ISO 50001, encore des progrès à réaliser

04 04 2023
Léa Surmaire
DR
Lionel Barbé, le dirigeant d'Optinergie, Éric de Rochemonteix, le fondateur d'Akyla et Quentin Despres, consultant pour le groupe Epsa

Malgré la crise énergétique, les industriels privilégient le déploiement d’actions rapides plutôt qu’une stratégie de management de l’énergie. Pourtant, la certification ISO 50001 apparaît comme incontournable. 

« Avec la crise énergétique et climatique actuelle, nous avons observé une forte augmentation de demandes pour des plans d’action pour des économies d’énergie rapides. En revanche, les industriels se tournent encore peu vers des systèmes de management de l’énergie et la certification ISO 50001, dont la mise en place dure six mois minimum. Vu l’explosion des coûts de l’énergie, ils préfèrent investir dans des actions à temps de retour rapide voire immédiat », expose Lionel Barbé, le dirigeant du bureau d’étude Optinergie. Depuis 2011, la certification internationale ISO 50001, élaborée par l’Organisation internationale de normalisation (ISO), reconnaît la performance d’un système de management de l’énergie (SMEn) déployé au sein d’une entreprise. 

Elle accompagne sa mise en place en instituant des modalités pratiques comme la désignation d’un « référent Énergie » ou encore la mesure des résultats. Plus poussée que la norme ISO 14001, qui atteste plus largement du management environnemental d’une entreprise, l’ISO 50001 permet également aux entreprises qui doivent passer un audit énergétique tous les quatre ans d’en être dispensées. L’observation de Lionel Barbé est partagée par Éric de Rochemonteix, le fondateur du bureau d’études Akyla. « J’ai ressenti un frémissement mais qui reste insuffisant. Je suis intimement convaincu que l’entreprise de demain devra être réellement décarbonée. Le sujet de l’ISO 50001 doit devenir incontournable, tel un ‘‘must have’’ pour les industriels », confie-t-il.

Quentin Despres, consultant en efficacité énergétique pour le groupe Epsa, perçoit ainsi une « augmentation du nombre d’entreprises accompagnées » par son bureau d’études pour l’établissement de la norme. Si les chiffres des organismes certificateurs ne sont pas disponibles, ceux des demandes de primes dans le cadre du programme de certificats d’économie d’énergie « PROSMEn » d’aide à l’ISO 50001, porté par l’Association technique énergie environnement (ATEE), abondent. La session 2016-2018 a permis d’octroyer des primes à 131 organisations certifiées ISO 50001. La suivante, entre 2018 et 2022 en a concerné 304, soit plus du double.

Structurer sa gestion de l’énergie

Pour les trois professionnels, l’intérêt de l’ISO 50001 repose notamment sur la structuration de la démarche. « Ce qui est intéressant pour les industriels, c’est de mettre en place des bonnes habitudes, de disposer en permanence d’un suivi d’indicateurs sur les consommations, d’un plan d’actions que l’on peut réactualiser régulièrement… », expose Lionel Barbé. « Structurer sa gestion de l’énergie permet d’identifier rapidement les zones de consommations importantes et les gisements d’énergie qui peuvent en découler », complète Quentin Despres. Pour lui, elle aide aussi « à fédérer les collaborateurs autour d’un même objectif, à afficher pour l’entreprise un engagement en matière d’efficacité énergétique et à réduire sa consommation énergétique de 5 à 10 % ».

Aussi, expose-t-il, « les industriels qui disposent déjà d’une certification ISO, auront plus de facilités à se lancer dans une nouvelle démarche ». D’ailleurs, selon lui, comme ils en maîtrisent les codes, ils constituent la majorité des entreprises engagées dans l’ISO 50001*. Pour l’obtenir, les règles sont d’ailleurs plus poussées que pour les ISO 9001 et ISO 14001. « Déjà, les exigences sont en termes de performance, de résultats et non pas seulement de moyens. Aussi, pour garder sa certification, l’entreprise doit les améliorer d’année en année », explique Quentin Despres. Si cela peut parfois constituer un frein pour certaines entreprises, l’amélioration est toujours possible pour Éric de Rochemonteix. « Je pense pouvoir compter les sites qui ont été au bout des performances énergétiques possibles sur les doigts d’une main », illustre-t-il.

Des freins techniques

Pour les trois professionnels, l’inconvénient principal de l’ISO 50001 est sa technicité. « Elle demande certaines compétences techniques, mais aussi du matériel pour effectuer le sous-comptage énergétique des équipements, pour être capable d’identifier les postes de consommation les plus importants et d’en faire le suivi. Cela demande un peu d’investissement financier et du temps de formation pour les équipes », expose Quentin Despres. Lionel Barbé abonde : « il faut faire des audits régulièrement, maintenir à jour le système, traiter les non-conformités comme dans tout système de management, assurer la veille règlementaire, vérifier que l’on est conforme aux textes…Tout cela ne fait pas rêver les entreprises quand elles mettent en place la certification ». C’est pour cette raison, selon le fondateur d’Akyla, que « l’ensemble des parties prenantes – experts, bureau d’études, Ademe, ATEE et des relais parapublics comme les Chambres de commerce et d’industrie – doivent continuer à organiser toujours plus d’événements pour sensibiliser les industriels, pour leur expliquer la méthode et leur rappeler la couverture financière de 20 % de leur dépense énergétique annuelle par le programme Pro-SMEn… ».

Pour Lionel Barbé, le durcissement de la réglementation pour les audits énergétiques obligatoires est en cours de négociation au sein de l’Union européenne dans le cadre du paquet Fit for 55. « Cela devrait pousser de nouvelles entreprises fortement consommatrices à passer la certification », se projette-t-il.

* 54 % des entreprises certifiées ISO 50001 récompensées par la prime du programme Pro-SMEn étaient déjà ISO 14001.

Pro-SMEn reconduit

La prime attribuée aux entreprises qui mettent en place la norme ISO 50001 est reconduite pour 2023-2026. Les conditions d’éligibilité et les modalités de demande seront bientôt disponibles sur www.pro-smen.org

 

Comment les cimentiers tentent de se bâtir un avenir décarboné ?

21 11 2024
Philippe Bohlinger

Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, l’industrie cimentière française mise sur des leviers traditionnels – optimisation des procédés, combustibles alternatifs et substituts au clinker – mais ne pourra pas faire l’économie d’investir dans de coûteux systèmes de capture du carbone.

Lire la suite

Les clés de la résilience de l’industrie de l’énergie en France

21 11 2024
Julien Clément, Account Executive chez Appian

Des outils numériques peuvent aider les entreprises du secteur de l’énergie à faire face aux bouleversements actuels (volatilité des marchés, décarbonation, etc.). Ils permettent d’optimiser les actions opérationnelles, faciliter la prise de décision ou encore développer de façon autonome des solutions logicielles sur mesure.

Lire la suite