Les diamants, semi-conducteurs de luxe pour l’instant
Si le silicium est aujourd’hui la star des semi-conducteurs, le diamant pourrait bien le remplacer dans les prochaines décennies. Avec des capacités électroniques et thermiques supérieures, cette substitution offre de nombreuses possibilités dans le transport d’électricité, la bionique ou l’aéronautique. Du moins, si le coût de ce matériau baisse.
L’une des difficultés majeures des technologies de transition énergétique est leur coût souvent élevé, notamment dû au recours à des matériaux et métaux rares. Dans ce cadre, l’utilisation du diamant, matériau au prix excessivement élevé, pourrait être jugé rédhibitoire. Ce n’est pourtant pas l’avis d’Étienne Gheeraert, professeur à l’université Grenoble Alpes et chercheur à l’institut Néel du CNRS.
Ce dernier a reçu le prix Étoile de l’Europe pour le projet GreenDiamond. L’objectif : remplacer les semi-conducteurs à base de silicium d’un convertisseur par du diamant pour réduire les pertes d’énergie lors du transport d’électricité depuis des parcs éoliens offshore. « L’idée du projet européen GreenDiamond est de réduire au maximum les pertes du transport d’énergie », déclare Étienne Gheeraert. Pour les applications électroniques de puissance, l’un des facteurs les plus importants est le champ de claquage du matériau. Dans le cas du silicium il équivaut à 300 000 V/cm, ce qui est assez faible. Le diamant de son côté est à 10 MV/cm.
« Concrètement, pour tenir une tension de 1 000 V, un convertisseur aura besoin d’une couche de 100 microns, qui entraîne une résistance importante, contre 1 micron pour le diamant, illustre le chercheur. Avec ce changement, on estime pouvoir réduire par quatre les pertes d’énergies. » Ainsi, sur la liaison France-Angleterre d’environ 2 GW, il serait possible de réduire les pertes actuelles de 20 MW, soit 1 %, à 5 MW. Des applications sur la production d’hydrogène sont aussi envisageables, car elles nécessitent de grandes quantités d’énergie.
Une aide pour la mobilité électrique
Les avantages liés aux propriétés physiques ne s’arrêtent pourtant pas là. En effet, à puissance équivalente mais avec une taille réduite, ce cristal offre de nouvelles voies pour des applications en bionique et dans les transports. « Le poids étant l’ennemi numéro 1 dans la conception de véhicules, ce paramètre peut être très intéressant », poursuit Étienne Gheeraert.
Si la baisse du poids est impliquée par des volumes moins grands de matériaux, la résistance aux températures élevées est aussi un argument de taille dans ces applications. « Au-delà de 150°C, les propriétés de silicium changent et ne sont plus optimales. Le diamant peut de son côté facilement monter à 300°C. » De ce fait, dans des milieux contraints, les avantages du cristal sont démultipliés.
Là où un convertisseur au silicium nécessite un système de refroidissement complexe, le diamant propose des solutions plus simples et plus légères. « On peut imaginer, dans le cas de l’électrification d’avions, passer de convertisseur de 400 kg à 50 kg, ce qui serait un gain énorme », salue le scientifique.
Un cours à changer
Reste alors la question du coût de cette pierre précieuse. « Pourquoi le diamant est-il si cher ? Parce qu’il n’est pas régi par la loi de l’offre et de la demande, contrairement à la grande majorité des matériaux technologiques », explique Étienne Gheeraert. Pourtant, depuis les années 1970, le coût réel de fabrication de diamants synthétiques est relativement faible, grâce à des machines permettant de les créer à basses pression et température.
« Actuellement le cours du diamant est ajusté par les joailliers en fonction de la demande. Et pour l’instant, nous sommes calés sur ces prix. Nous espérons que prochainement, il y aura une séparation des cours entre les diamants à usage technologiques et ceux utilisés classiquement », conclut-il.