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Dans ce numéro, Énergie Plus s'intéresse à l'émergence des marchés carbone locaux. En France, les collectivités territoriales participant à de tels mécanismes de compensation carbone volontaire restent rares. Toutefois, et notamment avec la création du label bas-carbone, des projets se structurent. Le plus ambitieux est en cours à la Rochelle, mais d’autres plus modestes essaiment dans le pays, créant une mosaïque de démarches locales.
La rubrique « Énergie&Climat» présentera notamment les ambitions de la Bretagne concernant la structuration de sa filière hydrogène et ses usages aussi bien terrestres que maritimes. Un vecteur énergétique d'avenir très attendu pour réussir la transition énergétique qui reste malheureusement bien trop lente selon le dernier Word Energy Outlook 2021 de l'AIE.
Édito
Clément CyglerLe déni climatique des pétroliers français
Américain, britannique, néerlandais et maintenant français. Ce n’est pas seulement les groupes pétroliers de certains pays voisins qui ont pratiqué, consciemment et pendant plusieurs décennies, un important lobbying climato-sceptique. C’est également le cas de l’Hexagone où Total et Elf, fusionné depuis en une seule entité, sont désormais accusés d’avoir participé au moins depuis le milieu des années 80 à « l’effort de fabrique stratégique du doute », mené notamment par l’Association internationale de l’industrie du pétrole pour la protection de l’environnement (Ipieca). Ce troublant constat est issu d’une étude récente publiée par deux historiens et un sociologue, dans la revue Global Environmental Change. Pour aboutir à cette conclusion, les auteurs ont décortiqué de nombreuses archives (du groupe TotalEnergies et de plusieurs ministères) et ont mené plus d’une trentaine d’entretiens avec d’anciens cadres de Total et d’Elf, des hauts fonctionnaires et des experts. Après une période plutôt passive entre 1970 et 1985, la posture des fleurons français de l’énergie évolue pour passer à la contre- attaque à l’aube des années 90. Remise en cause des conclusions du premier rapport du Giec, contre-propositions pour faire reculer les réglementations nationales et européennes en matière d’environnement ou encore contestation du consensus scientifique sur le changement climatique sont ainsi quelques exemples d’action joués par Elf et Total, en évoquant ou en se cachant derrière des pseudo incertitudes. Ce n’est qu’au milieu des années 2000 que le géant pétrolier commence à approuver les conclusions de divers rapports sur l’urgence climatique et la responsabilité des activités anthropiques, avant de se lancer dans un travail important de greenwashing et désormais à se positionner comme une entreprise éco-responsable…
Une question se pose toutefois quant à la responsabilité avérée des groupes français : doit-on appliquer le principe polleur-payeur pour compenser les dégâts occasionnés par leur inaction ? Des dégâts malheureusement irréversibles…