Comment concilier urbanisme et mobilité

Concilier urbanisme et mobilité n’est pas toujours facile pour les territoires. Développer des plans de mobilités est devenu obligatoire pour certains d’entre eux mais mener des politiques cohérentes implique une véritable collaboration à long terme entre communes et intercommunalités.
Le secteur des transports est l’un des plus émetteurs en gaz à effet de serre (GES): entre 1990 et 2017, il est le seul dont la part dans le total des émissions de CO2 a continué à croître, passant de 22 à 24 %. Pour faire baisser ce chiffre, les territoires doivent repenser les bases de la mobilité et de l’urbanisme. En effet, c’est à eux de décider quel espace dédier aux automobiles, aux transports en commun, aux vélos ou aux piétons et de densifier ou non l’habitat. En fonction des politiques menées, ils vont donc créer des habitudes de mobilités plus ou moins vertueuses. « En construisant certaines infrastructures de déplacements, ils peuvent générer de l’étalement urbain. Par conséquent, les territoires vont fragmenter les espaces par types activités et par mode de vie, augmenter les distances parcourues et les besoins de mobilité, et finir par entrainer une dépendance à la voiture et une artificialisation des sols », explique Géraud Acquier, chef de projets à la coopérative de conseil en mobilités Iter*. À l’inverse, densifier l’habitat aura pour conséquence de rendre plus pertinentes et plus rentables les offres alternatives à la voiture individuelle, qu’il s’agisse de modes actifs, du transport en commun ou du covoiturage. Des dispositifs existent pour aider les collectivités à mieux planifier leurs politiques. La plupart sont d’ailleurs devenus obligatoires.
Mieux planifier la mobilité
La loi d’orientation des mobilités (Lom) a été publiée au Journal officiel le 26 décembre 2019. Elle a pour objectif de couvrir l’ensemble du territoire national par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) locale et encourage donc les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles à prendre la compétence mobilité. Les syndicats mixtes et les pôles d’équilibre territorial et ruraux (PETR) ont aussi la possibilité de devenir AOM, suite à un transfert de cette compétence de la part de leurs membres. Elles peuvent planifier les transports publics et scolaires, mais aussi des services de covoiturage, d’autopartage ou de location de bicyclettes. Enfin, elles peuvent également contribuer au développement des mobilités actives et partagées (plateforme d’intermédiation, subventionnement de pistes cyclables), aux services de mobilité solidaire (garage solidaire) et verser des aides individuelles à la mobilité.
Pour mettre en œuvre l’organisation du transport sur leurs territoires, les AOM peuvent élaborer un plan de mobilité (PDM). Ce document est d’ailleurs obligatoire pour celles qui contiennent ou recoupent des agglomérations de plus de100000 habitants. Les AOM non soumises à un PDM obligatoire ont la possibilité de mettre en place un PDM simplifié (PDMS), version allégée du PDM. Contrairement à celui-ci, il ne présente pas de caractère opposable et n’a pas de lien juridique avec les autres documents, dont le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi). Mais ces plans ne sont pas forcément faciles à mettre en oeuvre. « Il y a un réel problème de temporalité entre les différents plans. Chacun a sa propre temporalité : six ans pour le Plan climat air-énergie territorial (PCAET), dix ans pour le PDM, quinze ans pour le PLUi, vingt ans pour le Schéma de cohérence territoriale (Scot) », détaille Géraud Acquier.
Intégrer mobilité et habitat
Les collectivités cherchent donc à mettre de la cohérence dans leurs politiques. L’intercommunalité de Blois Agglopolys a choisi de mettre en place un PLUi qui fait office de PDM tout en mettant en oeuvre un volet consacré à l’habitat et à l’aménagement. « Ce document permet de prendre en compte les enjeux de transition énergétique et écologique et d’anticiper les changements à venir dans nos manières d’habiter, de travailler, de consommer et de se déplacer », estime Christine Grégoire, directrice des mobilités au Pôle transition écologique de la Ville de Blois et d’Agglopolys. Il regroupe notamment des règles d’urbanisme pour l’ensemble du territoire de l’agglomération, qui rassemble 43 communes, des orientations en matière de déplacements urbains et d’habitat. Concrètement, la collectivité prévoit par exemple de construire 8 850 logements tout en divisant par deux la consommation d’espaces naturels et agricoles à des fins d’urbanisation par rapport aux années passées. En outre, elle souhaite réaliser un déplacement sur deux en mode alternatif à la voiture individuelle.
Mais mener toutes ces démarches pour créer une politique cohérente a pris du temps. La collectivité a commencé à y travailler dès 2016. « Cette procédure complexe et longue a pu être menée à bien car nous avons bénéficié d’une grande stabilité politique », reconnait Christine Grégoire. Mettre en cohérence urbanisme et mobilité n’est donc pas chose aisée. Pour y parvenir, « il faut aller vers une intégration progressive des documents de planification de l’urbanisme et de la mobilité. Aujourd’hui, les différents documents sont élaborés sur des périmètres proches, presque au même moment, mais trop souvent chacun dans son coin. Il faudrait plutôt élaborer les documents sur les mêmes périmètres au même moment, dans un projet coordonné. Pour cela, il faut modifier les modes de gouvernance en unifiant la planification mobilité et urbanisme dans une même instance décisionnelle », recommande Géraud Acquier. C’est le choix fait par Blois : dès 2016, l’ensemble des directions concernées ont été regroupées dans un pôle unique: la Direction de la planification, de l’aménagement et du développement durable.
* Les propos de Géraud Acquier et Christine Grégoire ont été recueillis lors d’une conférence intitulée « Articuler urbanisme et mobilité : leviers et outils pour assurer la synergie », organisée le 9 juin par l’Association des professionnels en conseil climat énergie et environnement (APCC).