EnR électriques : la France toujours en retard
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Si la dynamique de raccordement d’installations renouvelables de production électrique peut être qualifiée d’encourageante en 2021, elle met également en évidence un certain décalage avec les engagements et objectifs pris par la France.
« Malgré une année 2021 qui aura vu le raccordement de plus de 4 GW de puissance électrique renouvelable supplémentaire, la France creuse son retard en matière de transition énergétique ». Tel est le constat issu du dernier baromètre des énergies renouvelables (EnR) électriques, publié par l’Observ’Er, en partenariat avec l’Ademe et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Pour 2020, la part de renouvelables dans la consommation d’électricité française ne s’élève qu’à 24,8 %. Ce sont 2,2 points de moins que l’objectif sur lequel l’hexagone s’est engagé vis-à-vis de la Commission européenne. Sans compter que la crise sanitaire et ses périodes de confinement moins consommatrices ont « artificiellement » fait progresser ces résultats de 2020. « Dans un contexte plus normal, la part de l’électricité renouvelable se serait sans doute située entre 23,5 et 24 % », indique le baromètre.
Le photovoltaïque en forte croissance
Au 30 septembre 2021, près de 60,4 GW d’EnR électriques étaient raccordés aux réseaux. En neuf mois, ce sont ainsi 4 400 MW supplémentaires qui ont été ajoutés, soit deux fois plus que sur l’ensemble de l’année 2020. « Cependant, ce résultat est en trompe-l’oeil car il n’est porté que par la seule filière photovoltaïque qui représente à elle seule plus de la moitié des nouvelles capacités raccordées », tempère l’Observ’Er. Fin septembre 2021, le parc raccordé photovoltaïque représentait 13,2 GW, soit plus de 2 GW mis en service depuis décembre 2020. Cette croissance correspond au triple de celle observée l’année précédente sur la même période (762 MW supplémentaires). Plusieurs raisons expliquent cette situation, notamment la forte croissance des installations de grande taille (à partir d’1 MW).
Sous l’impulsion des appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), ce segment a permis de raccorder au total 839 MW au cours des deux premiers trimestres 2021. Le développement récent de l’autoconsommation ainsi que la publication de textes réglementaires pour faciliter l’installation de panneaux photovoltaïques en toitures ou en ombrières doit en outre aider à consolider cette dynamique. Celle-ci doit être conservée pour se laisser un mince espoir de combler le retard pris jusque-là. Les objectifs fixés par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) semblent en effet être encore bien loin : 20,1 GW d’ici fin 2023, et entre 35,1 et 44,0 GW raccordés à fin 2028.
L’éolien à la traîne
Le retard est tout aussi conséquent pour la filière de l’éolien terrestre. Seul 1 GW a été raccordé en 2021 alors que ce chiffre doit être multiplié par deux pour espérer atteindre les objectifs nationaux : 24,1 GW en 2023 et entre 32,2 et 34,2 GW en 2028. « Paradoxalement, les projets sont là, puisqu’il y a aujourd’hui environ 10 GW de projets en attente d’autorisation dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). Cette situation est le reflet, d’une part, d’un manque de planification claire de l’État et, d’autre part, d’une réelle difficulté de ses services à piloter des objectifs de politique publique visant à la fois la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique », estime Michel Gloria, le délégué général du syndicat France énergie éolienne (FEE). Pour le segment offshore, la filière attend toujours la mise en service du premier parc… Celui-ci devrait démarrer au printemps prochain au large de Saint-Nazaire.
Un gisement hydraulique limité
Quant à l’hydroélectricité, qui dispose de 26 GW de puissance installée, elle est la première source de production renouvelable. Sur les neuf premiers mois de 2021, la filière a fourni 61,7 TWh d’électricité, soit près de la moitié de l’exploitation renouvelable (125 TWh). Avec 2 300 centrales hydroélectriques réparties sur le territoire, les possibilités de développement de la filière semblent toutefois réduites, notamment pour les ouvrages de grande capacité. « Le segment des grands barrages n’offre pratiquement plus de possibilité d’accroissement sur le territoire car tous les sites exploitables ont été équipés au cours du siècle dernier », précise le baromètre.
Ce n’est pas le cas de la petite hydraulique qui présente un potentiel identifié. Ce dernier est estimé à 11,7 TWh de production supplémentaire. Le baromètre d’Oberv’Er souligne également que, grâce à sa flexibilité, « les ouvrages hydroélectriques constituent aujourd’hui le principal outil de stockage de l’électricité à grande échelle et occupent, à ce titre, un rôle particulier dans la transition énergétique française ». Enfin, d’autres sources renouvelables participent de façon plus marginale à la production électrique renouvelable, à commencer par les bioénergies (7,8 TWh). Le biogaz bénéficie par exemple d’une pleine croissance, avec un rythme d’installation supérieur à celui imposé par l’atteinte des objectifs de la PPE. La production de chaleur et d’électricité issue de l’incinération des déchets est également en hausse grâce à l’optimisation des performances des unités existantes. Les récentes modifications réglementaires, qui doivent faciliter le recours aux combustibles solides de récupération (CSR), pourraient en outre aider à une meilleure valorisation énergétique des déchets.