RTE penche pour un mix EnR/nucléaire en 2050
RTE publie une étude prospective qui analyse les évolutions de la consommation et compare six scénarios de systèmes électriques pour que la France dispose d’une électricité bas-carbone en 2050, tout en garantissant sa sécurité d’approvisionnement. Selon le gestionnaire de réseaux, le système électrique peut devenir neutre en carbone à un coût maîtrisable mais nécessitera des évolutions.
RTE vient de publier une nouvelle étude baptisée « Futurs énergétiques 2050 ». Elle a nécessité deux ans de travail et s’est appuyée sur une multitude de simulations numériques et de calculs pour caractériser une grande variété de systèmes électriques capables de mener la France vers la neutralité carbone en 2050. Ce travail a été agrémenté d’avis extérieurs émanant d’entreprises du secteur de l’énergie, d’ONG, d’associations, de think tanks, d’autorités de régulation et d’administrations publiques. Six scénarios ont été étudiés. Trois donnent la priorité aux renouvelables, trois autres au nucléaire (voir infographie). Ils s’appliquent à satisfaire la demande en 2050, estimée de 555 TWh si la société se réoriente vers des modes de vie plus sobres, à plus de 750 TWh si elle reste très énergivore. La demande de référence retenue dans l’étude s’élève à 645 TWh. Elle suppose une électrification progressive pour remplacer les énergies fossiles et une croissance économique de +1,3 %. La démographie se base sur le scénario fécondité basse de l’Insee.
Les renouvelables indispensables
Pour atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle, il faudra développer massivement l’électricité renouvelable, qu’elle soit d’origine photovoltaïque, éolienne, mais aussi hydraulique là où il est encore possible d’installer des barrages. En trente ans, il faudra porter le parc solaire à 70 GW minimum et à plus de 200 GW dans la trajectoire la plus haute. Développer l’éolien est aussi indispensable. RTE rappelle que cette technologie est mature, peut produire des volumes d’électricité importants à des coûts faibles. Par conséquent, « un parc minimal d’une quarantaine de gigawatts d’éolien terrestre, ainsi que la construction d’un parc d’éoliennes en mer de l’ordre de 25 GW, apparaissent nécessaires », selon le gestionnaire de réseau. Si d’un point de vue technique, installer de telles capacités ne poserait pas de problèmes, RTE reconnait qu’en terme d’acceptabilité cela pourrait être plus difficile.
Le scénario 100 % renouvelable (M0) pose de son côté des défis techniques importants, en particulier pour le photovoltaïque et l’éolien en mer « dans la mesure où les rythmes de développement des énergies renouvelables dépassent largement les performances cumulées de l’Allemagne sur les renouvelables terrestres et du Royaume-Uni sur l’éolien en mer au cours des dernières années », insistent les rédacteurs de l’étude. Toutefois, le coût d’une telle révolution ne serait pas astronomique. En effet, les grands parcs éoliens et photovoltaïques ont des coûts déjà très compétitifs, désormais inférieurs à ceux des nouvelles centrales thermiques ou nucléaires. Pour autant, selon RTE, sortir totalement du nucléaire en 2050 couterait plus cher que les autres options.
Le nucléaire et le stockage plébiscités
Selon RTE, les scénarios comprenant un parc nucléaire de 40 GW au moins (N2 et N03) pourraient conduire, à long terme, à des coûts plus bas pour la collectivité qu’un scénario 100 % renouvelable car intégrer autant d’énergies intermittentes suppose d’installer des outils de flexibilité (stockage, pilotage de la demande, hydrogène bas-carbone et nouvelles centrales d’appoint) et de renforcer les réseaux. Pour autant, maintenir une base nucléaire d’une cinquantaine de gigawatts présente également des défi s technologiques. En effet, cinq scenarios supposent d’exploiter certains réacteurs actuels au-delà de cinquante ans. Et des installations aussi anciennes coûtent cher à entretenir. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) juge qu’au-delà de quarante ans, elles nécessitent déjà un volume exceptionnel de travaux. Enfin, trois des six scénarios prévoient de construire de nouveaux réacteurs de type EPR 2, un véritable défi industriel compte tenu des difficultés rencontrées par EDF pour mener à son terme le chantier en cours en Flamanville. Quelle que soit la décision prise sur la relance ou non d’un programme nucléaire, les renouvelables seront amenées à croitre.
De la flexibilité attendue
Pour faire fonctionner un tel système, il faudra développer la flexibilité des réseaux. Pour gérer l’intermittence, le stockage hydraulique, le pilotage de la demande et les batteries devront être généralisés. Le développement du stockage hydraulique (Step) et de la gestion intelligente de la demande seront des solutions rentables quoi qu’il arrive. Le stockage par batteries ne sera pas indispensable dans une France très nucléarisée, mais sera une solution très pertinente dans les scénarios où le solaire occupent une grande place. Toutefois, ces moyens ne seront pas suffisants, surtout dans les scénarios très axés sur les renouvelables. Construire de nouvelles centrales thermiques décarbonées en secours sera donc indispensable : 30 GW devraient être construits, soit plus que la France n’en a jamais eu depuis les années 1970.
Renforcer les réseaux
Enfin, les réseaux devront être transformés de manière à rendre possible la transition énergétique. RTE a publié dès 2019 son schéma décennal de développement du réseau (SDDR) qui prévoit un investissement de 33 milliards d’euros sur 15 ans pour accueillir le mix prévu par la PPE. La somme pourrait enfler si plus de renouvelables sont intégrées car cela supposera de nouveaux axes traversant nord-sud et est-ouest, et des raccordements de grands parcs en mer (posés ou flottants). RTE estime également qu’il faudra renforcer les interconnexions avec les pays voisins : en 2050, un niveau de 39 GW de capacité d’imports — contre 13 GW aujourd’hui — serait idéal.
Si les décisions concernant la transition dépendront de décisions politiques, RTE semble préférer le scénario N2. Selon le gestionnaire, il permettrait de s’affranchir de plusieurs paris techniques et industriels pour atteindre un haut niveau de production d’électricité bas carbone. Mais il suppose de mettre en route quatorze nouveaux EPR en trente ans, ce qui semble compliqué…