La COP27 tente de réparer les conséquences sans s’attaquer aux causes

05 12 2022
Olivier Mary
Parlement européen

La 27e édition de la Conférence des parties s’est terminée le dimanche 20 novembre. Les discussions ont avancé autour de la question des pertes et dommages, et l’accord fait toujours référence à l’objectif des 1,5 °C, mais sans stratégie pour y parvenir. L’abandon des énergies fossiles, pourtant l’une des principales causes du dérèglement climatique, n’est toujours pas mentionné.

Coca-Cola, Egypt’Air, Microsoft, BNP Paribas, General Motors… Voici quelques-uns des sponsors qui ont financé l’organisation de la COP27 qui s’est déroulée du 6 au 20 novembre à Charm el-Cheikh (Egypte). La présence de ces entreprises très polluantes, venues verdir leur image (voire faire du lobbying) dans un évènement censé lutter contre la crise climatique, n’a pas manqué de susciter la polémique. L’opportunité d’organiser cette COP en Égypte, un des principaux exportateurs de gaz vers l’Europe et dont les autorités sont peu respectueuses des droits humains, a aussi fait débat… Cependant, malgré les controverses, cette édition s’est passée un peu comme prévu avec ses progrès, ses statu quo, ses déceptions, mais aussi ses interminables négociations débouchant sur les traditionnelles prolongations jusqu’au petit matin du dimanche, soit deux jours après la clôture initialement prévue.

Des avancées sur les pertes et dommages

« Le grand enjeu de cette COP27 était la question des pertes et dommages, un mécanisme d’aide financière pour compenser les dégâts du changement climatique. Le fait que ce thème était officiellement à l’agenda était déjà une avancée majeure pour les pays du Sud car c’est une vieille revendication de leur part », explique François Gemenne, directeur de l’Observatoire Hugo de l’Université de Liège et co-directeur de l’Observatoire défense et climat*. Et, cette avancée s’est confirmée lors de ces deux semaines de pourparlers. Les pays industrialisés ont reconnu formellement la nécessité de dédommager les pays vulnérables pour les dommages qu’ils subissent et vont subir, alors qu’ils n’en sont pas responsables. L’Union européenne a accepté ce principe sous conditions, notamment que cette aide soit réservée aux plus vulnérables et qu’elle soit financée par une base de contributeurs élargie. L’UE vise notamment les pays émergents disposant de moyens conséquents, et en particulier la Chine et les États pétroliers arabes. Elle a été soutenue par les États-Unis sur ce point. « Mais pour autant, tout reste à négocier : l’évaluation des coûts tangibles et intangibles, le mode de financement, les bénéficiaires et la répartition des fonds », prévient François Gemenne.

Un nouveau chapitre des négociations va donc s’ouvrir sur ce thème en complément des discussions en cours depuis des années sur l’atténuation et l’adaptation. Pour accélérer sur ce point, le président Emmanuel Macron souhaite organiser un sommet des donateurs en juin 2023 à Paris en collaboration avec Mia Motley, la Première ministre de la Barbade. « Il s’agit de changer nos règles, les règles de nos grandes banques internationales, de nos banques de développement, du FMI, de la Banque mondiale et de nos grands prêteurs, en disant que ce qu’on vous demande sur la dette, les remboursements et les garanties quand vous êtes victime d’un accident climatique, on doit en quelque sorte le suspendre et le prendre en compte. C’est ça le sujet des pertes et préjudices », a déclaré Emmanuel Macron à l’intention des pays du Sud.

Des sommes importantes à mobiliser

Environ 340 millions d’euros de promesses de financement pour les pertes et dommages ont été recueillies. Cette somme peut sembler dérisoire : « au premier semestre de cette année, six entreprises des énergies fossiles ont gagné plus d’argent que nécessaire pour couvrir les coûts des dégâts climatiques majeurs dans les pays en développement, avec près de 70 milliards de dollars de bénéfices », a lancé à la tribune Gaston Browne, le premier ministre d’Antigua-et-Barbuda. « Il est temps que ces entreprises paient une taxe carbone mondiale sur ces profits pour financer les pertes et préjudices », a-t-il ajouté au nom de l’Alliance des petits États insulaires (Aosis). Les coûts liés aux évènements météorologiques extrêmes atteignent déjà plus de 200 Md$ dans le monde cette année.

