Mélusine, une dorsale de biogaz innovante
Sorégies a inauguré récemment la dorsale Mélusine, qui vient compléter son réseau dans la Vienne. Cette conduite de gaz souterraine qui transporte du biométhane, fait l’objet d’une innovation : le premier bouclage inter-opérateur de France.
Pour la première fois en France, un bouclage a été mis en œuvre entre les réseaux de deux opérateurs – le groupe Sorégies et GRDF. Ce bouclage relie la nouvelle dorsale inaugurée par Sorégies dans la Vienne, baptisée Mélusine, et le réseau GRDF de l’agglomération du Grand Poitiers. Il permet à Sorégies d’injecter dans le réseau le surplus éventuel de biogaz de Mélusine. Longue de 34 kilomètres, cette dorsale a en effet pour fonction de transporter le biométhane produit par des unités de méthanisation du territoire qu’elle traverse et d’alimenter des clients locaux. Pour l’instant, une seule unité de méthanisation injecte dans ce réseau.
Opérée par la société Énergie Fermière, d’une capacité de 120 Nm3, cette unité doit produire 12 GWh de gaz vert par an. Mise en service en février 2023, elle valorise des effluents d’élevage et des résidus de cultures d’agriculteurs locaux. « Jérôme Clochard et moi portons ce projet depuis cinq ans. C’est un projet agricole qui redonne un sens à l’élevage. La méthanisation est une réelle opportunité pour nous éleveurs, car elle permettra de valoriser nos effluents d’élevage et d’incorporer des intercultures présentes sur une partie de nos surfaces. En outre, nous produirons du biogaz mais aussi du digestat, un fertilisant renouvelable », explique Aurélien Berardengo, président d’Énergie Fermière. D’autres méthaniseurs devraient être raccordés peu à peu. « Le prochain, avec 20 GWh, sera mis en service à partir de 2025, puis deux autres pour atteindre en tout une injection annuelle de 62 GWh sur le réseau Mélusine en 2030 », précise Pascal Grimaud, directeur général adjoint de Sorégies.
Production et consommation locales
La dorsale effectue un tracé en zigzags : d’un côté pour aller au plus près des futurs producteurs de biogaz ; de l’autre pour alimenter en gaz naturel les villages. Toutefois, s’il y a des clients pendant les mois d’hiver, notamment pour le chauffage, la situation est différente en été. « Le biométhane issu de l’unité de méthanisation doit alimenter environ 1 550 foyers. Ils utilisent du gaz essentiellement pour le chauffage : la consommation estivale autour de la dorsale sera quasiment nulle. Nous avons donc pensé à ce bouclage avec le réseau de GRDF au sud de Poitiers, qui constitue une première au niveau national », se félicite Pascal Grimaud. L’idée est née au moment où l’agglomération du Grand Poitiers réunissait les différents acteurs du territoire afin d’élaborer les plans de zonage et le schéma directeur d’injection du territoire. GRDF et Sorégies ont alors pu échanger sur la possibilité de mettre en place un tel bouclage. « Ainsi, le gaz produit localement sera consommé localement, soit au plus près de Mélusine, soit sur le Grand Poitiers », souligne Pascal Grimaud.
Avec ce projet, 9 % des volumes de gaz acheminés chaque année sur les réseaux du groupe Sorégies dans le département de la Vienne seront renouvelables. « Notre objectif est d’atteindre 20 % en 2030 », annonce le directeur général adjoint de Sorégies. Cet objectif ambitieux est lié à la volonté d’amortir les réseaux existants. Sorégies a en effet construit à partir du début des années 2000 les quelque 1 000 km de conduites de gaz qu’il exploite sur la Vienne, le Maine-et-Loire, l’Indre-et-Loire et la Vendée. Celles-ci sont encore jeunes et n’ont pas encore été rentabilisés.
Le groupe compte donc trouver de nouveaux débouchés pour le biométhane, notamment avec la mobilité décarbonée grâce à l’installation de stations bioGNV. Il souhaite aussi densifier son réseau en accélérant le passage au gaz des usagers du territoire, en remplaçant des chaudières au fioul par exemple. « D’ailleurs, la disparition à terme des aides à l’installation des chaudières à gaz est un signe contradictoire, alors que l’État veut développer le biométhane… », regrette Pascal Grimaud.
Rentabilité des dorsales
Cette densification peut se faire en outre en agrandissant le réseau et en accélérant l’injection de biométhane produit localement. C’est ce que fait Sorégies avec Mélusine, mais aussi avec un autre projet récent, la dorsale des Mauges en Maine-et-Loire et ses 90 km parsemés de trois unités de production et d’injection de biométhane. La rentabilité des dorsales gazières est calculée via des business plans établis sur trente ans, comme pour les autres réseaux de distribution de gaz. La dorsale Mélusine dépend donc de la mise en service des méthaniseurs prévus. La concertation autour du projet a d’ailleurs inclus l’association Valeurs AgriMétha, qui a pu identifi er les potentialités de développement de la méthanisation agricole sur le territoire. « Mais ces projets sont remis en question par la nouvelle organisation des certificats de garantie d’origine et par l’augmentation des coûts de production depuis deux ans. Les producteurs ne voient plus toujours où ils vont, cela risque de remettre en cause les décisions d’investir. Nous avons besoin de clarté », plaide Pascal Grimaud.
Cinq PCS-mètres
Outre le bouclage inter-opérateurs, la dorsale Mélusine est le lieu d’une autre première nationale : l’utilisation de PCS-mètres qui mesurent le point calorifique supérieur (PCS) du gaz distribué. En effet, le PCS du biométhane est environ 10 % inférieur à celui du gaz naturel : il fournit 10 % en moins d’énergie pour le même volume enregistré par le compteur. Sur le réseau Mélusine ont donc été installés cinq PCS-mètres couvrant cinq zones de consommation. Ils mesurent la réalité énergétique du gaz distribué. Ainsi, les clients sont facturés en fonction de l’énergie réellement consommée.