Une première centrale solaire hybride en France
Ze EnergySituée dans le Loir-et-Cher, cette ferme photovoltaïque d’une puissance de 8,8 MW a été conçue par Ze Energy pour pallier l’intermittence inhérente à l’énergie solaire, grâce à un système de batteries lithium-ion.
C’est une solution nouvelle, en France métropolitaine, à l’intermittence des énergies renouvelables (EnR). Après avoir ajouté en 2020 une batterie à la centrale solaire de l’énergéticien Sorégies à Senillé-Saint-Sauveur (Vienne), la start-up Ze Energy a inauguré officiellement début octobre sa première centrale solaire hybride à Mennetou-sur-Cher (Loir-et-Cher). En plus de produire de l’électricité grâce à ses neuf hectares de panneaux photovoltaïques, elle convertit ce courant alternatif en courant continu, puis peut stocker la moitié dans des batteries lithium-ion. Avec une puissance installée de 8,8 MW, elle fabrique de l’électricité pour 7 900 personnes (hors chauffage).
Stocker pour rentabiliser
« C’est le principe de l’entonnoir ». Matthieu Lassagne, le président directeur général de Ze Energy, ose la métaphore. Une partie de la production sera injectée en direct. Pour ne pas saturer le réseau, le reste est stocké dans des batteries lithium-ion et insufflé lorsque la production est moindre, la nuit par exemple. Elles peuvent emmagasiner jusqu’à 3,75 MW.
« Le réseau électrique n’a pas été conçu dans une dynamique de décentralisation et il n’était pas possible d’injecter toute notre production directement », raconte Matthieu Lassagne. Aux États-Unis, les installations de ce type existent depuis des années. Mais, en France métropolitaine, avec l’importance du nucléaire dans le mix énergétique, le stockage des énergies renouvelables n’a pas été développé. Excepté dans les zones insulaires, où il était moins cher de stocker l’électricité que d’importer des fossiles, puis de fabriquer l’électricité sur place.
Grâce au stockage, le projet est devenu rentable.
Comme le raconte Christophe Thorin, le maire de Mennetou-sur-Cher sur ce site, deux entreprises avaient dû avorter leur projet de centrale solaire. Elles allaient pourtant redynamiser un terrain sur lequel la mairie avait déjà dû abandonner un projet de zone d’activité à vocation industrielle, faute de candidats. « La première, au début des années 2010, n’a jamais réussi à obtenir un coût de rachat viable auprès de la Commission de régulation de l’énergie (Cre). La seconde ne pouvait pas assumer les investissements nécessaires au raccordement au réseau à Romorantin à 13 km, d’environ 1,3 millions d’euros. L’enquête publique s’était pourtant bien déroulée, et le prix de rachat proposé à EDF avait été accepté par l’État. D’où l’importance de la solution de stockage », argumente le maire.
En choisissant des points d’injection existants et plus proches, environ à 4 km, Ze Energy a divisé le coût de raccordement par deux. Aussi, l’entreprise bénéficie de la compétitivité des batteries lithium-ion. « D’un point de vue technique, elles existent depuis longtemps mais leurs coûts baissent rapidement grâce aux recherches effectuées par l’industrie automobile », se réjouit Matthieu Lassagne. Le stockage de la nouvelle ferme solaire de Mennetou est ainsi pilotable en fonction de la météo, du prix de l’électricité et de l’état du réseau.
Des prix fixes
L’avantage du solaire ? Alors qu’explose le coût de l’énergie, notamment à cause de l’invasion russe en Ukraine et de l’arrêt de la moitié des réacteurs nucléaires français, le prix de revente de l’électricité du parc de Mennetou, lui, restera stable, selon Matthieu Lassagne. « L’investissement est terminé, les coûts d’exploitation (maintenance et loyer) sont fixes, ainsi que notre prix de vente sur vingt ans ». Ainsi, le MWh est vendu 52 €, contre plus de 150 € sur les marchés de gros en octobre 2022 ou encore plus de 1 000 € au plus fort de la crise.
L’investissement vers les EnR se veut donc plus intéressant, d’autant plus que les coûts du photovoltaïque ont chuté de 82 % entre 2010 et 2019 selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena).
Les cellules photovoltaïques ont été fabriquées en Chine et les modules en Corée du Sud, par Samsung. « Pour la construction photovoltaïque, l’Europe est encore trop dépendante de l’Asie du Sud-Est, heureusement que le projet de gigafactory de modules de la start-up Carbon est en marche », analyse le PDG de Ze Energy.
La construction de parcs solaires va elle aussi devoir accélérer si la France souhaite respecter les objectifs qu’elle s’est fixée dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Pour rappel, il s’agit de 20 GW de puissance installée pour fin 2023, contre 13 GW en septembre 2021, selon le Panorama de l’électricité renouvelable, élaboré notamment par RTE.
Dans ce parc lédocarien, l’énergie produite ne sera pas consommée localement mais vendue à EDF pour le réseau national. En revanche, « dans notre nouveau parc, à Gièvres (Vienne), compte tenu des caractéristiques du site (ancienne carrière et donc site dégradé), du volume de production et grâce à un appel d’offre de la Cre, nous pourrons proposer l’énergie à Sorégies, qui la distribuera directement dans le département », se projette Matthieu Lassagne. La puissance installée de cet autre parc, mis en service fin 2022, sera de 18 MW et sa capacité de stockage de 8 MWh.
À Mennetou-sur-Cher, l’électricité produite bénéficie toutefois aux deux entreprises implantées dans la zone d’activité jouxtant le parc dans le cadre d’une zone franche énergétique. Selon Ze Energy, cette ferme solaire aurait coûté entre 8 et 9 M€. Outre un financement participatif de 575 000 €, la start-up a pu s’appuyer sur un investissement de la Banque des territoires et des prêts bancaires. Son démantèlement, dans quarante ans, est déjà prévu. « 95 % des métaux lourds devraient être recyclés pour créer de nouveaux parcs », développe Matthieu Lassagne.