COP26 : une édition capitale pour enfin avancer

16 11 2021
Olivier Mary
UNclimate
Négociations lors de la COP26.

Commencée le 31 octobre, la COP26 est une édition clé pour mettre en œuvre concrètement les règles de l’Accord de Paris. Elle devrait permettre de lever les ultimes blocages qui parasitent les négociations depuis des années, notamment la question des financements climatiques.

 

Du 31 octobre au 12 novembre – et plus si les négociations s’éternisent – se tient à Glasgow la vingt-sixième conférence des parties (COP26). Cette manifestation, annulée l’année dernière à cause de la pandémie de Covid-19, a été préparée dans des conditions très particulières par le Royaume-Uni. Certaines petites délégations ont d’ailleurs eu des difficultés pour rejoindre l’Écosse à cause des contraintes sanitaires. En dépit de ce contexte, cette édition revêt une importance capitale. « L’Accord de Paris organise des cycles de cinq ans lors desquels les États doivent soumettre une version plus ambitieuse de leurs contributions déterminées au niveau national (INDC) pour ne pas dépasser les 2°C de réchauffement d’ici la fin du siècle », explique Henri Waisman, coordinateur Deep Decarbonization Pathways Project à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Après une édition annulée, c’est donc avant l’évènement de Glasgow que ces INDC devront être publiées.

Des États plus ou moins ambitieux

Les États avaient initialement jusqu’au 31 juillet 2020 pour rendre leurs INDC. Malgré une année supplémentaire, nombre d’entre eux ont tardé à les publier ou ne l’avaient toujours pas fait à quelques heures du début des négociations. Et ceux qui l’ont fait dans les temps n’ont pas forcément relevé leurs ambitions. « Une soixantaine d’INDC ont des ambitions égales voire moindres à celles de 2015 et cela est en contradiction avec l’Accord de Paris qui prévoit une amélioration continue des efforts », détaille Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri. Parmi ces pays figurent de forts émetteurs de gaz à effet de serre (GES) comme la Russie, le Brésil, l’Indonésie, l’Australie ou le Mexique. La Chine, qui émet à elle seule 27 % des GES dans le monde, a rendu sa copie trois jours seulement avant le début du sommet. Et ses propositions ont aussi beaucoup déçu. Elle entend atteindre son pic d’émissions avant 2030 et la neutralité carbone avant 2060.

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La COP n'avait pas eu lieu en 2020 à cause du Covid-19. ©UNclimatechange

Dans sa précédente contribution datée de 2015, elle envisageait de réduire ses émissions de 60 % à 65 % dès 2030. Le pays s’est toutefois engagé à augmenter la part des combustibles non fossiles à 25 % dans sa consommation, contre 20 % dans sa précédente copie, notamment en rehaussant sa capacité installée d’énergie solaire photovoltaïque et éolienne à 1 200 GW d’ici à 2030 et son stock forestier de 6 milliards de mètres cubes par rapport à 2005. L’Inde, troisième pays le plus pollueur (7 % des émissions mondiales), s’est fixé l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2070 et un accroissement de sa capacité de production d’électricité renouvelable à 500 GW en 2030. Il y a six ans, New Delhi avait promis d’atteindre 450 GW. Le premier et le troisième plus gros émetteurs de la planète avancent donc à petits pas et, s’ils annoncent la neutralité carbone à long terme, leurs politiques actuelles contredisent cette promesse.

En Chine, depuis octobre, la production quotidienne de charbon dépasse les 11,5 millions de tonnes. Cela représente une hausse de 1,1 million de tonnes par rapport à fin septembre. Quant à son voisin indien, qui produit toujours 70 % de son électricité grâce au charbon, il vient de mettre aux enchères 40 mines à des fins commerciales. « Les États posent des objectifs ambitieux d’ici des décennies mais sans prendre de décisions cohérentes à court ou moyen terme qui permettraient de les atteindre. Cela les rend d’autant plus difficiles à atteindre et reporte les efforts sur les générations suivantes », regrette Sandrine Maljean-Dubois, directrice de recherche au CNRS. Si l’on prend en compte l’ensemble des INDC rendues publiques, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a estimé dans un rapport qu’au lieu de réduire de 45 % les rejets de CO2 d’ici 2030 par rapport à 2010, on se dirigerait vers une augmentation de 16 %. La mauvaise volonté de certains gouvernements pourrait tendre les négociations avec les États les plus menacés par le changement climatique et les parties les plus impliquées dans la lutte contre ce phénomène.

Des sujets à débloquer

Comme l’Europe qui a une position constante et a même récemment relevé ses objectifs dans son plan « Fit for 55 » (voir Énergie Plus n°670). D’autant plus que des blocages techniques persistent depuis la COP24 qui s’était déroulée à Katowice en 2018. Il y a tout d’abord des discussions interminables autour du « rulebook », le manuel d’application de l’Accord de Paris. « Il a été adopté à 95 % à Katowice mais 5 % restent toujours en discussion », pointe Sandrine Maljean-Dubois. C’est notamment le cas du format des inventaires nationaux de GES. Certains États militent pour les normaliser afin de pouvoir mieux comparer les efforts consentis. Il y a aussi des négociations visant à créer une métrique commune pour mesurer les GES autres que le CO2 et de déterminer l’équivalent CO2 de ceux-ci.

