FenHyx, une plateforme R&D pour tester l’hydrogène à grande échelle

15 12 2021
Simon Philippe
Simon PHILIPPE
La plateforme technologique coûte 4 millions d’euros, dont 400 000 ont été fournis par la région Îlede- France.

Si l’hydrogène doit devenir une clef de voute de la transition écologique, il lui faut des infrastructures sûres et compétitives. Pour arriver à ce résultat, GRTgaz a inauguré FenHyx le 23 novembre 2021, une nouvelle installation, située à Alfortville, qui a pour but de tester l’injection d’hydrogène dans les réseaux gaziers existants.

L’hydrogène va nous aider à relever trois défis majeurs », estime Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz. Le premier et plus évident : un enjeu climatique, notamment avec « la décarbonation d’un certain nombre de process dans l’industrie ou la mobilité lourdes ». Ensuite, il servira à relever « un défi économique », en créant une filière industrielle française, ou plus largement européenne. Finalement, il permettra de se maintenir dans une souveraineté énergétique, « en baissant la dépendance aux hydrocarbures et en équilibrant le système électrique ». Pour tenir toutes ces promesses, l’hydrogène a besoin d’une infrastructure fi able et viable. C’est tout l’enjeu de la plateforme FenHyx, pour Future energy network for hydrogen and mix.

Deux ans après sa création par GRTgaz, le centre de recherche et développement dédié au gaz renouvelables Rice (Research & innovation center for energy) prend de l’ampleur avec ce nouveau projet. L’objectif : être en capacité de convertir une partie des 32 000 kilomètres de canalisations de GRTgaz pour le transport massif d’hydrogène. « Une partie du réseau sera moins utilisée par le méthane, par exemple, et sera donc libre d’être exploitée pour l’hydrogène pur ou en mélange », continue Thierry Trouvé. En collaboration avec d’autres entités et entreprises européennes, il estime que le réseau hydrogène sera constitué environ au deux tiers par celui existant, reconverti.

FenHyx
©GRTgaz/RICE_JE

Le contexte économique étant favorable, avec le plan hydrogène de septembre 2020 à 7,2 milliards d’euros et l’ajout de 2 Md€ de France 2030, GRTgaz a décidé de se lancer. Un projet à 4 millions d’euros, dont 10 % de subventions de la région Ile-de-France. Concrètement, FenHyx permettra à GRTgaz de comprendre comment adapter les programmes de maintenance et de construction, une fois l’hydrogène intégré dans les canalisations.

« Nos moyens de surveillances actuels, des drones aériens ou des robots dans les canalisations, ne seront peut-être pas adaptés aux mélanges gaz hydrogène. Cela s’applique aussi aux différents composants du circuit : des compteurs, des régulateurs, des compresseurs et de tous les autres équipements de nos installations… Conserveront-ils leurs performances ? », interroge Tanguy Manchec, chargé des activités de recherche et développement autour de ce projet chez Rice. « On ne sait pas du tout ce que l’on va trouver. Il faudra peut-être tout changer, peut-être rien du tout. Une réponse intermédiaire est tout de même bien plus probable. »

Trois bancs opérationnels

« Il y a trois grandes thématiques à investiguer sur les bancs d’essais de FenHyx à Alfortville, détaille Tanguy Manchec. Une première partie est liée à la performance et au cycle de vie des matériaux. » Une enceinte thermique, un banc d’étanchéité et un bras de manoeuvre permettent d’analyser les effets du vieillissement d’un grand nombre d’équipements en jouant sur différents paramètres.

Vannes, robinets, compteurs et autres peuvent être poussés jusqu’à 80 bars dans une plage de température s’étendant de -20°C à 80°C, des conditions représentatives des infrastructures des exploitations gazières. « Les niveaux de gaz peuvent être ajustés jusqu’à 100 % d’hydrogène », complète-t-il.

FenHyx
©GRTgaz RICE/JE

Deuxième grand sujet : la protection contre la corrosion des matériaux. Un banc spécifique est dédié au développement et l’analyse de revêtements de protection des canalisations et à l’analyse du comportement des matériaux polymères, comme le polyéthylène. L’équipement derrière ces tests, un autoclave électrochimique, permet d’effectuer des essais de longue durée, jusqu’à 100 bar.

Enfin une machine de traction de pointe aidera à définir la caractérisation des interactions structurelles entre l’hydrogène et les matériaux des infrastructures. « Elle va soumettre différents échantillons de matière à toutes sortes de tortures, simulant en laboratoire les conditions les plus extrêmes que nous pourrons rencontrer sur les systèmes d’exploitation », décrit Tanguy Manchec. L’hydrogène affectant les propriétés mécaniques de certains matériaux comme l’acier, des essais seront menés avec une force allant jusqu’à 50 kN, dans des atmosphères contrôlées. La machine de traction définira notamment la résistance à des efforts continus ou les propagations de fissures.

Deux programmes lancés avant 2022

Ces postes de recherches permettront d’engager deux séries de tests avant la fin de l’année. Un premier portera sur l’étude du vieillissement d’une quinzaine de vannes et de régulateurs sous un mélange gaz hydrogène. Les équipes souhaitent prioriser les équipements les plus courants, qui passeront les tests en priorité. Notamment pour la machine de traction de pointe, l’un des seuls modules européens existant. D’autre part, un programme pluriannuel visera à développer de nouveaux aciers pour les canalisations de transport hydrogène sous haute pression.

FenHyx
©GRTgaz RICE/JE

Plusieurs partenaires gaziers européens sont engagés dans ces deux axes de recherche. « L’objectif de FenHyx est de réduire le coût de R&D pour GRTgaz, mais aussi pour d’autres opérateurs, en mutualisant les travaux », continue Tanguy Manchec. En effet, les bancs d’essais pourront être utilisés par d’autres entreprises ou entités en fonction de leur disponibilité. De cette manière, GRTgaz estime la rentabilité de son installation sur une dizaine d’années.

Sans compter les apports indirects que les recherches apporteront. Le 9 novembre 2021, le comité stratégique de filière des nouveaux systèmes énergétiques a rendu une étude permettant d’appréhender l’intérêt d’une infrastructure à hydrogène sur la compétitivité de ce gaz. En cas de massification des capacités de production, un réseau reliant les bassins industriels permettrait de réduire le coût de l’hydrogène livré de 10 % d’ici 2030. Avec des connexions aux infrastructures européennes, ce coût serait abaissé de 32 % d’ici 2040.

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