Pour être verte, la finance doit renoncer au brun
L’expression « finance verte » est à la mode. Elle laisse entendre que le secteur financier a pris conscience de l’enjeu climatique. Un véritable appétit pour les investissements « verts » est apparu, notamment en France. Pourtant, le monde de la finance semble encore très réticent à renoncer à son soutien aux énergies fossiles. Il semble urgent de durcir la réglementation.
Un coup de tonnerre a éclaté dans le ciel de la finance en 2015 : dans un discours très remarqué, Mark Carney, Gouverneur de la Banque d’Angleterre, a mis l’accent sur le besoin impératif pour le secteur financier de mieux articuler changement climatique et stabilité financière. Les institutions financières ont alors massivement pris conscience du risque qu’elles couraient à ne pas s’adapter au changement climatique : certains de leurs investissements risquaient de perdre de la valeur. Soit parce que la réglementation allait évoluer, par exemple pour exclure peu à peu l’usage des énergies fossiles. Soit en raison du manque de résilience des entreprises financées face aux conséquences du réchauffement (sécheresses, inondations, etc.). En continuant à financer la course en avant des énergies fossiles, elles prenaient en outre un risque de notoriété face à une opinion publique de plus en plus sensible à ce sujet.
Suite à ce constat, deux mouvements devaient donc naître parallèlement. D’un côté, la diminution de la finance dite brune, qui apporte des fonds aux énergies fossiles et aux industries à forte intensité en carbone. De l’autre, la croissance de la finance verte. Cette dernière consiste à orienter l’épargne vers des opérations favorisant la transition énergétique et la lutte contre le réchauffe ment climatique. Idéalement, les opérateurs financiers deviendraient donc l’un des acteurs privilégiés de l’avenir de notre planète, en dirigeant les fonds disponibles vers des entreprises et activités vertueuses. Ces deux mouvements ont été lancés timidement. « On a bien du mal à voir baisser la partie fossile des investissements, malgré la pression des ONG et de l’opinion publique et les engagements affichés par les acteurs financiers », indique Julie Evain, cheffe de projet réglementation financière et changement climatique pour l’institut de recherche Institute For Climate Economics (I4CE). Rares sont les banques et sociétés financières qui s’engagent à mettre fin au financement de toutes les entreprises exploitant le pétrole et le gaz. Certains l’ont déjà fait, notamment la Banque Postale et le Crédit Mutuel en France. Ce ne sont pas les plus grosses institutions, et elles se comptent encore sur les doigts d’une main.
350 Md$ pour les énergies fossiles
À l’opposé, le rapport Banking on Climate Chaos de 2022, élaboré par sept ONG, « révèle que BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE/Natixis ont alloué près de 350 milliards de dollars aux énergies fossiles entre 2016 et 2021 », explique l’association française Reclaim Finance, qui fait partie des auteurs du rapport. Sur cette somme, 130 Md$ ont été dédiés aux cent entreprises développant le plus de nouveaux projets d’énergies fossiles. Ces sommes « font de la France le troisième pays soutien à l’expansion fossile, derrière les États-Unis et la Chine », poursuit Reclaim Finance. Qui plus est, ces sommes n’ont pas diminué depuis 2015, date de l’Accord de Paris. De la parole aux actes, il y a donc un large fossé. Ce n’est d’ailleurs pas seulement le cas des banques. En août 2022, le quotidien Libération révélait ainsi que « l’Agirc-Arrco, principale caisse de retraite du pays, place les cotisations des Français dans des secteurs émetteurs de gaz à effet de serre ». La même politique existe chez des assureurs, comme Axa, qui sont régulièrement dénoncés par les ONG. À quelques exceptions près, comme celles soulignées plus haut, tout le secteur semble concerné.
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