Climat et biodiversité sont intrinsèquement liés

01 07 2021
Sandra Salès

Paul Leadley, écologue, est l’un des auteurs du rapport co-écrit par le Giec et l’IPBES. Avec des exemples concrets, il explique pourquoi il faut aller vers des solutions écologiques basées sur la nature, mais il nous rappelle à quel point poursuivre nos efforts pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre reste le combat crucial à mener.

Le 10 juin dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) ont présenté un rapport commun qui fait le point sur les liens entre le déclin de la biodiversité et les changements climatiques et qui propose des solutions concrètes. Cette collaboration entre les deux organismes intergouvernementaux est une grande première. Les scientifiques ont compris depuis longtemps que changement climatique et perte de la biodiversité constituent un seul et même combat et sont intrinsèquement liés. Cinquante experts issus de diverses spécialités scientifiques ont oeuvré pendant cinq mois pour présenter leurs résultats au cours d’une rencontre-atelier en décembre 2020. Contrairement aux autres rapports de l’IPBES qui nécessitent davantage de délais, celui-ci a pu bénéficier d’une procédure accélérée car il y avait des échéances importantes. En effet, cette étude sera présentée lors de la convention sur la biodiversité (COP 15) qui se tiendra en octobre 2021 en Chine et lors de la convention sur le climat (COP 26) prévue en novembre 2021 à Glasglow. Ce travail permettra d’infléchir les décisions politiques lors de ces deux grands rendez-vous qui représentent des moments-clés pour les prises de décisions en faveur du climat et de la biodiversité.

Spécialiste des écosystèmes

Paul Leadley, écologue à l’université Paris-Saclay et membre du conseil scientifique de l’Office français de la biodiversité (OFB) a travaillé sur ce rapport. Il est spécialiste des impacts des changements globaux, particulièrement climatiques et l’augmentation du CO2 sur le fonctionnement des écosystèmes ainsi que la diversité des plantes dans les écosystèmes terrestres. L’écologue cherche des mesures d’adaptations techniques et sociales pour lutter contre les conséquences du changement climatique et la perte de la biodiversité. « Partout dans le monde, mais également en France, nous connaissons des épisodes de sécheresse et d’inondations de plus en plus fréquents à cause de changement climatique. Il faut trouver des solutions basées sur la nature, qui protègent à la fois la nature et l’homme. Par exemple, construire des barrages n’est plus systématiquement la réponse adaptée. Il est préférable de restaurer les cours d’eau et protéger les zones humides », explique-t-il. Une autre action concrète qui mobilise Paul Leadley est la reforestation. « Il est important de restaurer partout dans le monde les forêts détruites ou dégradées avec des espèces locales pour restaurer la biodiversité et lutter contre le réchauffement climatique car ces forêts peuvent absorber de grandes quantités de carbone. Mais si c’est mal fait, c’est une très mauvaise idée, surtout pour la biodiversité ». En effet, des étendues trop importantes de forêts ou des forêts constituées d’espèces exotiques en trop grande quantité nuisent à la biodiversité et peuvent engendrer des conflits sociaux.

4 pour 1 000 de carbone

Sur la question de l’agriculture, Paul Leadley soutient l’initiative française intitulée « 4 pour 1 000 dans les sols agricoles ». Cela signifie qu’en stockant 0,4 % de carbone par an dans les sols, on améliore leur santé. « Les écosystèmes agricoles ont un rôle majeur à jouer dans le changement climatique », souligne-t-il. En privilégiant les pratiques agro-écologiques, on peut réduire les gaz à effet de serre jusqu’à 6 gigatonnes équivalent CO2 par an. Sachant que les émissions de GES à l’heure actuelle sont de l’ordre de 55 GteqCO2/an, il faut encore faire des efforts. Le scientifique rappelle qu’il est absolument primordial de poursuivre notre travail sur la consommation d’énergie et la réduction de nos émissions de GES, notamment dans le secteur du transport, fortement émetteur. « Il y a beaucoup d’initiatives à l’échelle locale et il faut les inciter. Les politiques doivent aller dans le même sens. Il est important de trouver une harmonie entre les politiques locales et internationales et de créer des subventions en accord », explique-t-il. Au vu des incohérences de la politique agricole commune (Pac), la partie est loin d’être gagnée. Sans compter la pression des lobbyings envers les gouvernements. « Notre rôle en tant que scientifiques est de faire en sorte que les décideurs aient accès aux meilleures connaissances. Ils sont désormais bien avertis et conscients des problèmes climatiques et de l’urgence de restaurer la biodiversité. Mais parfois il y a des contradictions dans leurs politiques car les transformations sont difficiles à mettre en place et les procédures gouvernementales sont très longues », déplore l’écologue. Même si le chemin est long et difficile, cette belle initiative entre le Giec et l’IPBES est porteuse de l’espoir que les préconisations scientifiques seront suivies de politiques efficaces et rapides.

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