L’hydrogène pour décarboner le transport lourd routier

Pour réduire l’impact du transport routier de marchandises et de voyageurs, l’hydrogène apparaît comme pertinent. Dans son étude Tranplhyn, l’Ademe a évalué cette solution d’un point de vue énergétique, économique et environnemental.
Alors que les émissions nationales de gaz à effet de serre ont baissé de 20 % ces trois dernières décennies, celles des transports ont au contraire progressé de près de 10 %. En 2019, elles représentaient 136 Mt CO2, soit un tiers de l’inventaire national de GES. Les transports routiers contribuent à la quasi-totalité (94 %) des émissions du secteur. Pour diminuer l’impact de ce dernier, des filières énergétiques alternatives aux carburants fossiles se sont développées, en particulier l’électricité. Si cette solution peut convenir pour des véhicules légers, elle apparaît moins adaptée pour des modèles lourds (camions, bus, autocars, etc.) où la taille et la masse des batteries peuvent rapidement excéder plusieurs tonnes. L’hydrogène apparait donc comme une réponse plus efficace pour ce type de véhicules.
Afin d’évaluer et de comparer la pertinence énergétique, économique et environnementale de l’hydrogène pour la mobilité routière, l’Ademe a mené une étude*, qui s’inscrit également dans la stratégie française pour le développement de la filière. Deux modes d’utilisation possible de l’hydrogène – pile à combustible (PAC) et combustion dans un moteur thermique – ainsi que quatre types de véhicules (poids lourd 44 tonnes, bus articulé, autocar régional et pelle sur chenilles) ont été étudiés. « Ces engins consomment de grandes quantités d’énergie et requièrent souvent des temps de ravitaillement rapides et des besoins difficiles à satisfaire avec un véhicule électrique à batterie », précise l’Ademe.
Consommation, coût et émissions
Effectuée sur différents cycles d’usage avec des variations paramétriques, l’évaluation de la consommation de combustible a montré que les véhicules équipés d’une PAC sont plus économes en énergie. En moyenne, un poids lourd à PAC utilisé consomme 20 % à 30 % de moins que son équivalent équipé d’un moteur à combustion d’hydrogène. L’écart peut même atteindre 50 % dans le cas de certains bus articulés et autocars qui bénéficient de la récupération d’énergie lors des décélérations et des freinages.
Du point de vue économique, le passage à l’hydrogène entraine une multiplication du coût total de possession du véhicule par un facteur 1,5 à 3 par rapport à la configuration Diesel de référence. Utilisé pour cette évaluation, l’indicateur TCO (Total Cost of Ownership) qui agrège les différents postes de coûts, donne toutefois un léger avantage à la motorisation thermique à hydrogène. Celle-ci serait 10 à 20 % moins chère que la PAC, le coût élevé d’investissement n’étant pas compensé par la baisse de la consommation de combustible. « Les principales voies de réduction avec la configuration Diesel sont la baisse du prix de l’hydrogène et de la PAC, tandis que l’amélioration des rendements du moteur thermique et de la PAC semblent avoir un effet limité sur le TCO », précise l’étude.
ACV et GES
Enfin, sur le volet environnemental, l’analyse du cycle de vie (ACV) et la comparaison des émissions de GES ont été réalisées pour seulement deux types de véhicules hydrogène : le poids lourd et le bus articulé. Sur l’ensemble du cycle de vie, les solutions à hydrogène bénéficient de réelles réductions d’émissions de GES par rapport aux solutions Diesel. Avec de l’hydrogène bas carbone, c’est-à-dire produit par électrolyse à partir d’électricité provenant du mix électrique français, les émissions sont réduites de plus de la moitié. La production d’hydrogène représentant la majeure partie des émissions de GES sur leur cycle de vie, cela favorise les véhicules à PAC, qui présentent de plus faibles consommations d’hydrogène que les véhicules thermiques. L’utilisation d’hydrogène renouvelable (électrolyse à partir d’électricité renouvelable) réduit encore de moitié environ les émissions de GES du poids lourd et du bus. L’hydrogène, notamment dans sa version PAC, apporterait donc un réel intérêt pour participer à la décarbonation du transport lourd routier, responsable de 22 % des émissions du secteur routier. Toutefois, « les aides à l’achat proposées aujourd’hui apparaissent bien en deçà de l’effort d’investissement que requiert le passage à un véhicule à pile à combustible actuellement », a tenu à rappeler l’Ademe.
* « Tranplhyn », Transports lourds fonctionnant à l’hydrogène