L’obligation de se raccorder aux réseaux de chaleur bientôt effective
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La loi énergie-climat rend systématique le classement des réseaux publics de chaleur et de froid à compter du 1er janvier 2022 s’ils satisfont à certaines conditions. Ce classement obligera les bâtiments situés à proximité de se raccorder, ce qui devrait permettre à la filière de se développer et de baisser ses coûts. Cette procédure devrait être prochainement précisée par un décret toujours en discussion.
Le classement des réseaux de chaleur et de froid n’est pas nouveau. Mais à partir de cette année, il va prendre une ampleur bien plus importante. En effet, un décret qui devrait être bientôt publié, rendra ce classement obligatoire comme prévu par la loi énergie-climat. Les bâtiments neufs proches ou faisant l’objet d’une rénovation importante devront alors systématiquement se raccorder. Cette nouveauté doit aider au développement des réseaux de chaleur et de froid partout en France. Cette disposition s’applique seulement aux réseaux alimentés à plus de 50 % par des énergies renouvelables et de récupération, soit 480 installations publiques concernées.
De la liberté pour les collectivités
La première procédure de classement est née dès 1980. « Seul le préfet pouvait alors décider de classer. Cette procédure était tellement lourde que deux réseaux seulement sont allés jusqu’au bout, dont un qui s’est retiré quelques années plus tard », raconte Guillaume Perrin, chef adjoint du département transition énergétique à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Trente ans plus tard, la loi Grenelle 2 a changé la procédure. La décision de classement échoit alors à la collectivité et non plus à la préfecture. Le succès est, là aussi, relativement limité même si des progrès sont accomplis : quinze installations sont alors classées.
« Il y a eu ensuite une réflexion autour de l’obligation de classement pour l’ensemble des réseaux de chaleur afin de garantir la pérennité économique de la filière car plus il y a de clients, moins le prix de l’énergie est important », explique Guillaume Perrin. Les réseaux de chaleur et de froid devront désormais répondre aux conditions d’éligibilité défi nies par le futur décret. Elles sont au nombre de trois : le taux d’énergies renouvelables et récupération (EnR & R) doit atteindre au minimum 50 % du mix énergétique du réseau ; l’installation doit être équipée d’un dispositif de comptage de l’énergie livrée ; les gestionnaires sont contraints de garantir l’équilibre financier de l’opération pendant la période d’amortissement des installations. La quasi-totalité du parc remplit ces trois conditions.
Périmètre à définir
Avant que le décret ne soit publié au journal officiel, les exploitants sont tenus de constituer un dossier de demande de classement selon les modalités définies à l’article R. 712-3 du code de l’énergie. Il doit comporter notamment une étude de faisabilité, un audit énergétique et l’analyse du périmètre du classement, décidé en collaboration avec la collectivité. Cette notion de périmètre est fondamentale. « La collectivité peut décider de son importance. Il est donc tout à fait possible de classer un réseau et de lui appliquer un tout petit périmètre correspondant à une zone d’aménagement concerté (ZAC) en développement », détaille Guillaume Perrin. Tout dépendra donc du volontarisme ou non des territoires. Grenoble vient par exemple de décider de mettre en place un périmètre sur la quasi-totalité du territoire de la métropole sauf dans le centre-ville ancien.
Les collectivités peuvent aussi fixer des seuils plus ou moins élevés aux bâtiments. Grenoble a choisi d’exclure les bâtiments dont la consommation ne dépasse pas 100 kW, donc le bâti individuel. « Dans le projet de décret, le seuil serait abaissé à 30 kW, soit l’équivalent d’une grosse maison individuelle. Mais les collectivités qui le souhaitent pourront aller plus loin », précise Guillaume Perrin. Outre la question du périmètre, la collectivité est tenue de se prononcer par délibération sur la demande de classement, d’informer les autorités compétentes en matière d’urbanisme et de se prononcer sur les demandes de dérogation déposées par les propriétaires des constructions concernées.
Quatre conditions de dérogation
Trois cas de figure donnent la possibilité aux propriétaires de ne pas raccorder leurs bâtiments. Tout d’abord si la construction présente une ou des incompatibilités techniques. Ensuite, si le raccordement entraîne des délais trop importants sur un chantier, retardant la livraison d’un bâtiment neuf ou rénové. Enfin, si le bâtiment est déjà alimenté en énergie par des renouvelables et que cette part est supérieure à celle du réseau. Une quatrième condition, qui existait dans le texte de 2011, a été supprimée. Elle stipulait qu’en cas de solution plus compétitive, il n’était pas nécessaire de se raccorder. « Cela pouvait arranger les propriétaires mais aussi les réseaux de chaleur à qui cela pouvait coûter très cher de raccorder certains clients. Beaucoup de collectivités regrettent d’ailleurs la disparition de ce critère », reconnaît Guillaume Perrin.
Le projet de décret concerne principalement les réseaux publics, mais aussi les installations privées interentreprises ou gérées par des bailleurs sociaux qui représentent tout de même environ 15 % du parc. Elles pourront être classées en déposant une demande à la collectivité dès lors qu’elles réunissent les trois conditions nécessaires. Si les collectivités sont en général plutôt favorables au nouveau classement, la filière bâtiment se montre moins enthousiaste. Selon Le Moniteur, les débats de la séance qui s’est tenue le 14 décembre au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) ont été âpres. En effet, si le CSCEE a rendu un avis favorable avec des réserves, la majorité des membres du collège professionnel ont voté contre (FFB, Unsfa, etc.) ou se sont abstenus (USH, FIEEC, Synasav, etc.). L’avis favorable n’a d’ailleurs toujours pas été publié sur le site du CSCEE.