État des lieux et pistes pour une méthanisation agricole durable
Quelle est la place de la méthanisation agricole dans le mix énergétique français ? Cette question qui fait par ailleurs l’objet d’une mission d’information menée par le Sénat est au centre d’une note d’information co-écrite par Solagro et négaWatt.
Conscients du rôle significatif de la méthanisation dans la transition énergétique, Solagro et l’association négaWatt ont co-rédigé la note d’information « La méthanisation dans le mix énergétique ». Ce document dresse en premier un état des lieux des enjeux et des impacts, avant de soumettre plusieurs propositions pour parvenir à une méthanisation agricole durable. L’approche développée n’est toutefois pas climato-centrée, mais se veut avant tout systémique. « Nous veillons à ne pas aggraver une crise, celle de la biodiversité, en cherchant à en résoudre une autre, celle du climat, ni réciproquement », précisent les auteurs de cette note d’information.
Un certain nombre d’externalités que procure la méthanisation sont ainsi rappelées. Et si celles négatives (odeur, pollutions accidentelles, incendies…) sont souvent mises en avant, notamment dans la presse, les externalités positives le sont trop rarement. D’un point de vue agronomique, et à partir d’observations réalisées sur 46 exploitations, l’utilisation de digestat diminue très nettement la consommation d’engrais azotés, tout comme les surplus d’azote dans les sols. Les émissions atmosphériques d’ammoniac ont également tendance à baisser. Sur la qualité du digestat et les impacts sur le sol, les seules incertitudes restantes sont liées au fonctionnement biologique du sol mais selon négaWatt: « Il n’existe pas d’indice d’alerte particulier. »
L’utilisation des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) apparaît par ailleurs intéressante, d’autant plus qu’elles ne sont pas en compétition avec les cultures alimentaires. « Selon le rapport 4 pour 1 000 de l’Esco Inrae, c’est même l’une des trois mesures qui ont un effet majeur sur le stockage de carbone, avec l’agroforesterie et les haies. […] Or la méthanisation en leur donnant une valeur économique a un effet de levier sur cette pratique », indique la note d’information. Enfin, le développement de la filière biogaz permet en outre de créer durablement des emplois en milieu rural. Certains effets induits par la méthanisation sont toutefois à surveiller et à prévenir, notamment le risque de recours à des cultures dédiées qui prendrait la place directement ou indirectement de cultures alimentaires. Mais à la différence de l’Allemagne, ces cultures dédiées restent très minoritaires en France (environ 5 %) et loin du seuil réglementaire de 15% fixé par le décret du 8 juillet 2016.
De larges propositions
Pour favoriser le développement de la filière, Solagro et négaWatt ont formulé quelques propositions. L’enseignement du cycle de carbone devrait ainsi être obligatoire dès le plus jeune âge pour que chacun puisse comprendre certains enjeux majeurs à venir, comme le changement climatique et le fonctionnement du vivant. Il est également nécessaire de diffuser une information scientifique de qualité, sourcée, produite de manière collégiale, et rendue accessible à différents publics. « La priorité actuelle est de massifier le bioGNV dans les créneaux déjà accessibles, en particulier les poids lourds et les locomotives diesel. […] Il faudrait sans doute encore plus inciter et faire en sorte que le développement du GNV soit strictement couplé avec celui du biométhane », détaille la note d’information. Cette dernière souligne également la nécessité de consolider les dispositifs qui existent, à commencer par les cellules régionales biomasse. Enfin, la méthanisation ne peut pas obéir à une logique de standardisation, mais doit s’adapter aux territoires et trouver un modèle sociotechnique propre à chaque projet.