Changement climatique et migrations forcées

24 11 2021
Simon Philippe
© Stacy Kranitz/Climate Visuals Countdown
Route submergée, reliant une île au continent dans le Golfe du Mexique.

Plus de 216 millions d’individus pourraient être forcés de migrer à cause des changements climatiques, prévoit la Banque mondiale dans le rapport Groundswell. Une situation certainement sous-évaluée mais contre laquelle il est possible d’agir.

 

« Le rapport Groundswell rappelle crûment le coût humain du changement climatique, en particulier pour les plus pauvres, qui en sont les moins responsables », décrit Juergen Voegele, vice-président de la Banque mondiale. Si le changement climatique est une réalité souvent cantonnée à l’écologie ou à la biodiversité, la dérégulation de l’environnement par l’activité humaine a aussi un effet sur les populations. C’est ce qu’illustre la deuxième édition du rapport « Groundswell » portant sur les migrations climatiques. Publié le 13 septembre 2021 par la Banque mondiale, il vient compléter une première version de 2018 et revoit les chiffres à la hausse d’environ 50 %.

« D’ici à 2050, le changement climatique risque de contraindre 216 millions de personnes à migrer à l’intérieur de leur pays », peut-on lire dans le document. Concrètement, 3 % de la population de ces zones sera forcée de changer de lieu de vie, à cause des nouvelles conditions climatiques. « Des foyers de migration climatique interne pourraient apparaître dès 2030 et s’accroître progressivement jusqu’en 2050 », estime le rapport.

 

 

Groundswell porte sur six régions distinctes. Dans les scénarios les plus catastrophiques, l’Afrique subsaharienne serait la plus frappée, avec plus de 85,7 millions de migrants climatiques internes. Cette région est décrite comme « très vulnérable », notamment dans les zones arides déjà fragiles et le long des côtes. L’Afrique du Nord pourrait donc paraître relativement épargnée avec 19,3 millions de personnes affectées, si ces dernières ne représentaient pas 9,0 % de sa population, faisant de cette région-là plus touchée en proportion. En cause : la rareté de l’eau et l’élévation du niveau de la mer sur des zones côtières densément peuplées. De leurs côtés, l’Asie de l’Est et Pacifique compterait 48,5 millions de réfugiés, l’Asie du Sud 40,5 millions, l’Amérique latine 17,1 millions, et l’Europe de l’Est avec l’Asie centrale 5,1 millions. Mais ces chiffres sont « prudents » et très certainement sous-évalués. Par exemple, la Banque mondiale ne prend pas en compte la plupart des pays les plus aisés, avec les régions européenne, nord-américaine et le Moyen-Orient.

Migrations et relocalisations

Aussi, l’analyse se concentre principalement sur les effets « à évolution lente du changement climatique » au travers des disponibilités en eau, de l’élévation du niveau de la mer et de la production agricole. De ce fait, Groundswell se focalise sur « les relocalisations » et fait abstraction des autres types de mobilités. « Les liens entre climat et migrations transfrontalières sont complexes et doivent être bien plus documentés », explique-t-il. D’autres données pourraient faire pencher la balance. « Le changement climatique est suffisamment puissant pour transformer les schémas de migrations actuels », estime Alex Randall, expert de la Climate and migration coalition. Agir sur les causes du réchauffement planétaire est donc une solution. « Des mesures à l’échelle mondiale visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) pourraient considérablement ralentir les migrations climatiques internes », rapporte le document de la Banque mondiale.

Les scénarios les plus favorables estiment qu’il est possible de réduire jusqu’à 80 % le nombre de migrants climatiques, faisant passer leur nombre à 44 millions, contre les 216 millions prévus. Dans le viseur, les GES, donc, mais la partie est loin d’être gagnée. La première partie du sixième rapport du Giec, publiée en août 2021, dresse même un sombre tableau des actions de l’homme sur son environnement. Le réchauffement climatique s’accélère et il est désormais certain que la barre des 1,5°C sera dépassée avant 2050. Reste à savoir si ces nouvelles données auront un effet sur les négociations à la COP26. Car si la machine est lancée, il est encore possible de limiter la casse. À condition d’agir rapidement, et efficacement.

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