Un village bas carbone
Situé à cheval sur trois communes de Seine-Saint-Denis, le village des athlètes a été construit avec pour objectif de réduire au maximum ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Recours au bois pour les bâtiments, recyclage des matériaux, raccordement à un réseau de chaleur et de froid ont notamment été mis en place.
52 hectares. 330 000 m2 de planchers aménagés. 9 000 arbres plantés. Ces quelques chiffres illustrent la démesure du village des athlètes. 14 250 sportifs seront accueillis durant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP2024) sur ce site érigé en Seine-Saint-Denis à cheval sur les communes de Saint-Denis, de Saint-Ouen-sur-Seine et de L’Île-Saint-Denis. Malgré cette démesure, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) a mis en œuvre une stratégie environnementale articulée autour de trois objectifs : réduire les émissions de carbone ; assurer le confort thermique des résidents ; favoriser la biodiversité. Cette stratégie s’applique à toutes les étapes du chantier du village, depuis la phase de déconstruction initiale jusqu’à celle de son exploitation pendant et après les JOP2024. « Nous avons voulu défricher afin de permettre aux grands organismes de s’appuyer sur notre expérience pour aller plus loin. Nous avons souhaité que notre projet ait dix ans d’avance sur la mise en œuvre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Cela a impliqué une baisse de 50 % des émissions par rapport à un projet classique », explique Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation de la Solideo.
Matériaux recyclés et bois
Situé sur une ancienne friche industrielle, le chantier a donc débuté par une phase de déconstruction. La Solideo a réalisé un diagnostic des bâtiments préexistants pour récupérer les éléments réemployables ou recyclables. Près de 900 tonnes de matériaux et équipements (sanitaires, fenêtres) ont été revendues via la plateforme Backacia, dont près de 100 t à des particuliers. 35 000 t de béton ont également été concassées sur place et incorporées dans les revêtements de sols des espaces extérieurs. Grâce à ces initiatives, 94 % des matériaux recyclables ont été réutilisés. En outre, au moins 75 % des éléments temporaires (notamment des cloisons) devront être réemployés lorsque le village sera investi par ses 6 000 résidents. Celui-ci comptera environ 2 000 logements familiaux, des résidences pour étudiants, des groupes scolaires, des équipements sportifs, des commerces et des bureaux. Dans cette optique, Saint-Gobain a développé des cloisons démontables. 60 000 m² d’entre elles ont été installées dans les bâtiments et seront valorisées après les Jeux. Elles sont composées de plaques de plâtre et de gypse recyclé à 50 %. Elles sont également déjà peintes et ne nécessitent pas de joints entre elles pour être posées. Enfin, elles sont vissées sur des rails scotchés aux murs, sols et plafonds. Malgré ces particularités, elles offrent les mêmes caractéristiques acoustiques que des murs classiques.
Outre le recyclage, la Solideo s’est également tournée massivement vers le bois. L’ensemble des bâtiments de moins de 28 mètres de haut repose sur des structures en bois. Au total, quinze autorisations d’expérimentation ont été déposées afin de massifier le recours à ce matériau biosourcé Toutefois, s’il est toujours issu de forêts gérées durablement, moins de 30 % du bois provient de l’Hexagone. Concernant les bâtiments de plus de 28 m, il n’a pas été possible de construire des structures en bois à cause de normes incendies, mais les façades y ont eu largement recours. « Par exemple, sur tous les bâtiments du promoteur Icade, y compris les plus grands, il n’y a pas de façades en béton », précise Antoine du Souich. Au total, environ 20 000 m3 de bois ont été utilisés sur l’ensemble du site. Pour autant, le béton est bien entendu toujours présent. « Nous avons demandé un niveau de carbonation des bétons inférieur à 150 kg de CO2 par mètre cube. Cela impliquait de généraliser les bétons bas carbone voire ultra bas carbone sans clinker », poursuit le directeur de la stratégie et de l’innovation de la Solidéo. Sur le secteur Universeine, construit par Vinci Immobilier, 18 000 m3 de béton ultra bas carbone ont ainsi été coulés pour les radiers et planchers du principal bâtiment de bureaux du secteur. Il va plus loin que le seuil fixé par la Solidéo : son bilan inférieur à 100 kgCO2/m3, contre 250 kgCO2/m3 pour un béton classique.