Ces annonces, plutôt positives, arriveront-elles à restaurer la confiance entre les pays riches et ceux en développement ? Elle semble encore loin d’être acquise car les premiers n’ont toujours pas fourni les 100 Md$ par an qu’ils avaient promis aux seconds lors de la COP de Copenhague en 2009. Ce fonds vert, destiné à l’adaptation au dérèglement climatique et à la réduction des émissions des pays du Sud, progresse. Mais encore trop lentement. Selon les derniers chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), seulement 83,3 Md$ ont été rassemblés cette année, dont une large partie sous la forme de prêts. Un aspect qui a été fortement critiqué par les pays bénéficiaires, qui voient le niveau de leurs dettes augmenter.

L’objectif des 1,5 °C amoindri

Les petits États insulaires ont également milité pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement global d’ici la fin du siècle car ils estiment qu’à 2 °C, certains de leurs territoires seront définitivement submergés. Ils ont été soutenus par l’Europe, pour laquelle abandonner le seuil des 1,5 °C est un encouragement à l’inaction. Mais cet objectif est de plus en plus critiqué. Les pays producteurs d’hydrocarbures et les pays émergents considèrent notamment qu’il handicape leurs économies. Et, ils ne sont pas seuls à le fustiger.

Plus d’un millier de scientifiques ont affirmé sans détour que l’objectif de 1,5°C était désormais impossible à atteindre. « Il n’existe pas de trajectoire crédible pour atteindre 1,5 °C et il est urgent de le dire clairement au monde », ont-ils conclu dans une lettre ouverte publiée par le collectif Scientist Rebellion en amont de la COP. Ces chercheurs estiment que ce but n’étant pas tenable, il serait préférable de dire la vérité aux citoyens car cela pourrait créer un sentiment de désillusion et l’impression d’avoir été trompé par la communauté internationale sur sa faisabilité. Malgré ces doutes, les 1,5 °C ont été maintenus, mais très affaiblis. Durant les dernières heures de négociation, ce chiffre a été relégué à la section « science », alors qu’il était mentionné aux côtés des solutions à la crise climatique dans la section « atténuation », bien plus importante et entérinée dans le Pacte de Glasgow l’année dernière. En outre, les pistes et les stratégies pour y parvenir sont absentes.

Pas d'accord sur la sortie des fossiles

Les gouvernements ont seulement été invités à réexaminer et à renforcer les objectifs fixés pour 2030 dans leurs plans nationaux pour le climat d’ici la fin de 2023. Ils ont également été encouragés à accélérer leurs efforts pour réduire progressivement l’énergie produite à partir du charbon et à supprimer les subventions inefficaces accordées aux combustibles fossiles. L’accord conclu lors de cette COP ne fait rien pour s’attaquer de manière frontale à ces combustibles. Une coalition s’est pourtant formée pour la sortie des énergies fossiles mais cette ambition n’a pas abouti. Les pays ne sont même pas parvenus à se mettre d’accord sur une formulation appelant à l’élimination progressive du pétrole et du gaz, dans le prolongement de l’appel lancé sur le charbon lors de la COP26 à Glasgow. Un appel qui commence pour sa part à être entendu.

En marge de la conférence, un accord de 20 Md$ a été signé pour aider l’Indonésie à abandonner le charbon. Des accords similaires sont en préparation pour le Vietnam et le Sénégal. Cependant, d’autres signaux sont plus inquiétants. Le texte final mentionne les énergies « à faibles émissions » aux côtés des renouvelables comme sources d’énergie d’avenir. Les ONG redoutent que ce terme flou soit utilisé pour justifier le développement de nouveaux projets fossiles comme des centrales gaz. Tous ces points seront à nouveau âprement discutés lors de la COP28, qui se tiendra l’année prochaine à Dubaï. Mais les ONG doutent beaucoup de sa réussite. Selon The Guardian, sur les 636 lobbyistes spécialisés dans les combustibles fossiles qui ont parcouru les travées ultra-climatisées de la manifestation, 70 étaient associés à des sociétés pétrolières et gazières des Émirats arabes unis.

* Propos recueillis lors d'une conférence de l'Iris intitulée : Les États insulaires face aux changements climatiques : restitutions d'études et retours de la COP27

 

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