Le Grand Ouest expérimente les nouveaux réseaux gaziers

15 05 2021
Caroline Kim-Morange
GRTgaz
À Pontivy, le poste de rebours a pu fonctionner tous les weekends depuis le mois de mai 2020.

Un même nom, mais des solutions diverses : West Grid Synergy teste des technologies variées, de la télégestion au rebours, pour favoriser l’injection de biométhane produit localement dans les réseaux de distribution et de transport.

« Sur les territoires ruraux du Grand Ouest, il y a souvent une forte capacité de production de biométhane mais un faible maillage des réseaux et peu de consommateurs. Le lancement du programme West Grid Synergy est venu de la volonté de faire en sorte que non seulement les réseaux ne restreignent pas l’injection de ce biométhane, mais au contraire qu’ils la favorisent », explique Romain Verles, responsable développement commercial Grand Ouest de GRTgaz, et coordinateur de West Grid Synergy. Dans ce cadre, des expérimentations ont été lancées en 2020 sur trois territoires des régions Bretagne et Pays de la Loire, avec en réalité deux projets distincts.

Du distributeur vers le transporteur

Le premier projet est déjà bien avancé : il s’agit de l’installation et du test d’un poste de rebours sur le réseau de Pontivy dans le Morbihan (avec deux compresseurs de 450 m3/h chacun) et d’un autre sur le réseau de Pouzauges en Vendée (avec un compresseur de 800 m3/h). Le rebours consiste à faire remonter du gaz depuis le réseau de distribution vers le réseau amont de transport grâce à un mécanisme de compression intelligente. Cela libère de la capacité sur le réseau de distribution, celle-ci peut être utilisée pour injecter du biométhane produit localement. Cette technologie est déjà en place dans certains pays européens.

rebours GRDF
Livraison et installation d’un compresseur Emerson pour la mise en place d’un poste de rebours. © GRDF

En France, ce sont les deux premiers postes. Ils ont coûté 3 millions d’euros chacun et sont opérationnels depuis fi n 2019. « À Pontivy, parmi les trois projets de production de biométhane qui existent désormais – un centre d’enfouissement, un site agricole et un site agro-industriel, – deux n’auraient pas pu voir le jour sans la mise en place de ce rebours », relate Romain Verles. Jusqu’en mai 2020, la production locale de biométhane était absorbée par le réseau de distribution. Avec l’ouverture des nouveaux sites, cette production a augmenté. Dans le même temps, du fait de l’arrivée des beaux jours, la consommation de gaz baissait. La production de biométhane devenait excédentaire par rapport à la consommation locale. Le rebours de Pontivy Communauté est alors entré en action, en mai 2020.

Une flexibilité locale

Pourtant, l’idée est de maximiser la consommation locale. Une étude a été menée dans le cadre de West Grid Synergy sur l’injection de bio- méthane dans une station GNV du territoire du Pontivy Communauté. Cette station est en effet raccordée au même réseau de distribution, exploité par GRDF, que les producteurs de biométhane. Il s’agirait de remplir le stock de la station au moment où il y a saturation du réseau de distribution, tout en assurant la garantie les besoins des usagers de la station. D’après l’étude, en jouant sur ce stockage, l’utilisation du rebours pourrait diminuer de 7 %, soit plus de 1 GWh par an de gaz qui n’aurait pas besoin d’être comprimé par le rebours. « Il faut que le biométhane produit localement soit dans la mesure du possible consommé localement. Le rebours interviendrait surtout l’hiver et à l’intersaison, lorsque la consommation du territoire est faible. Les petites saturations du réseau, quant à elles, peuvent être résolues par une flexibilité locale plutôt que par la grosse flexibilité du rebours. Faire démarrer le rebours pour quelques minutes n’a pas de sens », note Romain Verles.

Indicateur de contribution territoriale

GRTgaz a développé un indicateur de contribution territoriale pour restituer mensuellement la part de la consommation d’un territoire couverte par la production locale de gaz renouvelable. « Sur certains territoires comme à Pontivy Communauté, l indicateur de contribution pourra dépasser la barre des 100 % les mois d’été, où les besoins de chauffage sont faibles », note Romain Verles, responsable développement commercial Grand Ouest de GRTgaz et coordinateur de West grid Synergy.
 


