Des données pour anticiper le risque sécheresse sur un bâtiment
© Xavier GranetInondations, températures extrêmes… Depuis 2017, NamR mutualise des bases de données publiques pour établir, grâce à l’intelligence artificielle, les risques de catastrophes climatiques sur chaque bâtiment français. Depuis 2021, la sécheresse a été ajoutée à son arc de compétences. Après une aridité estivale sans précédent, Marc Stéfanon, chef de projet data et docteur climat et environnement pour NamR, revient sur l’utilité de ces données.
Pourquoi vendre des données relatives à la sécheresse ?
Marc Stéfanon : Connaissez-vous le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA) ? Les cinq à dix premiers mètres de ces couches terrestres se rétractent lors des périodes de sécheresse et gonflent de plus belle au retour des pluies lorsqu’ils sont de nouveau hydratés. Un peu comme une éponge. Ainsi entre un côté et l’autre de la maison, le terrain peut se mouvoir. Et, sans fondation suffisante, endommager sa structure.
Quelles données fournissez-vous ?
M. S. : Pour apprécier le risque d’un habitat, il faut des données climatiques d’une part et relatives à sa structure d’autre part. Nous compilons donc les années et les zones où la sécheresse a frappé, mais aussi les caractéristiques physiques et environnementales des bâtiments (dimension, matériaux, présence de jardin, etc.). Cela permet d’identifier les typologies de biens immobiliers les plus à risque au regard du RGA, en particulier les maisons individuelles construites en masse dans les années 1960-80, pour lesquelles les fondations étaient peu profondes. Maintenant, la sécheresse atteint des lieux peu touchés jusqu’alors et le phénomène de RGA s’étend. Des constructions autrefois adaptées ne le sont plus.
Comment parvenez-vous à obtenir des informations sur les fondations ?
M. S. : Nous n’avons pas de données directes, c’est pourquoi nous fournissons ce que nous appelons des proxys. Ce sont des données de substitution qui remplacent qualitativement une autre information non observable ou mesurable. Pour ce faire, nous utilisons des données ouvertes et gratuites, notre expertise multi-sectorielle et de l’intelligence artificielle. Puisqu’aucune base ne recense tout, nous sommes obligés d’en réunir des dizaines, et les rendre interopérables. Avec elles, le taux de couverture du territoire français est de l’ordre de 20 %. Pour traiter les 80 % restants, nous utilisons un ordinateur pour déduire les informations manquantes grâce à un faisceau de données comme l’emplacement de la maison, sa typologie ou encore les matériaux utilisés sur sa façade. C’est le « machine learning ». Sur les 20 % connus, 10 % suffisent à créer un modèle, les 10 % supplémentaires servent à évaluer le modèle et sont donc plutôt un indicateur de qualité.
Avec le réchauffement constaté ces dernières années, avez-vous reçu davantage de demandes ?
M. S. : Avec le dérèglement climatique, notre base client s’accentue depuis plusieurs années déjà, au moins cinq ans. Comme la sécheresse s’étend et que les habitats ne sont pas toujours adaptés, nos clients ont besoin de données. Exemple : si vous êtes propriétaire d’une cinquantaine d’immeubles, en quelques clics, vous connaîtrez la vulnérabilité de chacun d’entre eux à la sécheresse pour anticiper ou non des travaux. Même chose si vous souhaitez racheter un bien ou l’assurer.
Comment le coût cumulé du risque sécheresse devrait-il évoluer pour les assurances ?
M. S. : Selon un rapport de France Assureurs, à l’horizon 2050 il devrait passer de 13,8 milliards d’euros cumulés sur la période 1999-2019 à 43 Md€ pour les trente prochaines années, et donc tripler. Selon la Caisse centrale de réassurance et la Cour des comptes, il représentait ainsi 36 % de la sinistralité catastrophes naturelles sur la période 1989-2019. C’est le deuxième poste de dépenses derrière les inondations.
Êtes-vous les pionniers de cette technologie en France et dans le monde ?
M. S. : Au niveau des questions de sécheresse, dans le monde, nous sommes les premiers à compiler données climatiques et données propres aux bâtiments. Les autres entreprises analysent uniquement la partie climatique.