Émissions de CO2 : une baisse largement insuffisante pour respecter l’Accord de Paris
Si les émissions mondiales de CO2 ont globalement diminué depuis 2016, cette baisse est très loin d’être suffisante pour être sur la trajectoire permettant de maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C d’ici 2100. Une nouvelle étude de l’European Climate Fondation vient encore de le confirmer.
Le taux de réduction des émissions de CO2 issues des énergies fossiles au niveau mondial doit être multiplié par dix pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Telle est l’une des conclusions de l’étude du 3 mars, publiée dans la revue scientifique Nature Climate Change. Des chercheurs du Global Carbon Project et des universités d’East Anglia (UEA) et de Stanford ont en effet réalisé un bilan de ces émissions depuis 2015. Entre 2016 et 2019, 64 pays ont ainsi réduit leurs rejets de CO2 issues des énergies fossiles, aboutissant à une réduction mondiale de 0,16 milliard de tonnes par an en moyenne. Les 36 pays les plus riches, dont fait partie la France, sont par ailleurs à l’origine de 35 % de ces émissions en 2019. Sur ces 36 États, 25 ont enregistré une diminution moyenne de -0,8 % par an entre 2016 et 2019 par rapport à 2011-2015. « Les efforts déployés par les pays pour réduire les émissions de CO2 depuis l’accord de Paris commencent à porter leurs fruits, mais les actions ne sont pas encore à une échelle suffisamment grande », estime Corinne Le Quéré, professeur à l’UEA et présidente du Haut conseil pour le climat. Les diminutions annuelles moyennes depuis 2015 ne représentent ainsi que 10 % des un à deux milliards tonnes de réduction de CO2 nécessaires chaque année au niveau mondial pour lutter contre le changement climatique.
Un rebond attendu ?
Et ce n’est pas la pandémie de Covid-19 qui permettra d’atteindre de tels niveaux de réduction. Car si sous l’effet du contexte sanitaire, les émissions mondiales ont enregistré leur plus importante baisse, estimée à 7 %, les plans de relance pour soutenir les nombreux secteurs en crise risquent de créer un rebond des émissions de CO2. Pour l’instant, seuls le Danemark, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou encore la Suisse ont mis en oeuvre des plans de relance verts à peu près en cohérence avec leurs objectifs climatiques. Mais pour la majorité des autres pays, notamment les États-Unis et la Chine, les investissements annoncés continuent d’être dominés par les combustibles fossiles. Pourtant, « il est dans l’intérêt de tous et de toutes de mieux reconstruire notre économie pour accélérer la transition vers une énergie propre », indique Corinne Le Quéré. Les plans de relance post Covid auraient été une bonne opportunité pour changer le cours des émissions mondiales et flécher les investissements vers des infrastructures vertes.
Les entreprises du CAC 40 pointées du doigt
Dans le rapport “Climat : CAC degrés de trop”, publié fin février Oxfam France met en lumière l’empreinte carbone bien trop importante des plus grandes entreprises françaises. Celle-ci s’élève à 4,1 tonnes de CO2 à chaque fois qu’elles réalisent 1 000 euros de chiffre d’affaires, soit à peu près deux fois ce qu’un Français devrait émettre par an. Selon les auteurs, « les entreprises du CAC 40 sont sur une trajectoire nous conduisant vers un réchauffement climatique de + 3,5°C d’ici 2100, une température bien au-delà de l’objectif de + 1,5°C inscrit dans l’Accord de Paris ». Sur les 35 entreprises analysées, seulement trois – EDF, Schneider Electric, Legrand – ont à ce jour une empreinte carbone et des engagements susceptibles de les faire rester dans une trajectoire compatible avec un réchauffement inférieur à + 2°C. 22 entreprises ont une trajectoire associée à un réchauffement entre + 2°C et + 4°C, et 10 sont sur une trajectoire climatique supérieure à 4°C.