Trois scénarios pour décarboner l'aviation

L’Ademe publie une étude présentant trois scénarios pour décarboner l’aviation. L’un suppose des ruptures technologiques importantes, l’autre une modération du trafic et le dernier est un scénario médian. Seul le deuxième scénario entraine une réduction rapide des émissions du secteur et un niveau bas d’émissions cumulées sur la période 2020-2050.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur aérien ne cessent de croître. De 1990 à 2019, les rejets liés aux vols intérieurs et internationaux au départ de la France sont passés de 13,1 à 24,2 millions de tonnes de CO2. Il représente désormais 5,3 % des émissions du pays. Cette tendance est d’ailleurs identique partout dans le monde. Il est donc urgent de décarboner le secteur. Des solutions existent (voir Énergie Plus n°668) mais elles ne feront pas de miracle. C’est une des conclusions du rapport commandé par l’Ademe à I Care Environnement et qui étudie trois scénarios de décarbonation de la filière :
- Le premier (SA), se base sur une rupture technologique qui suppose des investissements importants, notamment dans les appareils à hydrogène et l’efficacité énergétique, avec pour objectif de poursuivre l’augmentation du trafic.
- Le deuxième (SB) mise plutôt sur la sobriété. Il requiert des mesures fortes pour limiter le nombre de passagers.
- Enfin, le dernier (SC) est un scénario intermédiaire qui repose sur des actions modérées sur la technologie et la modération des vols.
Technologies versus passagers
SA est le scénario privilégié par l’aéronautique mais il devrait lui coûter cher car il demande dès aujourd’hui des investissements très importants pour mettre sur le marché des aéronefs moins polluants grâce à des technologies de rupture d’ici 2035. Ils doivent être 30 % plus efficaces du point de vue énergétique que les meilleurs avions actuellement sur le marché. Pour cela, il faut travailler sur les moteurs, l’aérodynamique et la masse des appareils. Mais aussi basculer vers des carburants d’aviation durables (CAD) et l’hydrogène liquide. Ces investissements aboutissent au renchérissement du prix des billets. Par conséquent, même si la croissance du secteur persiste, elle ralentit à cause de ce frein financier.
Le scénario SB prend le contrepied du précédent. Il se base sur la modération de la demande. Pour y parvenir, les autorités doivent mettre en place des mesures fortes, par exemple en supprimant les avantages fiscaux dont bénéficie le secteur aérien voire en plafonnant le nombre de vols autorisés par aéroport. Mais si ce type de réglementation était mis en place, le trafic ne diminuerait que jusqu’à 2030, avant d’augmenter à nouveau – dans de très faibles proportions – les vingt années suivantes. Il demande moins d’investissements dans les nouvelles technologies que SA et ne nécessite pas de développement de motorisation à hydrogène. Quant au scénario SC, il entraîne des conséquences plus mesurées. Le trafic augmente faiblement car les politiques de réduction de vols sont moins ambitieuses et les investissements dans les technologies restent raisonnables parce qu’ils ne sont pas fléchés vers les moins matures. Les prix des billets augmentent, mais moins que dans SA.
Courbe des émissions
Dans le scénario SA, les émissions annuelles de CO2 stagnent autour de 22-24 Mt entre 2024 et 2035 avant de baisser rapidement après la mise en service d’avions moins polluants pour atteindre 9 Mt en 2050. SB est bien plus efficace. Ses rejets baissent rapidement, passant de 24 Mt en 2022 à 15 Mt en 2035. En 2050, ils ne dépassent pas 5 Mt. Enfin, les émissions de SC sont presque identiques à celles de SA. Les auteurs du rapport ont également calculé la courbe des émissions si aucune mesure n’était prise et si la tendance actuelle se poursuivait. Dans ce cas, elles exploseraient pour atteindre 35 Mt au milieu du siècle, très loin de l’objectif de neutralité carbone souhaité par la France à cette échéance.