CIV France convertit ses data centers à l’efficacité énergétique

04 10 2021
Philippe Bohlinger
CIV France
Implanté à Sainghin-en-Mélantois, à proximité de Lille, le data center de CIV France mise sur l’effi cacité énergétique et la production d’énergies renouvelables et de récupération pour limiter au maximum sa consommation énergétique.

La PME lilloise CIV France veut abaisser d’un tiers la consommation énergétique de ses deux data centers à l’horizon 2030. La certification ISO 50001 est venue dernièrement saluer la qualité de son management des énergies.

L’efficacité énergétique entre progressivement dans les codes des entreprises du numérique. À Lille, CIV France s’est saisi à bras le corps de ces enjeux, avec un objectif ambitieux à l’horizon 2030 : abaisser de près d’un tiers la consommation électrique de ses deux data centers par rapport à 2010. L’organisation interne déployée depuis plusieurs années par la PME en vue d’atteindre ce seuil s’est traduite en avril dernier par l’obtention de la certification ISO 50001 pour le management des énergies. « Nous avions déjà parcouru une bonne partie du chemin vers la certification, car nos équipes sont animées par la passion, mais aussi le bon sens. La démarche ISO 50001 nous a permis de formaliser nos actions », résume Sébastien Cousin, directeur général de CIV France. L’engagement du dirigeant tient dans sa sensibilité aux impacts du réchauffement climatique.
« En France, le prix du kilowattheure électrique demeure bon marché par comparaison à nos voisins européens. Par ailleurs, les centres de stockage de données numériques bénéficient d’un taux réduit de contribution au service public de l’électricité (CSPE). Pour autant, les acteurs de ce marché doivent davantage se préoccuper de leur impact environnemental par soucis de responsabilité sociétale, mais aussi parce que notre secteur ne restera pas longtemps exempt de taxation carbone », analyse-t-il.

Action sur la température de consigne d’eau glacée

Comme le préconise l’ISO 50001, CIV France a commencé par faire l’état des lieux de ses principaux postes de consommation énergétique. L’attention portée aux factures mensuelles de ses deux data centers de Lille et de Valenciennes – en activité 24 heures/24 – a permis de prendre la mesure des variations saisonnières. Par ailleurs, les compteurs reliés à chaque disjoncteur ont calculé que 60 % des consommations électriques provenaient de l’alimentation des ordinateurs, 30 % de la production de froid et 10 % d’usages divers. Une fois ce constat établi, l’entreprise nordiste s’est donnée les moyens d’abaisser son PUE (power usage effectiveness), autrement dit le ratio entre l’énergie totale consommée par ces centres et l’énergie consommée par ses équipements informatiques.

Pour commencer, trois modes de refroidissement ont été définis. L’utilisation directe de l’air extérieur ou « free-cooling » assure l’essentiel des besoins en refroidissement l’hiver. L’été, le refroidissement « actif » s’appuie sur un équipement à haute performance : un compresseur à paliers magnétiques sans huile. En intersaison, le fonctionnement des data centers combine les deux technologies. Parallèlement, l’augmentation de la température de consigne du circuit d’eau glacée a généré d’importants gains : elle a été portée de 12-17°C à 18-23°C. « Certains data centers poussent jusqu’à 25-27°C, mais cette solution reste un mirage, selon nous. En effet, les ordinateurs vont surventiler, si bien que les économies d’énergies en production de froid sont intégralement reportées sur le fonctionnement des ordinateurs », juge Sébastien Cousin.

Énergies renouvelables et de récupération

Ces mesures se sont traduites sur la facture énergétique de CIV France. Celle-ci demeure stable depuis quatre ans alors que le prix du kilowattheure est en hausse, que son chiffre d’affaires a progressé et qu’elle a augmenté le nombre de serveurs informatiques. Mais attention, le changement de température de consigne demeure complexe sur le plan technique. En effet, la montée en température du circuit de refroidissement fait perdre beaucoup d’inertie. Or le directeur-général demeure extrêmement attaché à la sécurisation des données de ses clients. Dans ce contexte, le data center de Lille s’est vu adjoindre un «  glaçon » de 50 m3 équivalent à un groupe d’eau glacée de 700 kW capable de fonctionner pendant trente minutes. Le cube se forme en 16 heures pendant les heures creuses grâce à un échangeur. Il couvre le basculement sur les groupes électrogènes en cas de coupure ou encore le passage du rafraichissement actif au freecooling qui nécessite 2 à 3 minutes.

Parallèlement à l’efficacité énergétique l’entreprise mise sur les énergies renouvelables et de récupération (EnR&R). En effet, la réalisation des objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) en France implique de consommer moins, mais aussi de consommer mieux. À Lille, l’entreprise a ainsi installé récemment des panneaux photovoltaïques en ombrières (230 kWc). Ils couvrent 4 % des besoins énergétiques du site. À l’automne prochain, la chaleur fatale de ce site (3 200 m2) devrait être valorisée pour maintenir hors gel un entrepôt voisin. Ce besoin était jusqu’alors assuré par deux chaudières au gaz. Le centre de stockage de données profitera en retour d’une eau refroidie. Le même fonctionnement vertueux est appliqué depuis 2015 au data center de Valenciennes (2 900 m2), mais en s’appuyant cette fois sur le réseau de chaleur urbain de l’agglomération.

Pour ces différentes actions, l’entreprise a bénéficié du soutien financier du programme PRO-SMEn. Ce programme national incite les entreprises à mettre en place un système de management de l’énergie en leur accordant une prime (40 000 euros), une fois le certificat ISO 50001 obtenu.

 

ADN familial
Acteur majeur des Hauts-de-France en matière de data center, CIV France affiche de grandes ambitions en matière d’éco-responsabilité. L’ADN familial de cette entreprise de 20 salariés pour 7,1 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020 compte pour beaucoup dans l’attention à ces valeurs. Fondée en 1974 par Serge Cousin, la PME est dirigée par ses deux fils, Sébastien, directeur-général et Jérémy, président du directoire. L’entreprise s’est lancée dans les années 80 dans la construction de salles de serveurs informatiques, avant de se doter de ses propres data center, en 2009 à Lille et en 2015 à Valenciennes. Elle est certifiée ISO 50001 (système de management de l’énergie), mais aussi ISO 9001 (qualité) et ISO 27001 (système de management de la sécurité informatique).

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