Le lac d'Annecy, réservoir d'économies d'énergie
Idex vient d’inaugurer un réseau de chaleur et de froid fonctionnant grâce à l’inertie thermique du lac d’Annecy. Une solution économe en CO2, dont la rentabilité dépend toutefois de la construction d’une future piscine.
Á Annecy a été inauguré le premier réseau de chaleur lacustre français, permettant d’alimenter tout un quartier en chauffage, en eau chaude sanitaire (ECS) et en refroidissement. Baptisé « ali énergie », il fournit en chaud et en froid les bâtiments du quartier des Trésums, soit plusieurs édifices comprenant plus de 570 logements, une résidence seniors, un hôtel et la future piscine municipale.
L’idée n’est pas nouvelle : l’eau du Lac Léman est déjà utilisée depuis fin 2022 pour chauffer la commune française de Saint-Gingolph (Haute-Savoie) ; en Suisse, la ville de Genève se sert aussi depuis déjà plusieurs années de cette masse d’eau monumentale pour se chauffer et se climatiser. Toutefois, « ali énergie » est la première installation de grande taille traitant l’ensemble de la chaîne de chaleur. L’eau est puisée dans le lac d’Annecy à 20 mètres de profondeur, grâce à une canalisation de 400 m de long, là où la température reste constante à 7°C, été comme hiver. Elle est dirigée vers un échangeur de chaleur, puis rejetée intégralement dans le lac grâce à une autre canalisation, longue de 200 m. « Le lac est très rapidement profond, ce qui permet une longueur de tuyauterie très faible », indique Jérémie Neveu, directeur des infrastructures d’Idex en Auvergne-Rhône-Alpes.
Trois PAC
Pour les besoins en eau chaude sanitaire et en chauffage, l’échangeur de chaleur alimente trois pompes à chaleur (PAC) connectées à un réseau de chaleur urbain. « Ce sont des PAC à fluide frigorigène de type HFO, ayant un impact nul sur la couche d’ozone », poursuit Jérémie Neveu. Cette installation couvrira 95 % des besoins en chauffage et en ECS (13 GWh/an) du quartier. Le reste sera fourni par trois chaudières électriques d’appoint, installées dans deux sous-stations sous les édifices. Pour 100 MWh de chaleur produite, le système utilisera 35 MWh d’électricité et 65 MWh d’énergie renouvelable directement issue du lac.
Se passer de chaudières à gaz naturel pour produire la chaleur permettra de diviser par trois la consommation en énergie et de réduire les émissions de CO2 des abonnés au réseau de chaleur de 2 600 tonnes par an, d’après le groupe. « Le réseau fonctionne à très basse température, avec une consigne à 65 °C maximum. Cela n’est possible que si les bâtiments sont équipés des installations adéquates », explique Jérémie Neveu. Pour les besoins en refroidissement (500 MWh par an), bien moindres que ceux en eau chaude, le système fonctionnera par free cooling. L’eau du lac étant à 7 °C, elle refroidira l’eau du réseau qui circulera ensuite dans les habitations, assurant une climatisation sans apport énergétique supplémentaire. La seule consommation complémentaire viendra des pompes permettant la circulation de l’eau froide. Le refroidissement sera assuré à 100 % par la boucle d’eau. « Éviter le recours à des climatiseurs individuels, qui contribuent au phénomène des îlots de chaleur, permet de diviser par quinze la consommation en électricité par rapport à un système conventionnel », annonce Idex.
D’après l’entreprise, la boucle d’eau ne réchauffera ou ne refroidira pas le lac, en raison du faible débit d’eau qu’elle captera et rejettera : seulement jusqu’à 240 litres par seconde en hiver, au maximum de sa capacité. À comparer avec le débit du Thiou qui alimente le lac, et qui varie entre 4 000 et 40 000 l/s ou avec le volume d’eau du lac qui est de plus de 1 000 millions de m3. « L’impact est nul, d’autant que le différentiel maximum de température de l’eau qui circule dans l’installation sera de 5 °C », souligne Jérémie Neveu. La boucle d’eau a été pensée pour un projet d’aménagement urbain porté par Crédit Agricole Immobilier et portant sur la reconversion d’un ancien hôpital en quartier de logements et d’équipements tertiaires. Les réseaux sont donc neufs et ont été conçus en fonction de cette solution de chaleur et de froid renouvelables.
« Le bureau d’études SGI, qui travaillait à imaginer une solution de production de chaleur pour le nouveau quartier, a été à l’initiative du projet de récupération de chaleur sur l’eau du lac, et l’a proposé à Crédit Agricole Immobilier. Ils se sont tournés vers Idex, qui a conçu, réalisé et financé le réseau, tout en confiant la maîtrise d’œuvre à SGI », détaille Jérémie Neveu.
Financement privé
Le coût total des installations de pompage et du réseau de raccordement souterrain s’élève à 10 millions d’euros, subventionné à hauteur de 1,7 M€ par l’Ademe. Le réseau sera entretenu et exploité par Idex pendant les vingt-cinq prochaines années. Le financement du projet est prévu sur trente ans, grâce à des contrats de fourniture de chaud et de froid signés avec les copropriétés, l’exploitant de l’hôtel, l’Ehpad, mais aussi de la piscine. Cette dernière sera l’un des gros consommateurs du réseau de chaleur, donc l’un des gros clients d’ “ali énergie”, avec un peu moins de 50 % de la puissance souscrite. Aujourd’hui, cette piscine n’est pas encore construite ; son chantier n’a même pas commencé. Il devrait démarrer en octobre 2023, avec 21 mois de retard sur le calendrier initial. D’après la municipalité, elle devrait être achevée en octobre 2025.
« Les équipements de production de chaleur installés par Idex sont dimensionnés pour permettre l’alimentation de la future piscine et une extension éventuelle du réseau de chaleur en dehors des Trésums », indique Jérémie Neveu. Idex est donc sans doute tout aussi impatient que les Annéciens de voir la nouvelle piscine sortir de terre.