Une piste pour valoriser le SF6

Le SF6 utilisé dans la filière électrique est un très puissant gaz à effet de serre. Si des alternatives sont recherchées, de grandes quantités sont toujours utilisées et restent présentes dans de nombreuses installations. Des scientifiques sont en train de mettre au point une méthode pour le valoriser.
Pour isoler ses transformateurs, condensateurs, interrupteurs ou disjoncteurs haute tension, la filière électrique utilise un gaz de synthèse : l’hexafluorure de soufre (SF6). Cette molécule mise au point en 1900 offre en effet de nombreux atouts. « Ce gaz a des propriétés assez uniques. Il est extrêmement dense, non inflammable, pas toxique pour l’Homme et assez inerte chimiquement. Il a également une caractéristique particulière très recherchée dans le secteur de l’énergie : il empêche la formation d’arcs électriques », explique Alexis Taponard, doctorant à l’Institut de chimie et biochimie moléculaires et supramoléculaires de l’Université Claude-Bernard Lyon 1 qui mène une thèse sur le sujet. Une simple couche de SF6 entre une installation électrique et l’extérieur permet donc de renforcer la sécurité.
Toutefois, il a un énorme défaut. C’est un puissant gaz à effet de serre (GES) qui a un potentiel de réchauffement global (PRG) 24 000 fois supérieur au dioxyde de carbone (CO2). De plus, il reste présent dans l’atmosphère pendant 3 200 ans. S’il ne compte pour l’instant que pour 0,1 % à 0,2 % du réchauffement global, sa courbe est inquiétante. Il a tendance à s’accumuler dans l’atmosphère depuis cinquante ans et avec l’augmentation de la demande en électricité, ce phénomène devrait s’aggraver. L’Union européenne impose déjà des restrictions sur l’utilisation du SF6 lorsqu’il est facilement substituable. Il n’est par exemple plus utilisé dans les fenêtres à double-vitrage. La réglementation pourrait encore se durcir à l’avenir. Si certains industriels comme Schneider Electric tentent de le remplacer, les quantités présentes dans les installations sont importantes. Des scientifiques essaient donc de le valoriser.
Débouchés pharmaceutiques
Dès les années 90, des chercheurs ont tenté de dégrader le SF6 afin d’éviter qu’il soit rejeté dans l’atmosphère. « Toutefois, ce gaz est inerte, ce qui le rend difficile à dégrader. Et, les premières tentatives ont créé des produits toxiques pour l’Homme. On remplaçait un problème par un autre », raconte Alexis Taponard. Alors, depuis 2016, des scientifiques tentent de le valoriser. Trois grandes méthodes existent. Tout d’abord via l’utilisation de métaux de transition. Mais l’iridium est très onéreux, ce qui rend cette méthode peu viable. La deuxième technique repose sur l’électrochimie. La dernière s’appuie sur un donneur d’électrons organiques. Celui-ci est un ion formant le site donneur qui cède un électron à un autre atome. C’est cette troisième voie qui a été choisie par les chercheurs lyonnais. Ils ont développé une nouvelle stratégie d’activation des liaisons du SF6 dans des conditions douces.
Ce procédé repose sur l’activation sous lumière bleue de ce gaz par une amine. Il permet d’obtenir de nouveaux réactifs directement utilisables pour insérer du fluor ou des groupements fluorés (SF5) sur des molécules organiques. Ce fluor est extrêmement recherché, notamment dans la chimie pharmaceutique (20 % des molécules possèdent un atome de fluor) et agrochimique (40 %). Plutôt que de fournir ce fluor via des réactifs issus du pétrole, l’extraire du SF6 pour le transférer sur une molécule permettrait de recycler ce GES et de moins émettre en fabriquant des médicaments ou des engrais. « Le SF5 pourrait intéresser car dans la chimie du fluor, un des groupements les plus utilisés aujourd’hui est le Trifluorométhyle (CF3) qui est nocif pour l’environnement, notamment car il pose des problèmes de dégradation dans l’eau. Le SF5 a des propriétés très similaires mais sans impact écologique », précise Alexis Taponard. Valoriser le SF6 permet donc de gagner sur tous les points.