Des déchets de bois pour décarboner le papier

05 03 2024
Clément Cygler
DS Smith

Avec l’objectif de diminuer de façon conséquente l’empreinte carbone de la Papeterie de Rouen, DS Smith s’est engagé dans un projet de transformation en profondeur de l’approvisionnement énergétique de cette usine presque centenaire. Adieu le charbon, et bienvenue à la biomasse !

Depuis près d’un an, d’importants travaux de génie civil ont été entrepris sur le site de la Papeterie de Rouen, fondée en 1928 à Saint- Étienne-du-Rouvray et acquise en 2019 par le groupe DS Smith. L’usine spécialisée dans la fabrication de papier pour ondulé recyclé va en effet se doter de nouvelles installations énergétiques, plus performantes et surtout moins émettrices de gaz à effet de serre (GES). Actuellement, les besoins du process, estimés à près de 540 000 tonnes de vapeur par an, sont couverts par une chaudière à charbon d’une capacité de 54 tonnes de vapeur par heure (t/h) – en fin de vie – et une chaudière à gaz de complément de 34 t/h.
Afin de réduire drastiquement l’impact carbone, le charbon va donc être totalement abandonné au profit de la biomasse. « Le groupe a étudié de nombreuses technologies sous différentes configurations. Après analyse et classement, la solution de la biomasse couplée à l’utilisation des sous-produits de l’usine a été retenue », résume Michel Étancelin, directeur général de la Papeterie de Rouen. Pour concevoir et mener à bien ce projet de décarbonation, l’industriel a travaillé en partenariat avec Engie Solutions qui aura également la charge de l’exploitation de ces nouveaux équipements pendant vingt ans.

Sous-produits désormais valorisés

Fournie par le Finlandais Valmet, la nouvelle chaudière biomasse de 56 MW sera donc alimentée à hauteur de 30 % par des sous-pro- duits issus du process de fabrication de la pâte à papier. Cela représente environ 28 000 t/an valorisées en combustible, offrant à DS Smith des gains importants sur le coût de leur traitement. Pour les 70 % restants, environ 66 000 t/an, un plan d’approvisionnement a été élaboré en concertation avec la Région et l’Ademe. « Celui-ci a permis de sécuriser une certaine quantité de déchets municipaux de bois de classe B, provenant notamment de meubles peints ou vernis », indique le directeur. Les besoins en chaleur/vapeur du site devraient être assurés à 80 % par l’unité biomasse et 20 % par le gaz.

Seul équipement de l’actuel système énergétique à être conservé, la chaudière à gaz de secours se verra ainsi ajouter deux autres modèles avec la même capacité (34 t/h de vapeur). L’une des trois sera sollicitée en appoint pour la fabrication de vapeur à hauteur de 20 % maximum, et toutes serviront de back-up en cas de défaillance ou d’arrêt annuel de l’installation biomasse. Elles devraient être mises en service à l’automne prochain, au moment de l’arrêt de la centrale à charbon.

Transition 100% gaz

« La bascule va se faire par une transition à 100 % gaz parce que la construction de ces équipements est quasiment terminée », précise Michel Étancelin. Dès octobre, Engie Solutions, maître d’œuvre sur le projet et chargé de l’exploitation de l’ensemble du système énergétique, commencera à piloter les trois chaudières à gaz jusqu’au démarrage définitif de la biomasse. Celui-ci devrait intervenir en 2025. « En janvier, les phases d’essai qui permettront de monter progressivement en puissance la chaudière biomasse débuteront, avec une mise en service à 100 % prévue en mars », ajoute-t-il.
Ce projet de transformation de l’approvisionnement énergétique nécessite un investissement important, de l’ordre de 90 millions d’euros. Validé en 2022 par le schéma régional biomasse, le projet bénéficie d’une subvention de 15 M€, attribuée par l’Ademe. Le reste du financement sera apporté par DS Smith qui « a décidé d’investir ses fonds propres pour que la totalité de l’outil de production de vapeur sur ce site lui appartienne, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », détaille Michel Étancelin.

Une turbine de 10 MW

D’autres actions d’amélioration sont encore dans les tuyaux et pourraient être mises en œuvre en 2025, après la finalisation de ce changement majeur dans le process. La technologie à lit fluidifié de la nouvelle chaufferie biomasse permet par exemple de disposer d’une gamme d’entrées de matières premières (bois et sous-produits) beaucoup plus large. La possibilité d’intégrer davantage de sous-produits issus d’activités industrielles extérieures est ainsi à l’étude.

En outre, le fait d’avoir privilégié une chaudière biomasse haute pression, à 85 bar, offre l’opportunité d’ajouter en aval une turbine de 10 MW électrique. Son emplacement a été réservé, et les équipements pour l’accueillir ont déjà été installés. Alimentée en vapeur à hauteur de 65 t/h, cette turbine permettrait de couvrir à peu près 50 % de la consommation électrique du site. Enfin, une dernière solution est étudiée : l’utilisation de biogaz issu du process de traitement des eaux usées de l’usine. « Pour l’instant, cette production est renvoyée à Idex, l’actuel exploitant, qui s’en sert pour faire tourner des cogénérations. Mais à la fin du contrat en 2028, ce biogaz pourrait être récupéré et valorisé sur site en le brûlant dans les nouvelles chaudières », conclut le directeur général de la papeterie.

 8 % de l’objectif de 2030
Au niveau de l’empreinte écologique, le passage à la biomasse de la Papeterie de Rouen en remplacement du charbon devrait réduire les émissions de CO2 d’environ 99 000 tonnes par an. Cela correspond à 73 % de moins que l’impact carbone actuel! Ce projet d’envergure participe également de façon notable aux ambitions environne- mentales que s’est fixé DS Smith à l’échelle mondiale. Il contribue ainsi à 8 % de l’objectif général pour 2030 qui est de réduire d’au moins 46 % les émissions par tonne de papier-carton produite par rapport aux références de 2019. Le groupe britannique, qui dispose de 350 sites de production répartis dans le monde, souhaite par ailleurs atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

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