La géothermie de surface dans l’attente d’un plan ambitieux
La ministre de la Transition énergétique a annoncé le 5 décembre dernier un plan national en faveur de la géothermie de surface. La chaleur renouvelable puisée jusqu’à 200 mètres de profondeur grâce à cette technologie pourrait représenter d’ici vingt ans la consommation annuelle française de gaz russe en 2021.
La géothermie dite de « surface » aidera-t-elle à atteindre l’objectif de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en France, à savoir 38 % de chaleur consommée d’origine renouvelable en 2030 ? Alors que cette part atteignait difficilement les 23 % fin 2020, cette solution méconnue, coûteuse au départ en investissement, faisait encore récemment figure de vilain petit canard de la transition énergétique. Elle pourrait pourtant prendre son envol dans un contexte de renchérissement des prix du gaz et de l’électricité. L’énergie géothermique offrirait en effet un potentiel quasi illimité et non intermittent grâce à l’exploitation des calories renfermées dans le sous-sol, jusqu’à 200 m de profondeur.
Symbole du retour en grâce de cette technologie, le palais de l’Élysée a annoncé récemment que ses murs seraient bientôt chauffés grâce à cette ressource. Depuis la rentrée 2022, le Gouvernement affirme sa volonté d’encourager davantage la géothermie de surface. La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a annoncé le 5 décembre dernier devant les députés, un plan national et plusieurs amendements au projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables en sa faveur. Il faut dire que la version initiale du texte actuellement examiné par les parlementaires, ne faisait pas référence à la géothermie… À travers ce plan national, les pouvoirs publics comptent actionner tous les leviers à leur disposition pour booster la filière : adapter l’offre de formation, mobiliser le Fonds Chaleur, bonifier les certificats d’économie d’énergie (CEE), etc. En mars dernier, l’État a d’ailleurs porté les dotations du Fonds Chaleur de 340 à 520 millions d’euros pour 2022.
De la surface à la grande profondeur
Les crises énergétiques demeurent favorables à la géothermie. Le premier choc pétrolier de 1973, puis celui de 1979 avaient ainsi marqué une accélération des projets de géothermie. Cette géothermie dite « profonde », principalement concentrée en Île-de-France, se distingue par la dimension de ses forages. Ces derniers atteignent entre 400 et 2 500 m. Par ailleurs, cette technologie valorise uniquement les calories présentes dans des aquifères, des formations rocheuses perméables dans lesquels circule de l’eau. À l’heure actuelle, ces réseaux de chaleur géothermique « historiques » délivrent chauffage et eau chaude sanitaire à environ 220 000 équivalents logements en région parisienne. La troisième catégorie de géothermie dite « de grande profondeur » est expérimentée en Alsace. Elle repose sur des forages de 4 000 à 6 000 m, où la température de la roche atteint les 200 °C. La récupération de cette énergie permet de produire de l’électricité et du chauffage. Mais cette technologie est confrontée à des problématiques de sismicité.
Une arme puissante
Le 11 octobre, le Haut-commissariat avait annoncé la couleur en dévoilant un rapport intitulé « La géothermie de surface une arme puissante ». Le document évoque « un gisement quasi-inépuisable d’énergie » compatible avec les besoins en matière de chauffage collectif ou individuel, mais aussi de climatisation. « Ce gisement est sous nos pieds : il est contenu dans le sous-sol de nos villes et de nos campagnes, il est gratuit, inépuisable, sans aucune pollution, et il peut à court terme compléter avantageusement ou même se substituer à tous les autres systèmes de production de chaleur ou de froid, en générant de très importantes économies de fonctionnement », détaille François Bayrou, président du Haut-commissariat au plan.
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime que la géothermie de surface pourrait générer 100 TWh par an d’ici vingt ans. C’est un peu plus que la consommation annuelle française de gaz russe en 2021 et environ un cinquième des besoins du secteur résidentiel dans l’Hexagone. À titre de comparaison, les pompes à chaleur (PAC) géothermiques (PACg) en service en France produisent à l’heure actuelle 4,8 TWh de chaleur renouvelable par an. Astrid Cardona-Maestro, ingénieure à l’Ademe en charge du Fonds Chaleur, est convaincue du potentiel de la géothermie de surface : « Cette technologie bénéficiait déjà d’un regain d’intérêt avant l’avènement de la crise énergétique. Les acteurs de la construction l’avaient identifiée comme une solution capable de les aider à atteindre les objectifs de la réglementation environnementale RE2020. Les professionnels du tertiaire y voient pour leur part un moyen de répondre au dispositif Éco Énergie Tertiaire qui impose un calendrier de réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre ». Et de résumer : « La géothermie de surface apparaît comme une technologie éprouvée et mâture aujourd’hui. Les enjeux se situent davantage au niveau de sa massification ».
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