Biogaz et hydrogène pour la production du cognac Hennessy

15 06 2021
Clément Cygler
Gabriel de la Chapelle
Après être passée à une alimentation 100 % biogaz, la Maison Hennessy étudie la possibilité d'introduire jusqu'à 50 % d'hydrogène dans son mix énergétique.

Après avoir optimisé la performance énergétique de ses distilleries, la Maison Hennessy s’est engagée dans une démarche complémentaire de décarbonation. Le passage au biométhane et le recours à l’hydrogène dont l’utilisation nécessite encore des travaux de R&D permettraient d’y parvenir.

Mondialement connue pour ses cognacs, la Maison Hennessy, implantée au coeur de la Charente, l’est un peu moins pour ses actions en matière de transition énergétique. Pourtant, depuis plus de vingt ans, cet industriel, certifié Iso 14001 en 1998, oeuvre à l’amélioration de son process de combustion et à la décarbonation de ses trois distilleries. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) de cette activité proviennent en effet à 85 % des gaz de combustion libérés lors de la chauffe. À partir des années 2000, un premier travail d’optimisation du process a été lancé avec notamment un réglage plus fin des paramètres de combustion. Une décennie plus tard, ce sont les brûleurs qui ont été remplacés par des équipements plus économes en énergie. « Avec ces nouveaux brûleurs, les combustions sont mieux maîtrisées ce qui offre également une qualité de rejets bien meilleure, notamment au niveau des oxydes d’azote (NOx). Au final, ces améliorations du process ont permis de baisser de 20 % notre consommation de gaz naturel », indique Felix Pouyanne-Lafuste, responsable Distilleries chez Hennessy, précisant au passage que l’entreprise était passée à l’électricité verte en 2017.

Objectif décarbonation

La Maison Hennessy a souhaité poursuivre ses efforts en lançant un programme de Recherche et Développement (R&D) dédié à l’énergie. Le premier volet de ce programme a concerné la récupération de chaleur fatale sur le process de distillation, notamment sur les vinasses et l’eau chaude issue du système de refroidissement, suivi d’un deuxième volet plus conséquent sur les énergies alternatives et renouvelables. Si le biométhane et l’hydrogène sont les cibles privilégiées, toutes les pistes restent ouvertes afin de répondre à la multitude de process et de taille d’exploitation de ses acteurs locaux. « Nous disposons de trois distilleries mais à côté, nous collaborons avec près de 800 distillateurs partenaires : bouilleurs de cru et distillateurs de profession dont une vingtaine en exclusivité. Pour la Maison Hennessy, il était important de pouvoir développer des solutions pragmatiques et performantes, qui puissent être duplicables sur les installations de nos partenaires », souligne Felix Pouyanne-Lafuste. En 2020, les trois distilleries sont ainsi passées au 100 % biométhane avec la signature d’un contrat gaz vert. Le fournisseur, Save, a été avant tout choisi pour sa dimension locale l’un des points d’injection étant situé dans la commune de Surgères. Ce passage à un contrat vert a permis de réduire de 80 % l’impact carbone lié à la combustion en considérant l’ensemble de la chaîne de valeur. « On essaie également d’inciter nos partenaires à avoir recours au biogaz, même partiellement dans un premier temps sur leur mix énergétique. Cela contribue à notre échelle au développement local de la filière, et également à l’atteinte des objectifs de la feuille de route Nouvelle Aquitaine* », se réjouit Felix Pouyanne-Lafuste.

L’hydrogène au coeur de la R&D

L’étape d’après est bien évidemment la décarbonation totale du process, avec une piste principale, l’hydrogène vert produit par électrolyse. « Cette articulation Biométhane-Hydrogène prend tout son sens, car le biométhane est déjà une solution mature qui permettait tout de suite de diminuer notre impact carbone et l’hydrogène, plus de rupture et nécessitant de la R&D, offrira la possibilité de monter pas à pas à une décarbonation totale de notre activité de distillerie », note le responsable Distillerie d’Hennessy. Depuis 2019, Hennessy et son partenaire industriel Bulane mènent ainsi des expérimentations sur banc d’essai sur des brûleurs représentatifs des procédés existants dans la région avec l’introduction d’une part croissante d’hydrogène. Cette hybridation est montée jusqu’à 50 % sans modification des équipements. Lors de la prochaine campagne de distillation, à partir de l’automne 2021, ces tests seront reproduits sur un alambic expérimental pour obtenir les premières eaux-de-vie avec de l’hydrogène. L’objectif à plus long terme sera d’atteindre les 100 % d’hydrogène. À quel horizon ? « Le plus rapidement possible, nous l’espérons, mais difficile d’y répondre puisque nous sommes encore en R&D. Cela nécessitera forcément une évolution et un changement des brûleurs pour mieux s’adapter aux caractéristiques de l’hydrogène », conclut Felix Pouyanne-Lafuste.

* 30 % de biogaz injecté dans les réseaux en 2030, et 100 % en 2050.

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