Les rejets de méthane bien plus hauts qu’annoncé

17 03 2022
Olivier Mary
serikbaib/AdobeStock

Selon le « Global Methane Tracker » publié par l’Agence internationale de l’énergie, les émissions de méthane du secteur de l’énergie sont supérieures de 70 % par rapport aux chiffres officiels compilés par les états.

Le méthane (CH4) a un pouvoir de réchauffement global 25 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2). Ce gaz est d’ailleurs responsable d’environ 30 % de l’augmentation des températures mondiales depuis la révolution industrielle. Pourtant, les rejets de CH4 sont assez mal documentés et très largement sous-estimés.

Emissions de méthane du secteur de l'énergie entre 2000 et 2021.
Emissions globales de méthane dans le secteur de l'énergie, de 2000 à 2021.

Ceux générés par secteur de l’énergie seraient en fait supérieurs de 70 % par rapport aux chiffres officiels rendus publics par les états selon l’édition 2022 du « Global Methane Tracker » publié par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). « À mesure que davantage de données sont disponibles, il devient de plus en plus clair que presque tous les inventaires nationaux ont sous-déclaré leurs émissions », estime l’AIE. Pour arriver à cette conclusion, l’Agence s’est appuyée sur des données satellitaires qui ont considérablement accru les connaissances mondiales sur les sources d’émission.

La Chine en pole position

Le secteur mondial de l’énergie a rejeté 135 millions de tonnes de méthane dans l’atmosphère en 2021. Cette augmentation de près de 5 % résulte de la reprise de la demande, suite à son déclin après la pandémie de 2020. L’énergie est responsable d’environ 40 % des émissions totales de méthane attribuables à l’activité humaine, juste derrière l’agriculture. Sur les 135 millions de tonnes, 42 Mt proviennent des mines de charbon, 41 Mt du pétrole, 39 Mt de l’extraction, du traitement et du transport du gaz naturel, 9 Mt de la combustion incomplète de la bioénergie (lorsque le bois ou d’autres biomasses solides sont utilisés comme combustible de cuisson traditionnel) et 4 Mt de fuites provenant d’équipements lors de l’utilisation finale.

Emissions et intenisté en méthane de la production de certains pays producteurs de pétrole et de gaz en 2021.
Total des émissions de méthane et intensité de sa production chez différents producteurs d'énergie fossile en 2021.

La Chine est le pays le plus émetteur avec 28 Mt, elle est suivie par la Russie (18 Mt) et les États-Unis (17 Mt). Malgré leur implication dans l’extraction de gaz ou de pétrole, certains pays s’en sortent beaucoup mieux. La Norvège et les Pays- Bas ont les intensités d’émission les plus faibles et des pays du Moyen-Orient tels que l’Arabie Saoudite et les Émirats-Arabes-Unis ont également des intensités relativement basses. À l’inverse, le Turkménistan et le Venezuela ont les taux les plus élevés (Voir graphique). Si tous les pays producteurs égalaient les performances de la Norvège, les émissions mondiales de méthane issues des opérations pétrolières et gazières chuteraient de plus de 90 %.

180 milliards de mètres cube perdus

Toutefois, compte tenu de la disponibilité limitée des données mesurées, l’AIE estime qu’il est difficile d’affirmer avec certitude où et comment les efforts pourraient réellement réduire les émissions. Un chiffre publié par l’AIE pourrait en tout cas inciter les pays à éviter les fuites massives de CH4. Selon l’Agence, si l’ensemble des pertes enregistrées en 2021 avaient été captées et vendues, les marchés du gaz naturel auraient bénéficié de 180 milliards de m3 supplémentaires.

Cela équivaut à tout le gaz utilisé dans le secteur de l’électricité en Europe la même année. Cet apport aurait été bienvenu alors que les prix atteignent des sommets. Une chose est certaine, il faudra partout progresser pour éviter ces fuites et ne pas dépasser le seuil des 1,5°C de réchauffement d’ici la fin du siècle. Et cela ne sera pas forcément coûteux – cela devrait même être rentable – ou compliqué du point de vue technologique, tout en étant particulièrement efficace. « Réduire les émissions mondiales de méthane provenant des activités humaines de 30 % d’ici la fin de cette décennie aurait le même effet sur le réchauffement climatique d’ici 2050 que de faire passer l’ensemble du secteur des transports à des émissions nettes de CO2 nulles », détaille Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE.

Les émissions cachées du commerce mondial

18 12 2024
Olivier Mary

Le cabinet de conseil Carbone 4 a publié un rapport sur les émissions de gaz à effet de serre importées. Il montre qu’un quart de l’ensemble des rejets mondiaux sont générés par des pays exportateurs pour satisfaire la demande en biens d’états importateurs. Toutefois, elles ne sont pas comptabilisées dans les rejets de ces derniers. La comptabilité…

Lire la suite

Coup de froid sur la COP29

04 12 2024
Olivier Mary

La 29e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29) s’est achevée le 24 novembre après d’interminables négociations. Si les diplomates ont sauvé les apparences en parvenant à un accord, cette édition laissera le souvenir d’un monde fracturé qui peine de plus en plus à faire émerger un consensus dans la lutte contre le…

Lire la suite

COP29, une occasion en or pour les énergies fossiles ?

22 11 2024
Clément Cygler

La Conférence des parties (COP) sur le climat s’est-elle un peu perdue pour se transformer en place de marché pour les énergies fossiles ou en une gigantesque opération de greenwashing ? À la lecture d’un rapport de Transparency International et Anti-Corruption Data Collective, on peut de plus en plus s’interroger.

Lire la suite