Des EnR à économiser
Le village olympique mise aussi sur les énergies renouvelables. Il s’est ainsi raccordé au réseau de chaleur et de froid du Syndicat mixte des réseaux d’énergie calorifique (Smirec), qui alimente déjà 54 000 logements dans le secteur grâce à des chaufferies gaz, bois et à des centrales géothermiques. Onze nouveaux puits géothermiques ont été forés et dix kilomètres de canalisation supplémentaires ont été creusés pour alimenter le nouveau quartier. Trois puits sont dédiés au captage. Ils extraient l’eau d’une nappe située dans le Lutétien, à 70 mètres de profondeur. L’eau prélevée, d’une température de 14 °C, est ensuite acheminée vers une centrale géothermique. L’installation produit en simultané du chaud et du froid grâce à l’installation de thermofrigopompes. Elle fournit 68 % des besoins en énergie du site.
De plus, des panneaux photovoltaïques ont été installés en toiture afin de générer de l’électricité. Ils produisent 1 407 MWh par an, soit 25 % des consommations électriques du futur quartier. Pour ne pas gaspiller cette énergie, la Solidéo a imposé aux promoteurs qu’ils ne dépassent pas 25 kWh de consommation par mètre carré. L’aménagement a ainsi été pensé afin de faciliter la circulation de l’air et éviter de climatiser lors de fortes chaleurs. Pour cela, les immeubles sont érigés en plots, avec des espaces entre eux favorisent le passage de l’air et permettent d’avoir des bâtiments traversants. Grâce à cela, ils bénéficient d’une double orientation au soleil et d’une ventilation naturelle. Par ailleurs, les édifices intègrent des brise-soleil orientables et une isolation par l’extérieur en laine de bois. De plus, des toitures ont été végétalisées afin de rafraîchir les bâtiments en limitant la réverbération du soleil, mais aussi pour accueillir de la biodiversité et stocker les eaux pluviales.
Un air plus frais et plus pur
Dans les espaces publics, une grande place a aussi été réservée aux végétaux. Près de sept hectares d’espaces verts ont été plantés. Ils comprennent environ 1 000 grands arbres et près de 8 000 jeunes arbres et arbustes issus principalement d’espèces locales. L’objectif est à la fois de favoriser la biodiversité et de créer des îlots de fraîcheurs dans le quartier. Afin de renforcer ces derniers, la Solidéo a par ailleurs fait appel à un procédé innovant. La solution Cool Ground développée par Emulithe regroupe cinq revêtements qui récupèrent les eaux pluviales. Ils les stockent dans la chaussée pour les restituer à la végétation et aux pavés environnants en période chaude afin de rafraîchir les rues. Enfin, dans le village des athlètes, la volonté d’un air plus frais se couple avec celle d’un air moins pollué. En effet, la proximité de l’autoroute A86 fait polémique, non seulement pour la santé des sportifs, mais aussi pour les élèves d’une école toute proche.
Afin d’y parvenir, les porteurs du projet ont choisi un système simple et peu consommateur d’énergie développé par l’entreprise Aérophile. Baptisé Para-PM, il prend la forme d’une ombrière de cinq mètres sur trois qui aspire jusqu’à 36 000 m3 d’air par heure grâce à des ventilateurs. Il ressort de l’autre côté presque entièrement dépollué : 95 % des particules fines sont filtrées. Cette technologie repose sur les principes de phénomènes électrostatiques intenses et sur un filtre autonettoyant qui détruit les poussières grâce à une lasure photocatalytique. Elle divise par deux la teneur en particules fines jusqu’à trente mètres de distance. Neuf de ces appareils ont été installés sur la place olympique située le long des berges de la Seine et à proximité de l’autoroute A86.