Enfin, toujours dans un souci de comparabilité, il y a des discussions pour que les pays communiquent tous sur des engagements à la même échéance. L’article 6 de l’Accord de Paris est également une source de dissensions. Il traite de la question des marchés carbone et prévoit la possibilité d’échanger des crédits-carbone entre pays ou le développement de marchés privés du carbone. Il n’y a pas d’accord sur ce sujet car beaucoup souhaiteraient en faire un mécanisme qui leur donne des flexibilités – et donc des permis de polluer – au détriment de l’intégrité environnementale de l’Accord de Paris. « Il y a un front de pays derrière le Costa Rica qui ont publié le principe de San José. Ils estiment qu’il vaut mieux ne pas avoir de règles, que des règles qui mettent en danger cette intégrité environnementale, prévient Lola Vallejo. Ils reconnaissent que ces crédits peuvent être une source de devises pour encourager le développement propre dans certains pays. Mais ils craignent que ces crédits ne soient comptés deux fois, chez les pays vendeurs et acheteurs : cela ouvrirait une brèche qui décrédibiliserait ces mécanismes. »

Une autre question divise sur le sujet de ces marchés. Les États auront-ils le droit d’utiliser et de monnayer les crédits Kyoto qui leur restent dans le cadre du nouveau mécanisme ou remet-on les compteurs à zéro ? Pour l’instant, les négociateurs peinent à répondre à cette interrogation, qui pourrait ne pas se régler à Glasgow. L’autre point de friction majeur concerne les financements climatiques. Il empoisonne les négociations entre pays du Nord et du Sud depuis la COP de Copenhague qui s’était tenue en 2009. Lors de cette édition, les États avaient décidé de créer un fonds vert pour le climat destiné aux régions en développement les plus vulnérables au changement climatique. Son but était de financer des projets pour diminuer les émissions de GES, lutter contre la déforestation et s’adapter aux conséquences du dérèglement du climat. Deux ans plus tard, il est officiellement lancé lors de la COP17 de Durban. Mais ce fonds qui devait être doté de 100 milliards de dollars a peiné à mobiliser les pays du Nord. Plus de dix ans après sa mise en oeuvre, il ne dépassait pas les 80 Md$ en 2019 selon une évaluation menée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Photo COP26

Faire progresser le fonds ver

L’objectif devrait finalement être atteint en 2023, mais essentiellement sous la forme de prêts (ils représentent 70 % du total) qui vont avoir tendance à aggraver la dette des pays les plus pauvres. « Ce sujet pollue l’ensemble des négociations car les pays du Sud considèrent que les pays développés sont responsables de la situation actuelle et qu’ils rechignent à abonder le fonds comme prévu », note Stéphane Crouzat, ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique pour la France. La défiance pourrait d’ailleurs s’exacerber dans un contexte de tensions entre ces mêmes pays sur l’accès aux vaccins contre le Covid-19. Mais les lignes semblent bouger : la France a porté son effort à 6 Md€ de 2021 à 2025 dont 2 Md€ pour l’adaptation. Quant aux États-Unis, ils vont quadrupler leur aide, qui atteindra 11,4 Md$ en 2024. En outre, « l’Allemagne et le Canada ont été missionnés pour mettre en place un plan de mobilisation afin d’atteindre l’objectif des 100 Md$ », précise Stéphane Crouzat. Il est d’autant plus important d’atteindre ce chiffre car, avant 2025, les parties devront déterminer un nouveau plancher plus haut pour la finance climatique. Et une plus grande part des financements devra être fléchée vers l’adaptation. Actuellement, moins de 30 % des aides y sont dédiées.

Ne pas oublier l’adaptation

Compte tenu des attentes et de la nécessité d’enfin avancer sur l’atténuation, le rulebook et le fonds vert, l’adaptation pourrait un peu passer au second plan à Glasgow. Pourtant, le sujet prend de plus en plus d’importance avec la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, alors que cette tendance devrait se confirmer dans les décennies à venir selon les projections du Groupe de travail I du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec)

Dans les objectifs à long terme de l’Accord de Paris, l’adaptation était pourtant sur un pied d’égalité avec l’atténuation et le financement. Mais au final, à peine 25 pays ont officiellement rendu compte de leurs efforts pour comprendre et se préparer aux impacts du changement climatique. En effet, ils ont souvent du mal à avancer sur le sujet et à évaluer les progrès vers l’objectif mondial qualitatif en matière d’adaptation. « L’Afrique du Sud a donc proposé de donner des objectifs chiffrés pour opérationnaliser l’objectif mondial d’adaptation », rapporte Lola Vallejo. Cette question va aussi s’inviter dans les négociations autour de l’article 6 car lorsque les règles des marchés carbone internationaux seront entérinées, il faudra décider que faire des revenus générés et choisir quelle part de ces subsides sera allouée au fonds d’adaptation.

Photo COP26 session plénière« La COP26 permettra également de préparer la phase suivante qui sera le deuxième cycle de l’Accord, avec en ligne de mire une nouvelle révision des contributions attendue en 2025, développe Henri Waisman. Enfin, elle posera les bases du bilan global de 2023. » Ce bilan, prévu par l’article 14 de l’Accord de Paris, évaluera les progrès réalisés collectivement vers l’application de l’objectif de l’Accord d’une manière globale. Il s’appuiera sur les meilleures données scientifiques disponibles et sur son objectif mondial à long terme. Ses résultats aideront les parties à actualiser et à améliorer leurs mesures, à appuyer et renforcer la coopération internationale en matière d’action climatique.

Si la COP26 ne donnera pas lieu à un accord très médiatique entre les parties comme lors de l’édition parisienne de 2015, elle sera un jalon important où des décisions indispensables pour préciser ou étendre le contexte de l’opérationnalisation de l’Accord de Paris devront être prises. Sa réussite, ou son échec, conditionnera en partie l’avenir de la diplomatie climatique, de plus en plus décriée pour ses faibles résultats. Selon le Carbon Global Project, depuis la première COP qui a eu lieu en 1995 à Berlin, les émissions globales de GES sont passées de 28 à presque 40 milliards de tonnes dans le monde.

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