Aéroport Marseille Provence, une stratégie énergétique bien définie
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L’Aéroport Marseille Provence s’est fixé comme but d’atteindre l’autosuffisance énergétique et la neutralité carbone au cours de cette décennie. Plusieurs grands projets ont été lancés pour y parvenir, que ce soit pour optimiser les consommations d’énergies ou pour produire sa propre électricité.
Si l’Aéroport Marseille Provence (AMP) est le premier aéroport régional en fret express et le deuxième en termes de trafic passagers, il se veut également à la pointe de la lutte contre le changement climatique. À l’instar de 90 autres aéroports européens, l’AMP s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2030. « L’aéroport s’est positionné pour parvenir à de l’autosuffisance énergétique, c’est-à-dire dans un premier temps produire l’équivalent des consommations de l’aéroport. Ensuite arriver au net zéro carbone au plus tard en 2030, voire 2027 », précise William Colo, directeur de projets à l’AMP. Si ces objectifs peuvent paraître ambitieux, la démarche planifiée est, elle, bien réelle.
Plusieurs actions ont été soit planifiées, soit déjà lancées pour diminuer les émissions de CO2 que l’AMP peut maîtriser. La première brique de cette stratégie est le remplacement de la centrale de production thermo-frigorifique. Mis en demeure en 2017 par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), l’AMP devait en effet mettre en conformité cet équipement ICPE soumis à déclaration. Ainsi, début juillet 2021, après un an de travaux, une toute nouvelle centrale a été mise en service.
Des engagements sur les résultats
Dans le cadre d’un marché public global de performance (MPGP), Engie Solutions a été chargée de la conception, la construction et désormais l’exploitation de celle-ci pour une durée de cinq ans. « Des engagements de résultats multiples ont été définis en amont sur la fourniture de chaud et de froid, la consommation d’électricité ou encore le montant des travaux à ne pas dépasser qui étaient totalement pris en charge par l’aéroport », détaille Charles Utheza, directeur des grands projets chez Engie Solutions. Située dans un nouveau bâtiment de 1 200 m², l’installation permet d’alimenter l’ensemble des sites recevant du public en chauffage et en climatisation, et offre surtout des performances élevées.
Sur la partie frigorifique, la nouvelle centrale présente un coefficient de performance (COP) de 3,2 contre 2 pour l’ancienne, ce qui diminue la consommation électrique d’environ 40 %, soit 3 GWh. En outre, le fluide frigorigène utilisé, le HFO-1234ZE, est également un des moins émetteurs en gaz à effet de serre. Sur la partie thermique, le COP est également plus élevé (1,63 contre 0,83), engendrant une baisse des consommations de gaz de l’ordre de 35 % à 40 %. « L’amélioration de ce COP est avant tout due à la récupération de chaleur fatale sur les groupes de production froid, explique William Colo. Avec la nouvelle centrale, la consommation de gaz a chuté de 13 GWh à 8 GWh par an ».
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Enfin, cette centrale est évolutive, avec la possibilité de monter en capacité et surtout en disposant de piquages prévus pour un rattachement à un réseau de géothermie profonde. En effet, la prochaine étape planifiée est la géothermie et la création d’une station par l’entreprise Géothermar sur le site de la plateforme aéroportuaire. À 1 500 m de profondeur, cette station puisera une eau de 65-80°C des nappes souterraines.
Le forage exploratoire est déjà prévu au second semestre 2022, avec une mise en exploitation avant novembre 2023. Une fois relié, le forage permettra de fournir environ 6 GWh annuels à la centrale thermo-frigorifique et ainsi substituer 80 % de la consommation de gaz. Celle-ci sera alors abaissée à 1,6 GWh. « L’objectif est aussi d’effacer ce résiduel par l’abaissement du régime d’eau global de l’aéroport (passer d’un régime 65-85°C à 45-65°C) pour pouvoir bénéficier de la géothermie à 100 % et abandonner le gaz. Si la solution consistant à diminuer le régime s’avère infaisable, l’AMP pourrait passer au biogaz et ainsi ramener les émissions de CO2 liées à la production thermique à zéro », espère le directeur de projets.
Optimisation et autoconsommation
Tendre vers l’autosuffisance énergétique nécessitera de diminuer les consommations électriques, estimées à 36 GWh par an, et ensuite d’assurer une production couvrant le reste des besoins. Soumis au décret tertiaire, l’AMP doit par ailleurs réduire ses soutirages sur le réseau public d’au moins 40 % d’ici à 2030, 50 % en 2040 et 60 % à l’horizon 2050. La certification Iso50001 a aidé également les gestionnaires à structurer leur démarche et à identifier les actions. À les prioriser comme le remplacement de la centrale thermofrigorifique qui a déjà permis de diminuer de 8 % la consommation d’électricité.
Un travail de relamping sera également poursuivi, et des pistes seront étudiées prochainement pour améliorer la performance des centrales de traitement d’air (CTA). Au niveau de la production électrique, l’AMP a l’intention de construire des centrales photovoltaïques en ombrières et/ou au sol, sur une surface de près de 40 hectares pour une capacité globale de 30 MWc. Après un appel d’offres, Artelia vient tout juste d’être retenu comme assistant-maître d’ouvrage (AMO) afin d’accompagner l’aéroport dans ce projet, et de confirmer les réflexions formulées jusqu’à présent (surfaces utilisables, orientation des panneaux, enveloppe budgétaire…).
Au vu des coûts annoncés, 30 à 40 millions d’euros, ce projet photovoltaïque se fera par tranche. « Une première de 5 MWc devrait être mise en service fin 2023 et nous permettre d’atteindre en été un productible de 3,5 MW en instantané ce qui correspondra à la pointe de consommation de l’aéroport », confirme William Colo. Toute la production, environ 5 GWh annuels, sera utilisée en autoconsommation directe.
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Les phases suivantes auront progressivement pour but de parvenir à couvrir la consommation totale de l’aéroport. Les 40 hectares devraient à terme fournir un productible de 30 GWh annuel de photovoltaïque, amplement suffisant pour couvrir les besoins de l’AMP. Reste à savoir le devenir du surplus d’électricité. « Notre travail avec l’AMO nous l’indiquera. Il pourra soit être revendu dans le cadre d’appel d’offres CRE, de green PPA ou encore de stockage virtuel. Il y a aussi des projets dans la région de gros électrolyseurs qui vont avoir besoin d’électricité verte », conclut William Colo.