Flexibilité locale : de l’expérimentation au concret

15 02 2021
Clément Cygler
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Outre le stockage de l’énergie, les flexibilités locales sont aujourd’hui une des solutions privilégiées pour optimiser la gestion du réseau électrique. Avec à la clé des gains financiers significatifs, en particulier pour la collectivité.

Gestionnaires de réseau, acteurs du marché, institutionnels, collectivités territoriales et consommateurs s’intéressent de plus en plus aux bénéfices des flexibilités locales. Celles-ci devraient davantage être activées dans la décennie à venir. « Au vu des ambitieux objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), les enjeux de flexibilité, tant au niveau local que national, sont importants », indique Patricia Sidat, chef de projets Énergie à l’Ademe. 4,5 GW d’effacement électrique en 2023, et 6,5 GW en 2028, sont attendus, contre actuellement 3 GW (dont 80 % opérés par des acteurs spécialisés). Les projets et les expérimentations devraient ainsi se multiplier sur l’ensemble du territoire. D’autant plus que les opportunités existent ! En 2017, une étude de l’Ademe avait ainsi quantifié le gisement technique par modulation de process (effacement de courte durée) entre 6,5 et 9,5 GW. L’industrie en porte les trois quarts, en particulier les secteurs de la chimie, la métallurgie et l’industrie du papier.
Au niveau réglementaire, le cadre légal des flexibilités pour le réseau électrique est en pleine évolution. En cours de transposition, le Clean Energy Package de la directive européenne sur le marché de l’électricité de 2019 devrait fixer certaines bases. Un article précise notamment que « tous les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) doivent pouvoir se procurer des flexibilités au travers d’appel au marché », pointe Thomas Kuhn, expert Mécanismes de flexibilité chez Enedis.

Limitation ponctuelle de puissance

En accord avec toutes les parties prenantes (EDF, Commission de régulation de l’énergie, RTE), Enedis a souhaité anticiper l’implémentation du Clean Energy Package et expérimente déjà plusieurs mécanismes de flexibilité locale, notamment par appel au marché. « Pour nous, c’est un nouveau levier pour optimiser la conception et l’exploitation du réseau. En cas de congestion identifié et au lieu de renforcer le réseau, le problème va être traité différemment, en faisant appel aux clients du réseau pour qu’ils adaptent leurs consommations ou leurs injections afin de résorber ponctuellement la contrainte », explique Hubert Dupin, chef de projets Flexibilité à la direction technique d’Enedis. En fonction des modes de contractualisation et d’activation ainsi que des objectifs appelés cas d’usage, se déclinent différents mécanismes de flexibilité.
Un des premiers cas d’usage est l’offre de raccordement alternative ou intelligente (ORI). Le principe est assez simple : en acceptant de flexibiliser sa production, c’est-à-dire de l’effacer ponctuellement en cas de congestion, le producteur peut bénéficier d’un raccordement plus rapide et moins cher puisque Enedis va éviter des travaux de renforcement de réseau. Après plusieurs expérimentations convaincantes menées auprès de producteurs et consommateurs HTA depuis 2017, Enedis souhaite désormais “industrialiser” ce type de mécanisme. « L’arrêté relatif aux offres de raccordement alternatives devrait prochainement être publié et nous permettre enfin d’établir des offres. L’objectif est donc de réussir à contractualiser les premiers ORI d’ici la fin de l’année », espère Hubert Dupin.

Un meilleur optimum économique

Autre cas usage et gisement important de flexibilité, l’optimisation des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR). Le projet Reflex vise à faciliter et accélérer le raccordement d’énergies renouvelables au réseau de distribution, en augmentant les capacités d’accueil des postes sources existants. Aujourd’hui, les producteurs sont raccordés à leur puissance installée, mais selon les données, cette puissance installée n’est utilisée que de rares heures par an. Un autre optimum économique consisterait donc à raccorder plus de producteurs sur un même poste source. « En Nouvelle-Aquitaine, on pourrait théoriquement raccorder selon les simulations, 50 % de plus de producteurs, avec une perte de production très marginale estimée à 0,06 %, détaille Hubert Dupin, ce sont surtout des économies significatives réalisées par la collectivité, environ 30 % du capex. » Au regard de la PPE et des S3REnR, il faudrait investir environ 825 millions d’euros dans le réseau d’ici 2035, et seulement 575 M€ en intégrant les mécanismes du projet Reflex. Pour tester ce nouvel équilibre technico-économique, deux zones expérimentales – une dans les Landes et une dans la Somme – pourront faire l’objet d’appel au marché dès 2021.

 

Isola 2000, station expérimentale de flexibilité locale
Après un important travail de préparation et de concertation réalisé en amont, Enedis a lancé en juin 2020 des appels d’offres de flexibilité locale par appel au marché. Cinq zones avaient été identifiées comme propices. Seulement deux lauréats ayant répondu à la même consultation, celle correspondant au territoire de la station de ski Isola 2000 dans les Alpes maritimes, ont été retenus en octobre 2020. Le projet, baptisé Flex Mountain, vise à garantir une sécurité de l’alimentation électrique en faisant appel à deux acteurs de l’écosystème local. Moyennant rémunération, la société d’Économie Mixte des Cimes du Mercantour qui gère le domaine skiable d’Isola 2000 et notamment la production de neige artificielle, et EAS Industrie, une société chargée de la gestion de chauffage collectif, se sont engagées à effacer leurs consommations pour résorber au plus vite et au meilleur coût les coupures électriques en cas d’incidents sur le réseau. Signés pour un an renouvelable deux fois, ces contrats doivent mettre à disposition d’Enedis jusqu’à 3,6 MW de flexibilité pendant deux heures.

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