Développer les bonnes pratiques pour préserver la qualité de l’eau

08 06 2021
Olivier Mary
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France gaz renouvelables publie un état de l’art des connaissances scientifiques concernant l’impact de la méthanisation sur la qualité des eaux souterraines. Ce sujet ne fait pas consensus. Si certains considèrent que la filière peut être un outil de préservation des ressources en eau, d’autres pensent qu’elle engendre des risques supplémentaires. L’étude conclut que les effets bénéfiques ou non dépendent des pratiques des agriculteurs.

Les apports et les défauts de la méthanisation d’un point de vue écologique ne font actuellement pas l’unanimité. Ses effets sur la qualité de l’eau sont notamment au coeur d’âpres débats. Ses impacts pourront être négatifs ou positifs selon les systèmes existants avant la mise en place de la méthanisation, le contexte pédoclimatique et les pratiques associées aux nouveaux systèmes de cultures. Le rapport rédigé sous l’égide du groupe de travail « Qualité de l’eau » par l’Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement (Aile) dans le cadre des travaux du Contrat stratégique de filière « Nouveaux systèmes énergétiques », souhaite donner une vision globale des connaissances scientifiques actuelles sur le sujet, notamment sur les impacts de l’épandage de digestats. Ce résidu du processus de méthanisation est considéré comme un produit résiduaire organique (PRO), tout comme le fumier, le lisier ou le compost. Il peut donc être utilisé pour faire de l’épandage afin de fertiliser les cultures.

Pas de risque de pollution supplémentaire

« Il y a consensus sur un fait : à pratiques d’épandages similaires et à quantités d’azote identiques, les digestats présentent des risques de lixiviation similaires aux autres produits résiduaires organiques », affirme Armelle Damiano, directrice et responsable du secteur biogaz de l’association Aile (1). La lixiviation désigne la perte de nutriments végétaux hydrosolubles du sol qui sont dissous et entraînés par les eaux d’infiltration à la suite de pluie ou d’irrigation, polluant les nappes souterraines. Les émissions d’azote sous forme de nitrates rendent l’eau impropre à la consommation et peuvent entraîner des problèmes d’eutrophisation des rivières. Ce phénomène se caractérise par une prolifération de végétation dans les cours d’eau situés en aval, un appauvrissement en oxygène et un déséquilibre des écosystèmes aquatiques. Cependant, tous les digestats ne réagissent pas de la même manière. En effet, ceux-ci sont très différents en fonction des intrants apportés dans le méthaniseur. Les digestats bruts ou liquides ont des comportements proches des lisiers alors que la fraction solide agit plus comme du fumier ou du compost. Par contre, il est impossible d’affirmer que les digestats diminuent les risques de lixiviation par rapport à la fertilisation minérale. Les études disponibles ne sont pas assez nombreuses pour l’affirmer ou l’infirmer, d’autant plus qu’elles se contredisent.

cycle azote
Cycle de l'azote au sein d’une parcelle agricole - Source : programme-nitrate.gouv.fr

Si l’épandage de digestats à la place des autres ne semble pas augmenter les phénomènes de lixiviation, les pratiques agricoles peuvent avoir un impact majeur en la matière. Lorsque la fertilisation est mal menée, elle a des impacts négatifs sur la qualité de l’eau avec ou sans digestat. Il faut donc communiquer sur les pratiques à adopter par les agriculteurs. Pour éviter de polluer les nappes phréatiques, il est nécessaire de déterminer les bonnes quantités à épandre, le faire à la bonne saison et lorsque les conditions météorologiques sont optimales. « Il faut notamment éviter d’épandre en pleine journée lorsqu’il fait très chaud », explique Jean-Marc Onnot, agriculteur, par ailleurs coprésident de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF). Il est préférable d’épandre par temps humide et lorsque le vent est faible afin de limiter la volatilisation de l’azote. Les professionnels recommandent aussi de stocker le digestat dans des fosses couvertes avant de le répandre dans les champs. « Cette durée de stockage doit pouvoir être importante. Elle est fixée à quatre mois minimum selon la réglementation en vigueur. Certains exploitants peuvent stocker jusqu’à huit mois, voire plus, ce qui permet d’épandre au bon moment », précise Armelle Damiano. Il faut aussi utiliser le bon matériel car le lancement d’un projet de méthanisation entraîne des changements de pratiques susceptibles de dégrader la qualité de l’eau. « Depuis que nous opérons un méthaniseur, nos pratiques d’épandages sont différentes puisque nous travaillons avec des enfouisseurs, ce que l’on ne faisait pas auparavant », détaille Servane Lecollinet, agricultrice à Saint-Brieuc. Enfouir le digestat juste après l’épandage est primordial pour limiter la volatilisation et renforcer son efficacité. Pour aider les exploitants dans leur usage du digestat, un guide de bonnes pratiques est actuellement rédigé par AgroParisTech. Le projet Ferti-Dig, financé par l’Ademe, vise également à concevoir un document qui proposera des conseils d’apport pour maximiser sa valorisation agronomique et éviter d’éventuels impacts négatifs sur la fertilité du sol et l’environnement.

Le rôle positif des cultures intermédiaires

Une culture intermédiaire est implantée entre la récolte d’une culture principale et le semis de la suivante pendant une période appelée inter-culture. « Avoir un couvert végétal pendant les périodes d’intercultures joue un rôle essentiel pour piéger l’azote supplémentaire pendant l’hiver », explique Armelle Damiano. La couverture des sols limite les fuites de nitrates vers les nappes phréatiques au cours de ces périodes pluvieuses en immobilisant temporairement l’azote minéral sous forme organique. L’analyse de 31 études américaines permet de conclure à une réduction de 70 % de la lixiviation de l’azote sous les cultures intermédiaires non légumineuses par rapport à une interculture de sol nu. Cet azote, immobilisé par la culture intermédiaire, pourra être restitué à la culture principale à venir tout en générant des économies de fertilisation. La culture intermédiaire pourra être valorisée à des fins énergétiques (on parle alors de cultures intermédiaires à vocation énergétique ou Cive), elle pourra aussi servir à nourrir du bétail. Une étude autrichienne a montré que les Cive diminuent l’azote minéral dans le sol de 25% à 40% à la fin de l’hiver par rapport à un sol nu. Toutefois, il y a débat sur l’intérêt écologique des Cive par rapport à une culture intermédiaire piège à nitrate (Cipan). En effet, alors que celle-ci n’est pas fertilisée et a juste pour vocation de retenir les nitrates, les Cive sont souvent fertilisées car elles ont pour objectif une production de biomasse élevée. Cela peut entraîner des phénomènes de lixiviation. Les études restent pour l’instant bien trop rares pour trancher définitivement entre ces deux types de cultures.

(1) Les propos ont été recueillis au cours de la première édition des Rendez-vous du gaz renouvelable, sur le thème : Quels impacts de la méthanisation sur la qualité de l’eau ?

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