La mise en oeuvre du nouveau DPE suscite des retours mitigés

18 06 2022
Philippe Bohlinger
Ingo Bartussek/Adobe Stock

Les premiers mois de vie du nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) n’ont pas atténué les réserves des syndicats professionnels de l’immobilier et du diagnostic. Ces derniers ne remettent pas en cause l’objectif d’un parc au niveau BBC en 2050, mais jugent que la réforme manque de financements et que son calendrier est trop contraignant.

L’arsenal règlementaire déployé en France en vue d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 dans le logement s’est doté d’un nouveau levier. Après l’entrée en vigueur de nouvelles règles dans la construction neuve (réglementation environnementale 2020), la réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE) pousse le parc locatif à rénover ses passoires thermiques. Cette réforme, issue de la loi Elan de novembre 2018 et de la loi Climat et Résilience d’avril 2021, vise à rendre le diagnostic des logements plus fiable et plus ambitieux. En ligne de mire, l’objectif de faire passer le parc hexagonal au niveau de performance BBC-rénovation (bâtiment basse consommation) au cours des trente prochaines années, soit les étiquettes A ou B du DPE.
Le DPE est né en 1er novembre 2006 de l’application de la Directive européenne pour la performance énergétique des bâtiments votée en application du protocole de Kyoto. Sa nouvelle mouture est désormais fondée sur une méthode unique : la méthode de calcul de la consommation conventionnelle des logements dite « méthode 3CL ». Cette nouvelle grille ne prend plus en compte la seule consommation énergétique du logement, mais son isolation, ses surfaces vitrées, ses matériaux, ses modes de chauffage, etc. Elle s’intéresse également à l’éclairage ainsi qu’à la ventilation et dispose d’un indicateur portant sur le confort d’été. Résultat, il ne devrait plus y avoir d’étiquettes différentes pour des logements similaires. « Nous avions auparavant des DPE vierges ou encore des DPE réalisés à partir de factures énergétiques », se remémore Maxime Lenglet, directeur général d’Oktave, le service de rénovation performante de l’habitat de la région Grand Est.

Diagnostic opposable

Autre évolution notable, la réforme se traduit par la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour établir les seuils de classe énergétique (A à G). Auparavant, seul le paramètre d’énergie primaire était considéré, si bien qu’un logement chauffé au fioul ou au gaz pouvait bénéficier d’un meilleur classement qu’un logement moins consommateur d’énergie finale, mais chauffé à l’électricité. D’une durée de validité de dix ans, ce nouveau DPE est désormais opposable au même titre que les autres diagnostics immobiliers. Autrement dit, il est possible de saisir la justice s’il comporte des erreurs.
Enfin, et c’est sans doute le volet le plus important de cette réforme, le Gouvernement y a adossé un calendrier visant à bannir les logements indécents du parc français. Selon ses estimations, les passoires thermiques (les biens classés F et G) représentent un logement sur six, soit 4,8 millions de biens. « Davantage que la refonte technique du diagnostic, ce qui fait bouger les lignes dans cette réforme du DPE, c’est l’interdiction à terme de la location des habitations classées G, F, mais aussi E », argumente Sébastien Delpont, directeur du programme EnergieSprong France qui vise à démocratiser les rénovations à zéro énergie. À partir du 25 août 2022, toute augmentation de loyer pour les habitations notées F et G sera impossible : pas d’application de l’indexation annuelle, ni de hausse à la relocation.

À partir du 1er janvier 2023, les logements les plus mal notés au sein de la classe G, ceux dont la consommation énergétique excède 450 kWh/m²/an, seront interdits à la location. Ils seraient environ 90 000 sur le territoire national, soit environ 4 % des passoires thermiques. En 2025, ce sera au tour des autres logements classés G (plus de 420 kWh/m²/an). En 2028, ils seront suivis par les biens notés F, puis en 2034, par les logements E. Cette vaste réforme du DPE n’est pas encore complète, l’ensemble des textes n’ayant pas encore été publiés. Les professionnels de l’immobilier attendent notamment les détails de la réforme du DPE « collectif » concernant les immeubles en copropriété (lire en encadré).

Bug au démarrage

Quelques mois après son lancement, comment se passe la mise en œuvre du DPE nouvelle mouture ? Tout d’abord, son entrée en vigueur a connu un bug au démarrage. Initialement prévue au 1er juillet 2021, elle a dû être décalée de quatre mois en raison d’un problème de paramétrage du nouveau logiciel. Des écarts très importants avaient été constatés par comparaison à l’ancienne version, pénalisant les logements construits avant 1975. Plus de 200 000 diagnostics ont dû être refaits. De même, l’obligation de réaliser un audit énergétique lors de la vente d’une maison ou d’un immeuble en monopropriété classé F ou G, a été reportée du 1er janvier 2022 au 1er septembre 2022.

« Sur le fond, les diagnostiqueurs se réjouissent de l’avènement de ce nouveau DPE unifié, opposable, mais aussi contraignant dans la mesure où il oblige les propriétaires à engager des travaux en vue d’améliorer les performances thermiques de leurs biens. Sur la forme, son lancement s’est avéré extrêmement chaotique. Outre les couacs au démarrage, la phase d’autotests demandée aux éditeurs des logiciels de DPE a duré 9 mois, la validation définitive n’ayant été faite que début mai. Or les professionnels ont commencé à produire des diagnostics dès septembre 2021 », souligne Jean-Christophe Protais, le président du Syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier (Sidiane), une organisation fondée suite aux difficultés de lancement du DPE.
 

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