Du carburant fabriqué grâce au soleil

Synhelion a mis au point un procédé innovant pour créer des combustibles solaires. Ce projet convertit du CO2 et de l’eau en carburants synthétiques compatibles avec les moteurs à combustion classiques et les turbines d’avion. Une première centrale à l’échelle industrielle est prévue cette année.
Produire des carburants synthétiques grâce aux rayons du soleil, c’est l’idée développée par la startup suisse Synhelion. Créée après des recherches menées à l’École polytechnique fédérale de Zurich en 2016, l’entreprise a d’abord installé un prototype de 50 kW sur le site du centre de recherche IMDEA Energy situé à Móstoles, près de Madrid. Puis, après avoir validé le principe de fonctionnement, elle a lancé un modèle plus gros d’une capacité de 250 kW.
Le dispositif est assez complexe : des miroirs mobiles posés au sol reflètent la lumière du soleil et la concentrent vers un récepteur solaire situé au sommet d’une tour. En concentrant l’énergie solaire, Synhelion exploite 100 % du spectre lumineux. En comparaison, des panneaux photovoltaïques (PV) n’en capturent que 20 %. Le récepteur est doté d’un fluide caloporteur pouvant atteindre une température de 1 500°C.
Kérosène, essence ou diesel
Cette chaleur intense permet dans un premier temps de réduire l’oxyde de cérium présent sur les parois du réacteur. Ce matériau perd alors une partie de son oxygène qui est récupéré. Lors d’une deuxième phase, l’oxyde de cérium réduit est mis au contact d’un mélange gazeux contenant du CO2 et de la vapeur d’eau, créant un mélange de monoxyde de carbone (CO) et d’hydrogène (H2).
« Grâce au réacteur thermochimique, nous produisons alors un gaz de synthèse renouvelable qui est ensuite transformé en carburant grâce au procédé Fischer-Tropsch. Notre technologie peut produire tout type de carburant hydrocarboné : kérosène, essence ou diesel », explique Philipp Furler, l’un des deux PDG et cofondateurs de Synhelion. Pour permettre aux réacteurs chimiques de produire des carburants en continu, un système de stockage de la chaleur à haute température a été installé. Il sert la nuit ou durant les périodes nuageuses. Comme il n’existait pas d’outils capables de résister à des températures aussi élevées, Synhelion le construit elle-même.
Échelle industrielle en 2023
Pour créer les différents éléments de son système, l’entreprise collabore avec Ansys qui travaille avec des logiciels numériques de simulation de mécanique des fluides. « Nos outils servent à comprendre l’écoulement complexe et à reproduire la dynamique des fluides pour concevoir et valider des équipements capables de supporter des températures extrêmes », détaille Pepi Maksimovic, directrice de l’ingénierie chez Ansys. Après six ans de recherche, le concept développé par Synhelion approche de la commercialisation.
Pour passer à cette étape, l’entreprise suisse a récemment réalisé une levée de fonds de plus de 15 millions d’euros. « Nous construisons cette année notre première centrale à combustible solaire à l’échelle industrielle. La production de carburant commencera dès 2023. Nous espérons produire 875 millions de litres de combustible par an d’ici 2030 », précise Gianluca Ambrosetti, l’autre PDG et cofondateur de Synhelion.
Pour trouver des débouchés à ses carburants, l’entreprise s’est associée à des partenaires industriels internationaux comme la société pétrolière et gazière italienne Eni, la compagnie aérienne allemande Lufthansa ou l’aéroport de Zurich. Mais la technologie développée par la startup intéresse au-delà du secteur des transports. Elle collabore avec Cemex, un fabricant mexicain de matériaux de construction qui souhaiterait utiliser la chaleur issue de la concentration du rayonnement solaire pour fabriquer du clinker, un composé de base du ciment. Une installation pilote doit être lancée d’ici la fin de l’année sur une cimenterie.