Concilier éolien offshore et biodiversité, un défi surmontable
Un rapport du Conseil national de protection de la nature (CNPN) alerte sur les potentiels impacts de l’éolien sur la biodiversité marine. Accommoder les besoins de cette énergie propre et la sauvegarde de l’environnement est possible, à condition de bien s’y préparer.
D’ici la fin de la décennie, l’éolien en mer devrait devenir l’un des piliers de la production d’énergie renouvelable en France. Comme l’a récemment présenté le Réseau de transport d’électricité (RTE) dans ses « Futurs énergétiques 2050 », la part de l’éolien offshore dans le mix énergétique français ne va cesser d’augmenter dans les années à venir. En effet, les scénarios envisagés par le RTE prévoient une production d’électricité de l’éolien en mer comprise entre 20 GW, pour le plus réservé, et 60 GW pour le plus optimiste à l’horizon 2050, contre 0 GW aujourd’hui.
L’éolien offshore entre donc dans une phase d’accélération, comme le souligne Matthieu Monnier, adjoint au délégué général de l’association France énergie éolienne (FEE) : « On est en train de poser les jalons d’un décollage de la filière à venir. Elle a été rendue nécessaire par les objectifs de décarbonation, de nouveau mis en avant par les scénarios Futurs énergétiques 2050 du RTE, où l’éolien en mer occupera une part importante. » Pour l’instant, quatre parcs maritimes au large de Saint-Nazaire, Courseulles-sur-Mer, Fécamp et Saint-Brieuc doivent accueillir des éoliennes d’ici 2023 au plus tard. Au total, 277 éoliennes seront installées sur une surface de plus de 250 km² au large des côtes françaises, pour une puissance de 1 930 MW.
Les recommandations du rapport du CNPN
C’est dans ce contexte de fort développement que le CNPN a publié une autosaisine sur l’impact de l’éolien offshore sur la biodiversité marine. Dans ce rapport détaillé, le CNPN établit une liste de recommandations pour pouvoir accorder éolien en mer et préservation de l’écosystème marin. « Les connaissances des impacts potentiels [de l’éolien offshore] restent très partielles et un volet d’études important est nécessaire pour mieux appréhender les particularités des trois façades maritimes françaises », alerte tout d’abord le conseil composé de chercheurs et d’experts sur l’écologie marine.
Celui-ci insiste sur le « E » de la démarche nationale ERC (Éviter Réduire Compenser) introduite en France en 1976 et mise à jour en 2016, qui demanderait dans ce cas en une absence nette de perte de biodiversité. Aussi, pour protéger les espèces d’oiseaux et de poissons concernés, le CNPN recommande le développement d’éoliennes flottantes, dont les travaux d’installation sont moins importants que ceux d’éoliennes posées en mer. Le Conseil propose également que soit renforcé le suivi des animaux marins. Il est aujourd’hui très difficile de dénombrer les espèces affectées par l’installation et l’utilisation d’éoliennes en mer. Plutôt que de remettre en cause l’aménagement de ces parcs dans les mers françaises, le rapport pointe du doigt le manque d’études préalables sur les effets de ceux-ci sur la biodiversité marine. « Ce rapport a le mérite de poser la question de la conciliation du développement d’une filière renouvelable avec des enjeux de reconquête de biodiversité », précise Matthieu Monnier.
Effet récif bénéfique
Pourtant, il semblerait que l’installation d’une éolienne en mer puisse parfois avoir des effets bénéfiques sur la biodiversité marine. « On a un changement dans les écosystèmes, du fait de l’apparition de ces structures, évidemment, indique le délégué général de la FEE. On observe plutôt un effet bénéfique, lié à l’effet récif, qui est assez connu, et à la reconstitution du milieu, notamment du point de vue des ressources halieutiques et de la biodiversité marine. » En effet, une étude récente menée par le CNRS et l’Ifremer démontre l’existence d’effets positifs sur la biodiversité de la construction d’éoliennes offshores, après les perturbations provoquées par l’installation de celles-ci.
À l’aune de ce rapport, Jean Castex a annoncé le 28 août dernier un nouveau programme d’étude consacré aux environnements marins. Il servira entre autres à « mettre à disposition toute la synthèse des connaissances scientifiques disponibles sur les effets des parcs éoliens en mer sur la biodiversité ». Ce programme comprendra également la création d’un nouvel observatoire national de l’éolien en mer.