Bois-énergie : un retard à rapidement combler
Pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030, le bois-énergie doit plus fortement se développer et combler le retard actuellement constaté. Cette filière, qualifiée d’indispensable par tous les acteurs pour réussir la transition énergétique, l’est également pour les territoires et leur aménagement.
Selon les objectifs de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et ceux de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), 38 % de la chaleur consommée en France devra être d’origine renouvelable à l’horizon 2030. Si cet objectif ambitieux paraît atteignable, une plus forte mobilisation de la filière bois-énergie est indispensable. En 2020, la consommation finale brute de chaleur atteignait 668 712 GWh dont 152 696 GWh de chaleur renouvelable, soit une part de 22,8 %. « La filière bois-énergie a un problème de rythme au vu des objectifs, et pourtant, nous avons une opportunité massive avec le bois-énergie. Il faut se rendre compte que l’électricité n’est pas l’énergie la plus utilisée en France. 50 % de l’énergie est pour la chaleur, et la biomasse a une place prépondérante pour la produire », a souligné Arnaud Leroy, président de l’Ademe, en introduction de la seconde édition des Journées Bois-Énergie. Pour atteindre l’objectif fixé, il faudrait en effet multiplier par 2 ou par 2,5 la croissance actuelle. Plusieurs raisons expliquent ce retard, notamment le faible prix des énergies fossiles enregistré ces dernières années. Le gel de la taxe carbone freine également le lancement d’actions de décarbonation. « Il faudra dans les mois à venir remettre en débat la reprise de progression de la taxe carbone car la transition énergétique passe aussi par la monétisation des impacts environnementaux dont les émissions de gaz à effet de serre », a indiqué Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (Ser).
De nouvelles aides
Pour accélérer le développement de la filière, les porteurs de projets peuvent toujours compter sur le Fonds chaleur de l’Ademe qui « a démontré toute son efficacité et sa pertinence », appuie Arnaud Leroy. Depuis sa création en 2012, 1 200 projets ont été financés (950 millions d’aides pour un peu plus de 3 milliards d’investissement réalisé). Le plan de relance a également introduit de nouvelles aides complémentaires, avec la mise en place du Fonds décarbonation et les appels à projets Biomasse chaleur industrie agriculture et tertiaire (BCIAT).
En 2021, 38 projets ont ainsi été soutenus pour un montant d’aides avoisinant les 400 millions d’euros. Au-delà des aides en subventions, les industriels ont pour première fois la possibilité d’obtenir une aide à l’opex pour soutenir la phase d’exploitation et compenser le coût opérationnel plus cher des centrales biomasse. « Les aides de l’Ademe ne sont pas seulement financières. Des délégations régionales sont présentes pour échanger et faire maturer les projets pour qu’ils entrent dans ces dispositifs », a précisé Arnaud Leroy, ajoutant que « il n’y aura pas de transition énergétique réussie sans mobilisation du bois-énergie en France ».
Un avantage pour les territoires
Le bois-énergie est également primordial pour les territoires. Les besoins de la filière correspondent au plus grand volume de bois récolté en forêt et a une importance cruciale dans l’équilibre fragile des forêts. « Il faut garder en tête que le bois-énergie valorise des sous-produits de bois et participe ainsi à l’entretien des massifs forestiers et des milieux naturels. Sans bois-énergie, une grande partie du bois d’oeuvre ne serait pas exploitée, et inversement, sans bois d’oeuvre, on n’irait pas chercher du bois-énergie », a expliqué Mathieu Fleury, président du Comité interprofessionnel du bois-énergie (Cibe), « les forêts sont des éléments structurants du paysage et des atouts pour l’attractivité de la plupart des territoires ».
Le bois-énergie apporte également des avantages en termes relocalisation des activités industriels et donc de création d’emplois non-délocalisables. Aujourd’hui, leur nombre dans la filière atteint les 15 000, soit 20 % de l’effectif total des métiers des énergies renouvelables. Selon une étude d’Ernst & Young, l’exploitation et la consommation d’une tonne de bois engendre ainsi la création de 1,2 emploi au niveau local. « Une dynamique de recrutement est donc également attendue, et ce, à tous les niveaux (conducteurs d’engin, exploitant de chaufferie, animateurs territoriaux, experts forestiers…) pour accélérer le développement de la filière », a espéré Mathieu Fleury.
Un retard également pour le domestique
Le bois-énergie ne concerne pas seulement les industriels et les collectivités, le domestique l’est tout autant. Selon le panorama de la chaleur renouvelable, 10 % de la consommation de chaleur est à destination des ménages et 6,5 à 7 millions de foyers se chauffent partiellement ou totalement au bois. L’objectif de la PPE est d’étendre ce mode de chauffe à 11 millions de foyers d’ici 2028. Mais au vu des ventes annuelles de l’ordre de 300 000 appareils, l’objectif semble aussi difficile à atteindre. « Il ne faut pas parler seulement d’extension du parc mais aussi de renouvellement. 50 % du parc est antérieur à 2005, avec des appareils peu performants en énergie et très émetteurs de particules fines », a indiqué Jean-Louis Bal, président du Ser. « Un travail avec les pouvoirs publics sur l’élaboration du plan chauffage au bois est en cours, et devrait s’appuyer sur des outils existants comme le fonds air-bois, MaPrimeRenov’ ou encore le label flamme verte. »