Ouessant, laboratoire de la transition énergétique
Pour aider les territoires non-interconnectés à engager pleinement leur transition énergétique, le projet Ice vise à évaluer la pertinence d’une solution innovante, que ce soit pour la production ou la gestion des énergies renouvelables. L’Île d’Ouessant a été un des sites d’expérimentation.
L’approvisionnement énergétique pour les territoires isolés, en particulier les îles, est, dans la grande majorité des cas, dépendante de sources externes reposant sur l’utilisation de combustibles fossiles. Avec comme conséquence, des émissions de CO2 importantes. Pour favoriser la transition énergétique dans ces communautés isolées, le projet Intelligent Community Energy (Ice) a été lancé en 2017 dans le cadre du programme Interreg en France et au Royaume-Uni pour une durée de cinq ans. Il vise à développer des modèles énergétiques bas carbone qui réduisent de 50 à 100 % les émissions de gaz à effet de serre, par comparaison aux systèmes à combustibles. Doté d’un budget de 8 millions d’euros, le projet Ice qui réunit 9 partenaires*, a principalement étudié deux axes de travail : développer une offre d’énergie verte la moins chère et s’assurer de la sécurité d’approvisionnement et de la fiabilité du système électrique.
Implication citoyenne
Pour y parvenir, « nous avons décidé de mettre en œuvre une approche systémique pour être sûr de couvrir tout le cycle de l’énergie, de la production à la consommation finale en passant par le stockage », a précisé Hélène Morin, responsable du service Europe chez Bretagne Développement Innovation (BDI, et en charge du projet Interreg Ice (1). Le cœur de celui-ci repose sur la mise en œuvre de solutions mêlant technologies de pointe, nouveaux modes de production ou de stockage d’énergie bas carbone et gestion intelligente des énergies avec le concours des habitants. « La création d’une nouvelle forme de système énergétique ne peut se faire du haut vers le bas (top to the bottom) », a souligné Peter Connor, de l’Université d’Exeter. « L’engagement communautaire est un outil essentiel pour conduire le changement. La nature, le calendrier et l’ampleur du changement doivent être le résultat de véritables discussions entre les participants au système ».
Deux territoires isolés, l’île d’Ouessant et le campus d’East Anglia où des équipements spécifiques ont été mis en œuvre dans l’étage des étudiants, ont permis de tester grandeur nature ces diverses solutions. « Une méthodologie issue du retour d’expérience d’Ouessant a été également élaborée et sera testée par les autres iles participant à Ice (les Îles Scilly et Lundy au Royaume-Uni, les Îles Chausey et Molène en France, et l’île indépendante de Sercq), afin de l’évaluer et l’améliorer », a indiqué Peter Connor.
Production et gestion
Avec le projet Ice, Ouessant est devenu un laboratoire de la transition énergétique et a ainsi pu tester des solutions répondant aux besoins spécifiques d’une zone non-interconnectée. En premier lieu, l’expérimentation de la mise en eau et du fonctionnement d’une turbine Sabella de 250 kWh dans les courants forts du Fromveur. Une centrale solaire photovoltaïque de 54 kWc a également été construite en 2017, « pour une production de 68MWh par an, soit une économie de 20000 litres de fioul », se félicite Gwendal Vonk, chargé de mission énergie au Syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère (Sdef). Pour optimiser l’utilisation d’électricité renouvelable, ce dernier a par ailleurs mis en place un nouvel équipement pour des foyers volontaires. Équipés d’un boitier connecté, ces volontaires vont pouvoir visualiser la consommation électrique. « Un voyant lumineux traduit l’information. Vert, il indique que la part d’énergie renouvelable dans le réseau d’Ouessant est importante et donc propice à consommer. Rouge, la part de renouvelable est nulle. Ainsi informé, le consomm’acteur peut adapter sa consommation, s’il le souhaite », détaille Gwendal Vonk.
Supervision des périodes de chauffe
Un projet sur l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments publics a également été lancé et a donné des premiers résultats satisfaisants. La mise en place d’interrupteurs connectés aux radiateurs et aux chaudières, couplés à un planning rempli par les utilisateurs du bâtiment, aide à mieux superviser les périodes de chauffe. Dans le cas de la bibliothèque, avec cette supervision, la consommation quotidienne moyenne a chuté de 25,8 kWh à 16 kWh, soit 38 % d’économie. Des solutions de production d’énergies renouvelables et de gestion énergétique à reproduire au plus vite dans les territoires partenaires d’Ice, mais pas seulement !
(1) Les citations sont issues du webinaire Virtual Island Summit du 10 septembre
* Sdef, BDI, Universités d’Exeter, de Plymouth et d’East Anglia, Pôle Mer Bretagne Atlantique, Marine South East, Technopôles Brest-Iroise et Quimper-Cornouaille, et l’Union européenne.