À Pouzauges, le deuxième lieu où a été implanté un rebours, la production locale de biométhane est encore en montée de charge. Le rebours ne fonctionne que depuis quelques semaines. Par contre, « le niveau de production sera bien supérieur à la consommation locale. Même l’hiver, la demande du territoire sera insuffisante pour absorber le biométhane produit, et le rebours fonctionnera donc en permanence », précise Romain Verles. Concrètement, ces deux sites permettent à GRTgaz et au distributeur GRDF de travailler sur une technique qui « va devenir une solution plutôt courante en France. GRTgaz prévoit d’installer entre 80 et 150 rebours sur le territoire national à l’horizon 2030, en cohérence avec son ambition de développer 40 TWh injectés », précise le coordinateur du projet West Grid Synergy. Deux autres rebours ont d’ailleurs déjà été lancés, avant même d’avoir obtenu le retour d’expérience des deux installations pilotes. « Les rebours font partie des mécanismes qui peuvent permettre d’assurer le droit à l’injection et qui sont donc finançables par les recettes annuelles des tarifs d’utilisation des réseaux, sous certaines conditions technico-économiques », précise Romain Verles.

43 km de dorsale biogazière

Le deuxième volet de West Grid Synergy se déroule sur le territoire des Mauges, en Maine-et-Loire. Les projets de production de biométhane n’y sont toutefois pas encore en activité. C’est donc bien en amont que les partenaires ont commencé à travailler ensemble. Dès juin 2018, une « dorsale biogazière » de 43 km a été inaugurée, raccordant un gros site agro-industriel au réseau de gaz de Sorégies. Cette infrastructure qui a coûté 3 M€ doit garantir un débouché à un volume important de biométhane, la consommation de l’industriel pouvant aller jusqu’à 120 GWh/an. Transporteurs, distributeurs, producteurs, consommateurs travaillent par ailleurs à instaurer des solutions locales de flexibilité. « Nous avons imaginé une plateforme, la plus automatisée possible, qui décloisonnerait les acteurs. Elle doit notamment permettre à chacun de connaître leurs périodes respectives de maintenance, afin de prévoir les moments d’indisponibilité de l’injection. Dès lors, ils pourront s’adapter en stockant le biométhane produit, en adaptant leur production, ou en corrélant leurs opérations de maintenance », décrit Romain Verles. Le projet West Grid Synergy travaille aussi sur la modélisation et l’automatisation. Le réseau de Sorégies a été modélisé dans un outil dynamique qui simule le comportement physique du réseau. Le modèle est alimenté par les historiques de consommation fournis par Sorégies et les prévisions d’activité des producteurs de bio- méthane. D’autres données doivent venir l’améliorer, comme l’évolution des températures (qui font varier les consommations des ménages) et le planning de production de l’industriel. Il est aussi renseigné par des capteurs de pression connectés, installés exprès sur le réseau. La mise en place de la plateforme multi-acteurs servira aussi à nourrir ces prévisions. En réalisant différentes simulations de consommation/production, il est ainsi possible de déterminer les consignes de pression qui permettent de maximiser l’injection de biométhane, tout en sécurisant l’alimentation des consommateurs.

Téléréglage de la pression

Dans le même temps, GRTgaz teste un système de téléréglage de la pression sur l’un de ses postes de livraison, à l’interface entre le réseau de transport où la pression est très élevée, et celui de distribution où elle est beaucoup plus basse. Le réglage en pression du poste de livraison doit permettre de valoriser au maximum le stock en conduite offert par le réseau de distribution, tout en garantissant la continuité d’approvisionnement des consommateurs. Prendre la main à distance sur ces consignes de pression permet d’être beaucoup plus réactif. Avec toute cette architecture, les acteurs veulent être prêts pour le début de la production locale de biométhane en 2022-2023. Comme l’assure Romain Verles, « nous sommes en train de mettre en place toute la mécanique pour assurer le fonctionnement de ce réseau. »

 

 

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