Opéra de Paris : la transition sur le devant de la scène
Depuis près d’une décennie, l’Opéra national de Paris mène des actions visant à limiter son impact environnemental. L’élaboration d’un plan de sobriété a permis d’accélérer ces démarches, en jouant notamment sur trois grands leviers : les usages, l’exploitation technique et le bâti.
À l’image de l’industrie, des transports, de l’agriculture ou encore de l’énergie, le secteur culturel s’est à son tour engagé dans une démarche de transition écologique. Si son empreinte environnementale n’est toutefois pas comparable avec les premiers cités, la culture se doit de décarboner ses activités qui dépendent encore fortement des énergies fossiles.
Avec ses 185 000 m² répartis sur quatre sites (Opéra Bastille, Palais Garnier, École de danse de Nanterre, Ateliers Berthier), ses 400 levers de rideau et près de 2 millions de spectateurs et visiteurs par an, l’Opéra national de Paris est face à un défi de taille auquel il s’efforce de répondre. Depuis 2015, cet établissement public industriel et commercial (Epic) a ainsi lancé de nombreuses études et actions afin d’intégrer au mieux ces enjeux d’adaptation. Cela s’est traduit notamment par une baisse de 10 % de la consommation d’électricité sur la dernière décennie grâce à un pilotage plus raisonné.
Un premier bilan carbone
Pour aller encore plus loin dans la définition de mesures les plus appropriées, un premier bilan carbone a été mené en 2022, avec l’aide du cabinet Ernst & Young (EY), un des plus importants mécènes de l’Opéra. Ce bilan portait sur la saison 2019, une année représentative des activités avant la crise sanitaire. Parallèlement, un audit énergétique des deux théâtres a également été réalisé afin d’analyser précisément la répartition des consommations énergétiques (27 800 MWh en 2019).
Les résultats obtenus ont ensuite permis à l’Opéra national de Paris d’élaborer un premier plan d’actions Développement durable. Celui-ci établit une feuille de route couvrant neuf domaines d’action, en particulier la formation du personnel aux enjeux environnementaux, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments ou encore la maîtrise de l’impact du numérique. « Le travail engagé suite à ce bilan a été un tournant dans notre gouvernance de transition écologique. Ce qui a aussi grandement participé à cette évolution est la nécessité, comme tous les établissements publics et privés, de faire un plan de sobriété énergétique pour accélérer la diminution de nos consommations d’énergie », précise Violaine Charpy, directrice déléguée en charge du pilotage de la stratégie, des investissements et du développement durable à l’Opéra de Paris.
Améliorer l’efficacité
Depuis la finalisation du plan de sobriété fi n septembre 2022, de nombreuses actions ont donc été conduites pour renforcer l’efficacité énergétique des différents bâtiments. Avec Engie, prestataire en charge de l’exploitation technique, des compteurs Smart Impulse ont été installés pour optimiser le fonctionnement des installations selon les usages, planifier des actions de remplacement d’appareils énergivores ou encore détecter des dérives de consommation. L’asservissement des centrales de traitement d’air (CTA) des deux théâtres ainsi que de l’École de danse à des sondes CO2 a également été opérée, optimisant leur fonctionnement. « Dans les dix prochaines années, on a aussi le projet et la nécessité à Bastille de remplacer la totalité des 127 CTA, qui datent de la construction du bâtiment en 1989, par des modèles plus performants », ajoute Violaine Charpy.
Demandée par le Gouvernement, la modification des consignes de température a également été entreprise pour la saison 2022-2023. En hiver, les températures ont ainsi été ramenées à 19 °C dans les locaux et espaces publics, à l’exception des espaces occupés par les artistes (salles de répétition, plateaux, loges), maintenus à 22 °C pour éviter des impacts sur leurs corps et leurs voix. En période estivale, les températures des locaux sont désormais refroidies à 24 °C, contre 18 °C avant 2022.
L’efficacité des réseaux de chauffage et de refroidissement a en outre été améliorée grâce à différentes mesures : désembouage des circuits, mise en place de têtes thermostatiques sur le réseau du Palais Garnier, remplacement des pompes obsolètes à l’Opéra Bastille ainsi que son raccordement au réseau de froid urbain Fraîcheur de Paris.
Enfin, la campagne de déploiement des éclairages LED, initiée en 2015, se poursuit. Aujourd’hui, 55 % des éclairages des bâtiments sont en LED, avec l’objectif de parvenir à 100 % d’ici fin 2026. Pour la partie scénique, environ 80 % du remplacement a été réalisé. Toutes ces mesures concrètes ont eu des effets significatifs, avec une réduction de 11 % de la consommation d’électricité et de 27 % de celle de chauffage entre septembre 2022 et avril 2023, par rapport à la même période la saison précédente.
Rénover le bâti
Quelques projets de grands travaux de rénovation, en particulier l’Opéra Bastille et l’École de danse, ont également été programmés. Pour le premier, c’est une rénovation technique globale du bâtiment qui va être menée, avec la reprise de l’ensemble des toitures-terrasses ainsi que leur isolation, la rénovation de la grande façade vitrée et de toute la distribution électrique.
À la différence de Bastille, le Palais Garnier et les ateliers Berthier, construits au XIXe siècle, ont connu au cours du temps différents travaux d’entretien et de réparation, voire d’extension. Impossible toutefois d’entreprendre des travaux importants de rénovation sur ces sites classés monuments historiques… « Pour l’isolation par exemple, on ne peut la reprendre, ni par l’intérieur, ni par l’extérieur. Et quand on répare le bâti, on doit garder les mêmes matériaux d’époque », illustre Violaine Charpy, qui précise que « des actions peuvent porter sur les usages, sur l’exploitation technique mais peu sur le bâti, alors que pour Bastille, on peut jouer sur les trois leviers ».
Concernant les décors, une réflexion sur le développement de l’écoconception et la réduction des déchets liée à cette activité est en cours. Dans le cadre du collectif 17h25 qui rassemble cinq institutions lyriques (Festival d’Aix-en- Provence, Opéra de Lyon, Opéra national de Paris, Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles et le Théâtre du Châtelet), un projet de standardisation des éléments de décor a été lancé. Il vise à créer une bibliothèque d’éléments standards à laquelle chacun pourrait se référer. Cela favoriserait le réemploi des mêmes structures d’un décor à l’autre, en évitant de les fabriquer en plusieurs exemplaires pour une seule production.
Sensibiliser aux enjeux de transition
Enfin, un important travail de sensibilisation et de formation a été engagé. Un réseau de 26 référents, issus de toutes les directions artistiques, techniques et administratives, a été constitué afin d’animer ce volet et de relayer les informations et les bonnes pratiques au sein des équipes. Ce réseau a pu bénéficier en juin 2023 de premières sessions de sensibilisation à la fresque du climat. Des conférences sur les enjeux de transition écologique propres au secteur culturel sont organisées. Les premières se sont tenues début octobre en présence de Samuel Valensi, co-rédacteur du rapport « Décarboner la culture », devant un parterre de 150 salariés. De plus, des formations adaptées aux spécificités et aux besoins de chaque métier (achats responsables, fresque du textile, communication et numérique éco-responsables) sont proposées. « La poursuite de la sensibilisation en interne mais également du public sera une des démarches centrales de l’Opéra cette année », conclut Violaine Charpy.