Avec le stockage, GRDF veut flexibiliser ses réseaux
Assouplir un réseau de gaz : la phrase peut paraître absurde, surprenante. C’est pourtant ce que cherche à faire le distributeur de gaz GRDF avec son programme Flores. Il expérimente pour l’instant deux projets de stockage, l’un avec du gaz liquéfié et l’autre avec du gaz comprimé.
Porté par GRDF, le programme Flores pour Flexibilité Opérationnelle du Réseau est destiné à englober toute une série d’expérimentations apportant de la flexibilité au réseau. Les deux premiers projets issus du programme, baptisés Flores 1 et 2, sont des solutions de stockage. Elles viennent en complément des techniques de rebours et de maillage. Elles seront particulièrement utiles dans les situations où la congestion du réseau n’est que de courte durée ou s’il n’y a que de faibles volumes de biométhane à stocker. « Il s’agit par exemple d’un territoire où il y a un gros consommateur industriel qui ferme certains week-ends », illustre Bastien Praz, chargé de développement du biométhane chez GRDF. Les fins de semaine, il y aurait sur ce territoire une diminution brusque mais courte de la consommation, ce qui poserait problème si un petit producteur local de biométhane injecte.
Conditions technico-économiques
« Dans ce cas, on ne peut pas justifier de mettre en place un rebours, car c’est un très gros investissement », indique Bastien Praz. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a défini les conditions technico-économiques qui régulent les investissements de renforcement des réseaux gaziers (rebours et maillage). Pour être validés, ces investissements doivent être maîtrisés et représenter un certain volume de gaz dans une zone. Sinon, « il faut trouver d’autres solutions pour que tous les projets de méthanisation puissent voir le jour, quels que soient leur taille et leur emplacement, par exemple en stockant le biométhane produit », précise le chargé de développement de GRDF. Les solutions de stockage explorées par Flores sont d’une part sous forme liquéfiée, Flores 1, et de l’autre un stockage sous forme comprimée, Flores 2. Pour cette expérimentation, le premier vise un stockage de 60 000 Nm3 de gaz, le second un volume de 15 000 Nm3. Une déclaration Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) suffit donc pour les installer.
Liquéfier du gaz de réseau
Flores 1 a été mis en place à Villeurbanne en région Rhône-Alpes. Il teste une solution de liquéfaction de la start-up Azola, baptisée Azola Grid. « Dans le cadre de cette expérimentation, le gaz à liquéfier vient du réseau, il est donc odorisé. L’unité devra également traiter l’eau, le CO2 mais aussi le tétrahydrothiophène (THT – odorant du gaz naturel) avant de liquéfier le gaz », souligne Bastien Praz. Ce projet doit aussi permettre de développer et de tester les principes et les moyens de pilotage par le réseau GRDF d’unité de stockage de gaz liquéfié. Pour cela, l’opérateur doit élaborer un algorithme de régulation de l’unité de liquéfaction. « Nous avons équipé le réseau d’un capteur de pression. Nous définissons un seuil haut de pression : dès qu’il est atteint, cela signifie que la consommation est en diminution, et nous commençons à stocker du gaz. Nous fixons aussi un seuil bas de pression, lorsque le niveau de consommation revient à un niveau suffisant, nous arrêtons de stocker. Et enfin un seuil très bas, auquel nous procédons au déstockage », décrit Bastien Praz. Ainsi, en fonction de l’état de congestion du réseau, l’installation doit se mettre en route automatiquement, avec un niveau de réactivité suffisant pour traiter la congestion sans perturber le réseau. L’expérimentation de cette unité durera jusqu’à fin 2021. Si elle fonctionne selon les attentes de l’opérateur, elle pourra donc être installée selon les besoins de flexibilité. La solution a par ailleurs été pensée pour les territoires plutôt éloignés du réseau de transport de gaz, où il y aurait un ou plusieurs producteurs de biométhane et des chutes de consommations ponctuelles en été. En outre, l’installation est déplaçable. En effet, les niveaux de consommation et de production peuvent évoluer. Une entreprise peut fermer, ce qui signifie la disparition d’un gros consommateur ou d’un producteur. « Aussi, l’installation de liquéfaction pourra être déployée en fonction de la demande de gaz sur une maille, et être déplacée facilement », note Bastien Praz.
Compression automatisée
Flores 2 est une expérimentation similaire, mais à plus petite échelle. Les quantités de biométhane stockées sont inférieures, de même que le coût de l’installation. La grosse différence est technologique, puisqu’il s’agira d’une installation de compression/stockage/détente et non plus d’une liquéfaction. Le mode de régulation, quant à lui, sera semblable : automatisé grâce au suivi de l’évolution de la pression sur le réseau. Bastien Praz précise : « Par rapport à notre idée initiale, le projet a un peu évolué. Le stockage devait être activé et alimenté par le réseau et, à son tour, alimenter directement un industriel local (une fromagerie). Finalement, pour limiter les risques de perturbation de l’industriel lors de cette phase de test, nous avons décidé que le gaz déstocké alimenterait le réseau, et que ce serait ce dernier qui continuerait à fournir l’usine en gaz. » Le démonstrateur doit être mis en service à l’automne 2021, avant le lancement des essais en conditions réelles en mai 2022. Si les deux premiers projets Flores concernent le stockage, d’après Bastien Praz, d’autres solutions pourront rentrer dans le cadre du programme. « Je pense par exemple au gaz porté, c’est-à-dire au transport du biométhane jusqu’à un point d’injection par voie routière. Ou encore à la synergie gaz/électricité, qui consiste à mettre en place des installations pour produire de l’électricité quand il y a un excès de gaz sur le réseau ou du gaz quand il y a un surplus d’électricité. L’idée générale est de flexibiliser le réseau, donc de faciliter l’injection de gaz verts. »