L’atmosphère de Paris passée au crible

15 09 2022
Olivier Mary
Cyril Frêsillon CNRM/CNRS

Depuis cet été, une campagne de mesures d’ampleur exceptionnelle a lieu en région parisienne. Elles ont pour but d’alimenter dix projets sur la qualité de l’air, la météorologie, le climat et leurs effets sur la santé et les activités humaines. Des premiers résultats ont été publiés, notamment concernant le programme Across, mais la plupart feront l’objet d’articles scientifiques dans les mois et années à venir.

Cet été, alors que Paris se vidait, des équipes de scientifiques s’affairaient afin de mener à bien une campagne de mesures inédite depuis plus de dix ans. 48 ballons météorologiques ainsi que 28 mini-ballons ont été lancés dans le ciel de la capitale, 15 instruments de télédétection atmosphérique de pointe ont été installés sur cinq sites urbains et péri-urbains et plusieurs dizaines d’appareils supplémentaires ont été déployés en surface ou sur des mâts. De plus, 13 vols d’un total de 50 heures ont été effectués entre le 16 juin et le 5 juillet par un avion équipé de près de deux tonnes d’instruments. L’objectif est d’étudier la qualité de l’air et le climat urbain dans l’agglomération dans le cadre du projet Paname 2022. « Il regroupe en fait un total de dix projets (voir encadré) qui ont démarré à peu près en même temps au cours de l’été. Plutôt que de les laisser se dérouler chacun de leurs côtés, l’Institut national des sciences de l’univers (Insu) du CNRS a décidé de créer Paname 2022 pour leur donner plus visibilité et de cohérence scientifique », détaille Jean-François Doussin, directeur adjoint scientifique en charge du domaine Océan-Atmosphère à l’Insu et chimiste de l’atmosphère spécialisé dans la qualité de l’air.

Premiers résultats du projet Across

La particularité de cette initiative ? Elle a été lancée lors d’une période caniculaire, et ce, dès la première semaine de mesures, pourtant intervenue en juin. « Les températures de cet été vont aider à mieux étudier les réactions de la ville face au changement climatique. Cet été est assez emblématique de ceux que l’on pourrait connaître dans le futur. Le panache issu des feux de la Gironde va aussi permettre des recherches intéressantes, en particulier sur l’impact de cette pollution à Paris », précise Jean-François Doussin. Les expériences aériennes, rattachées au projet Across, ont notamment défini la composition chimique de l’atmosphère, à la fois des gaz (ozones, oxydes d’azote, composés organiques volatils, etc.) et des particules qui s’y trouvent. Alors que le vent était très faible, les vols ont montré la très grande volatilité des polluants émis dans et autour de la capitale. Le panache de pollution depuis Paris s’est dispersé jusqu’à 200 km de l’agglomération.
L’expérience doit aussi déterminer les transformations chimiques qui interviennent dans l’atmosphère et l’interaction entre les émissions des végétaux des forêts environnantes et des polluants anthropiques, et leurs rôles sur la qualité de l’air. Cinq sites ont été équipés de dizaines d’instruments : deux dans Paris intramuros, un site périurbain sur le plateau de Saclay, une tour de 40 m dans la forêt de Rambouillet et un plus éloigné dans la ville d’Orléans. Des concentrations de polluants secondaires (comme l’ozone) plus élevées ainsi que des émissions forestières plus intenses ont notamment été constatées pendant les fortes chaleurs.

Importance de la végétation

Outre l’étude de la pollution, les scientifiques travaillent aussi sur l’îlot de chaleur urbain. Des lâchers de ballons météo ont donc été menés sur d’autres sites et complétés par des appareils de télédétection depuis le sol (lidars, radiomètres, radars). Ces mesures ont mis en évidence de forts contrastes du profil de température au-dessus de la surface, et ont mesuré l’épaisseur de l’îlot de chaleur urbain nocturne pendant le pic de chaleur de mi-juin. Ils ont également confirmé l’importance de la végétation pour rendre la ville plus vivable lors des épisodes de chaleurs intenses. L’Insu « a observé que l’effet de refroidissement du parc de Vincennes s’étend sur environ 150 m de haut, et est plus intense au coucher du soleil (de l’ordre de 5 à 7°C certaines nuits par rapport aux quais de Bercy) que plus tard dans la nuit, de l’ordre de 3°C ».
Des mesures au sol ont aussi souligné l’impact positif des espaces végétalisés dans la baisse des températures. Des contrastes compris entre 1 à 3°C ont notamment été constatés entre les espaces urbanisés et les espaces verts (Place des Vosges, Parc de Bercy, etc.) environnants. Toutefois, ces résultats restent parcellaires et devront être approfondis. « L’exploitation de toutes ces données prendra plusieurs mois, voire plusieurs années. Elles vont par exemple être confrontées à des modèles numériques », précise Jean-François Doussin. La mise en ligne de l’ensemble des données produites pendant cette campagne sur le portail de données national Aeris facilitera leur exploitation et leur diffusion dans la communauté scientifique.

 

Dix projets en tout
En plus du projet Across, neuf autres sont actuellement en cours : certains d’entre eux traitent des conséquences du changement climatique et de la pollution sur le vivant.
- H2C étudie l’impact sur la santé de l’exposition à la chaleur et aux polluants atmosphériques.
- RI-Urbans développe pour sa part des systèmes d’observations adaptés aux nouvelles sources de polluants en environnement urbain et évalue leur incidence sur la santé humaine.
- Pollusport analyse de son côté les conséquences de la pollution de l’air sur la santé et les performances des sportifs.
- Enfin, Street observe les effets du stress hydrique sur les arbres plantés en zones urbaines, notamment sur leurs émissions de composés organiques volatils.

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