Optimiser le déploiement des solutions de stockage à horizon 2050

15 02 2021
Clément Cygler
Storengy
À proximité de Bourg-en-Bresse, le site d’Etrez va accueillir le premier démonstrateur de stockage d’hydrogène vert à grande échelle. Soutenu par l’Union européenne et coordonné par Storengy, ce projet vise à tester la production et le stockage d’hydrogène vert en cavité saline.

Si la flexibilité du réseau électrique européen sera assurée principalement par les centrales à cycle combiné et les réseaux en 2030, l’électrolyse deviendrait la principale solution à horizon 2050, selon une étude pilotée par Artelys, et ce quelles que soient les constantes de temps considérées (journalier, hebdomadaire et saisonnier).

À l’image de nombreux pays, l’Europe s’est fixé l’ambitieux objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Pour l’atteindre, la Commission européenne a décrit plusieurs scénarios de décarbonation dans sa Stratégie Long Terme. Tous soulignent l’importance d’un développement accru des sources d’énergies renouvelables, mais également la nécessité de se doter d’un système électrique plus flexible. Une flexibilité qui devrait être en partie assurée par le déploiement de solutions de stockage d’énergie.
Afin d’identifier les futurs besoins de flexibilité ainsi que les solutions les plus pertinentes pour y répondre, une étude a été commandée par la Commission européenne à Enerdata, Trinomics et Artelys. Ce dernier était en charge de la modélisation de certains scénarios de la Stratégie de Long Terme, et de l’optimisation de la place des solutions de flexibilité dans ces scénarios, et ce pour différents niveaux de flexibilité de la demande.

Mise en concurrence de technologies

Plusieurs technologies de stockage (batteries, Step, cycle combiné gaz, électrolyse…) mais aussi d’autres solutions comme les interconnexions électriques et les moyens thermiques flexibles, ont ainsi été mis en concurrence pour déterminer l’arbitrage optimal en termes de fourniture de flexibilité et de sécurité. « On a fourni au modèle les besoins de flexibilité et un catalogue de technologies qu’il peut déployer en payant un certain coût d’investissement. Une des hypothèses structurantes faite a en outre été de considérer des électrolyseurs connectés au réseau électrique », précise Christopher Andrey, directeur de projets à Artelys. Le modèle a ensuite sélectionné l’ensemble des technologies qui pourraient répondre à ces besoins sur l’ensemble des échelles de temps.

Besoins accrus de flexibilité

Une des premières conclusions de l’étude est l’augmentation importante des besoins en flexibilité journalière, en raison du déploiement du solaire PV et du challenge de l’intégration de la production et sa répartition tout au long de la journée. Ce besoin journalier va presque tripler, passant de 280 TWh en 2030 à près de 780 TWh en 2050. C’est également le cas pour les besoins en flexibilité hebdomadaires (200 TWh en 2030 à 600 TWh en 2050). Seuls les besoins saisonniers connaissent une augmentation plus limitée, bien que quand même marquée (50 %).
À l’horizon 2030, les centrales électriques au gaz naturel nouvelle génération se révèlent être la solution dominante de flexibilité. Environ 70 GW de batteries de tout type sont également déployés. « Il y a une compétition entre les solutions de flexibilité, et notamment entre les batteries stationnaires et celles de mobilité. Plus on fait l’hypothèse que les batteries de véhicules électriques sont chargées de façon intelligente, moins le modèle investit dans des batteries stationnaires. Les différents niveaux de connexion des véhicules électriques et des mécanismes de recharge intelligente restent au final le principal facteur du déploiement des batteries stationnaires », détaille Christopher Andrey. Les réseaux électriques devront en outre jouer un rôle significatif dans le lissage de la production à travers l’Europe, ce qui nécessitera des investissements assez importants pour de nouvelles interconnexions transnationales.

Électrolyseurs dominants

En 2050, l’image change nettement. Dans tous les scénarios étudiés, la technologie de l’électrolyse – moyen privilégié pour produire de l’hydrogène vert en Europe – s’impose, notamment pour aller décarboner les usages (industrie, mobilité lourde, transport maritime…). À cet horizon, les électrolyseurs vont pouvoir fournir une grosse partie des besoins en flexibilité, et sur l’ensemble des constantes de temps à regarder (journalier, hebdomadaire et saisonnier). Jusqu’à 500 GW de capacité installée d’électrolyseurs sont ainsi prévus dans les scénarios de la Stratégie à long terme de la Commission européenne. Cette dernière, en mettant l’accent sur les électrolyseurs, pousse en outre à l’émergence d’une chaine de valeur industrielle.
Cette domination des électrolyseurs réduit très substantiellement la fourniture de flexibilité des centrales à cycle combiné à horizon 2050. L’électrolyse fait également sortir les batteries du marché dans la plupart des situations sauf lorsque la flexibilité de la demande électrique est très faible. En termes de flexibilité journalière et hebdomadaire, les réseaux électriques vont encore jouer leurs rôles avec beaucoup d’échanges entre les différents pays européens. Plusieurs hypothèses de flexibilité de la demande d’hydrogène, c’est à dire la disponibilité du stockage d’hydrogène pour le système électrique, ont par ailleurs été étudiées. À l’horizon 2030, l’intérêt de l’électrolyse n’est toutefois pas tant au niveau des services qu’il fournit au système électrique, mais davantage au niveau de la décarbonation des usages qu’il permet.

Flexibilité et décarbonation

À l’horizon 2050, une conjonction des deux semble émerger. « Dans une de ses notes, RTE indiquait ainsi que ce n’est pas spécialement le besoin de flexibilité du système électrique mais surtout le besoin de décarbonation des autres secteurs qui était le moteur de l’hydrogène », précise le chef de projet d’Artelys. Le développement vertueux de l’électrolyse peut enfin poser un certain nombre de questions, notamment au regard du principe d’additionnalité. Contenu dans la directive sur les EnR (RED II), celui-ci indique que l’électricité destinée aux électrolyseurs doit provenir de capacités EnR supplémentaires afin de ne pas impacter négativement le bilan carbone global par une augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre. « Il faut réussir à coordonner les stratégies de développement des EnR et des électrolyseurs pour ne pas avoir d’effets néfastes au niveau européen », conclut Christopher Andrey.

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