport aux chiffres officiels compilés par les états.
Le méthane (CH4) a un pouvoir de réchauffement global 25 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2). Ce gaz est d’ailleurs responsable d’environ 30 % de l’augmentation des températures mondiales depuis la révolution industrielle. Pourtant, les rejets de CH4 sont assez mal documentés et très largement sous-estimés.
Ceux générés par secteur de l’énergie seraient en fait supérieurs de 70 % par rapport aux chiffres officiels rendus publics par les états selon l’édition 2022 du « Global Methane Tracker » publié par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). « À mesure que davantage de données sont disponibles, il devient de plus en plus clair que presque tous les inventaires nationaux ont sous-déclaré leurs émissions », estime l’AIE. Pour arriver à cette conclusion, l’Agence s’est appuyée sur des données satellitaires qui ont considérablement accru les connaissances mondiales sur les sources d’émission.
La Chine en pole position
Le secteur mondial de l’énergie a rejeté 135 millions de tonnes de méthane dans l’atmosphère en 2021. Cette augmentation de près de 5 % résulte de la reprise de la demande, suite à son déclin après la pandémie de 2020. L’énergie est responsable d’environ 40 % des émissions totales de méthane attribuables à l’activité humaine, juste derrière l’agriculture. Sur les 135 millions de tonnes, 42 Mt proviennent des mines de charbon, 41 Mt du pétrole, 39 Mt de l’extraction, du traitement et du transport du gaz naturel, 9 Mt de la combustion incomplète de la bioénergie (lorsque le bois ou d’autres biomasses solides sont utilisés comme combustible de cuisson traditionnel) et 4 Mt de fuites provenant d’équipements lors de l’utilisation finale.
La Chine est le pays le plus émetteur avec 28 Mt, elle est suivie par la Russie (18 Mt) et les États-Unis (17 Mt). Malgré leur implication dans l’extraction de gaz ou de pétrole, certains pays s’en sortent beaucoup mieux. La Norvège et les Pays- Bas ont les intensités d’émission les plus faibles et des pays du Moyen-Orient tels que l’Arabie Saoudite et les Émirats-Arabes-Unis ont également des intensités relativement basses. À l’inverse, le Turkménistan et le Venezuela ont les taux les plus élevés (Voir graphique). Si tous les pays producteurs égalaient les performances de la Norvège, les émissions mondiales de méthane issues des opérations pétrolières et gazières chuteraient de plus de 90 %.
180 milliards de mètres cube perdus
Toutefois, compte tenu de la disponibilité limitée des données mesurées, l’AIE estime qu’il est difficile d’affirmer avec certitude où et comment les efforts pourraient réellement réduire les émissions. Un chiffre publié par l’AIE pourrait en tout cas inciter les pays à éviter les fuites massives de CH4. Selon l’Agence, si l’ensemble des pertes enregistrées en 2021 avaient été captées et vendues, les marchés du gaz naturel auraient bénéficié de 180 milliards de m3 supplémentaires.
Cela équivaut à tout le gaz utilisé dans le secteur de l’électricité en Europe la même année. Cet apport aurait été bienvenu alors que les prix atteignent des sommets. Une chose est certaine, il faudra partout progresser pour éviter ces fuites et ne pas dépasser le seuil des 1,5°C de réchauffement d’ici la fin du siècle. Et cela ne sera pas forcément coûteux – cela devrait même être rentable – ou compliqué du point de vue technologique, tout en étant particulièrement efficace. « Réduire les émissions mondiales de méthane provenant des activités humaines de 30 % d’ici la fin de cette décennie aurait le même effet sur le réchauffement climatique d’ici 2050 que de faire passer l’ensemble du secteur des transports à des émissions nettes de CO2 nulles », détaille Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE.