Un verre de bouteille en voie de décarbonation

06 10 2022
Clément Cygler
Vera / Adobe Stock

D’ici 2030, Verallia vise à réduire de 46 % ses émissions de CO2. Un objectif ambitieux et cohérent pour s’inscrire dans une trajectoire de limitation du changement climatique à 1,5°C. Trois grands axes de travail sont étudiés, notamment la fusion électrique.

Responsable de l’émission de près de 3 millions de tonnes de CO2 par an, la filière du verre doit renforcer ses efforts de décarbonation pour tendre vers une croissance durable. Certains industriels l’ont déjà compris, à l’image de Verallia, leader européen de l’emballage en verre. Après avoir dévoilé sa stratégie « Réimaginer le verre pour construire un avenir durable » en octobre 2020, l’entreprise s’est fixée une série d’engagements ambitieux mais cohérents au regard du scénario référentiel du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). « Début 2021, un premier niveau d’exigences a été ciblé, avec un objectif de réduction de CO2 nous permettant de se placer sur la trajectoire de limitation du réchauffement climatique à 2°C », retrace Romain Barral, directeur des opérations de Verallia. Cela signifiait une diminution des émissions des Scope 1 et 2* de 27,5 % en 2030 par rapport à 2019. Pour y parvenir, Verallia a articulé sa stratégie autour de trois grands axes.

Le premier porte sur la modification du mix de matières premières, notamment l’augmentation de la part de verre recyclé. Le deuxième axe se focalise sur la réduction de la consommation d’énergie, avec l’optimisation de la conduite du four et l’élimination des pertes du process verrier. « Verallia a ainsi participé au projet du four du futur, porté par la Fédération européenne du verre d’emballage (Feve) et réunissant 27 verriers européens dans l’optique de développer un four hybride », précise romain Barral. Enfin, un travail sur les sources d’énergie a été entrepris pour obtenir le maximum d’électricité bas carbone.

De 27,5 % à 46 %

Alors que Verallia évaluait le potentiel des pistes de réduction possible, est sorti en parallèle le 6e rapport du Giec en août 2021. Ce dernier indiquait que la limite des 2°C serait encore insuffisante et qu’il fallait viser plus haut. Une révision des engagements a été actée et a conduit à rehausser l’objectif de 27,5 % à 46 % de réduction de CO2 en 2030 pour s’inscrire dans une trajectoire de limitation du changement climatique à 1,5°C. De nouveaux engagements élevés qui ont été en outre validés par Science Based Targets (SBTi) en mars 2022. Cette initiative, pilotée par Carbon Disclosure Project (CDP) et Global Compact des Nations Unies, vise à encourager les entreprises à définir des cibles de réduction en cohérence avec les préconisations scientifiques. Verallia serait même le premier producteur d’emballages en verre à suivre la projection la plus exigeante.
Pour atteindre un tel niveau, le groupe mise en particulier sur l’électrification de ses fours, l’essentiel des émissions provenant de l’étape de fusion du verre. Après avoir fait des pré-études en interne, un partenariat stratégique a été signé fin juillet avec Fives, un groupe international d’ingénierie industrielle pour un projet d’électrification d’une des deux lignes de production de son site de Cognac. Il consiste à la conception et la fourniture d’un four entièrement électrique d’une capacité de 150 tonnes métriques de verre par jour.

Changement d'échelle

L’enjeu ne représente pas une innovation majeure pour Fives qui fabrique déjà des fours électriques permettant de fondre du verre pour le flaconnage cosmétique et pharmaceutique, la cristallerie et l’art de la table. Point commun de ces applications : les volumes de production sont plus modestes, utilisant de fait des fours plus petits. « Le défi porte avant tout sur un changement d’échelle de notre technologie de fusion électrique, déjà éprouvée pour des applications de verre de qualité. Nous pourrons aussi nous appuyer sur nos expériences dans la production de fibre de verre dont les capacités des fours électriques sont pour le coup plus importantes », indique Alexandre Brusset, directeur de Glass, Fives.
La technologie de fusion à voûte froide Prium® E-Melt proposée diffère en outre des fours traditionnels par son process vertical. Ce dernier permet de mieux isoler le four et ainsi d’améliorer le bilan énergétique. Ce procédé de fusion électrique consommerait ainsi un tiers d’énergie fi nale de moins qu’un four à gaz classique. Au niveau des émissions de CO2, seules resteraient celles provenant des matières premières carbonées. « Suivant le type de verre, la réduction d’émissions serait d’environ 50 à 60 % sur cette étape qui reste de loin la plus impactante », estime Romain Barral.

Électrique et hybride en 2024

Si ce projet se veut ambitieux, il l’est également par son calendrier. Un semestre environ d’études de conception, une construction de l’équipement en octobre 2023 pour une mise en service courant novembre. La pleine production ne débutera pas avant début 2024 afin de permettre une phase d’apprentissage indispensable pour former et faire monter en puissance les opérateurs. « Ce projet implique un changement de la conduite du four mais aussi de maintenance », note le responsable de l’entreprise, soulignant toutefois qu’« il n’y a pas d’évolution majeure dans le choix des matières premières ». Ce projet de fusion électrique n’a cependant pas fait oublier à Verallia celui de four du futur. Malgré l’abandon du projet européen, le groupe français a souhaité poursuivre les recherches et espère même pouvoir lancer également en 2024 un four hybride de grande capacité. « On a besoin de plusieurs technologies pour pouvoir choisir celle à mettre en œuvre en fonction de différents critères comme les contraintes en termes d’espace ou le type de verre à produire », explique Romain Barral. Le four électrique est particulièrement adapté pour la fabrication de verre blanc, moins pour les verres colorés ce qui limiterait l’utilisation de verres recyclés. « Un autre critère est le mix énergétique disponible notamment dans le cas d’une usine à l’étranger. Le four électrique n’est un gain que si l’électricité est bas carbone ! », conclut-il.

* Le scope 1 regroupe les émissions de GES directement liées au périmètre physique de l’usine. Le Scope 2 regroupe les émissions de GES liées aux consommations d’énergie nécessaires au fonctionnement de l’usine.

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