Le potentiel du CCS surévalué ?
Un rapport rédigé par le groupe de recherche Wood Mackenzie estime que le développement du captage stockage de CO2 projeté par certains industriels et des scénarios de décarbonation est particulièrement surévalué en Asie. Selon le cabinet de conseil spécialisé dans l’énergie, les freins technologiques et financiers persisteront pendant des décennies.
Longtemps considéré comme une technologie fantaisiste, voire contreproductive dans la lutte contre les émissions carbone, le captage et stockage de CO2 (CCS) est désormais envisagé comme indispensable pour atteindre la neutralité d’ici le milieu du siècle, en particulier par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Ces prescriptions sont déjà reprises par les pouvoirs publics. Les autorités européennes ont notamment intégré le CCS dans le Pacte vert pour l’Europe. Les fonds européens soutiennent déjà des projets. Celui pour l’innovation a lancé en 2020 un premier appel à grands projets, par exemple. Pourtant, l’essor massif de cette technologie ne semble pas si facile que certains scénarios prospectifs le prétendent. Un rapport du cabinet de conseil spécialisé dans l’énergie Wood Mackenzie minimise son potentiel réel en Asie.
Rédigé à la demande du groupement des investisseurs d’Asie sur le changement climatique, il se penche sur la compétitivité du CCS en Chine, en Inde, au Japon et en Corée du Sud pour les secteurs de la production d’acier et d’électricité. Ses modèles ont estimé cette compétitivité en 2021 et 2040 selon deux scénarios, dont un limite le réchauffement climatique selon les objectifs de l’Accord de Paris. Ils concluent que les obstacles financiers et opérationnels sont nombreux et dureront encore des dizaines d’années.
Jusqu’en 2040, le CCS se heurte à d’importants défis en matière de compétitivité dans la production d’électricité car les prix des énergies renouvelables, du stockage et d’autres alternatives aux énergies fossiles continuent de baisser. Pourtant, il faudrait capter 2,8 Gt de CO2 d’ici 2050 si le monde ne veut pas dépasser les 2°C de réchauffement en 2100. En effet, des moyens de productions fossiles persisteront dans les pays en développement. Cette technologie sera mieux adaptée pour capter les émissions à la sortie des cheminées des usines sidérurgiques mais restera chère. Outre ces problèmes de coûts, le déploiement massif du CCS sera confronté à des défis importants, notamment des risques environnementaux. Les fuites potentielles sont dangereuses pour le climat, la santé humaine et les écosystèmes.
Le procédé peut également entraîner un stress hydrique car de grandes quantités d’eau sont nécessaires pour le mener à bien. Le CCS devra aussi régler des problèmes techniques, en particulier identifier les stockages géologiques les plus adaptés et établir un réseau de pipelines pour transporter le CO2 à grande échelle. Une forte opposition sociétale pourrait aggraver les difficultés de la filière. En effet, les sites industriels devront s’agrandir pour accueillir les équipements de captage et être raccordés à des pipelines de CO2, toujours à construire. Enfin, il risque d’être bien difficile de trouver les financements nécessaires à lancer la filière car les banques restent réticentes à soutenir des projets qui ne génèrent pas de revenus immédiats et qui pâtissent d’un taux d’échec commercial élevé.
Ce sont donc les politiques menées qui devraient permettre, ou non, d’accélérer le déploiement de cette technologie non-rentable à court ou moyen terme. Toutefois, les auteurs du rapport jugent un soutien public massif peu probable. Selon eux, il est donc évident que tous ces obstacles pourraient mettre à mal le développement du CCS, ce qui remettrait en cause de nombreux scénarios de transition énergétique. Ces derniers lui accordant une trop grande importance.