Véhicule autonome : une impasse écologique ?
Le véhicule autonome est présenté par les constructeurs et les pouvoirs publics comme le futur de la mobilité motorisée, que ce soit en termes de sécurité, de services et d’écologie. Mais, selon une étude réalisée par le think tank Fabrique écologique, il ne serait pas si vertueux et demanderait des investissements très importants.
En décembre dernier, le Gouvernement dévoilait sa feuille de route 2021-2022 pour le véhicule autonome. Elle comporte une trentaine d’actions pour faire de la France une championne des expérimentations autour de ce sujet d’ici 2025. Le véhicule autonome en est toujours à ses débuts et ne sera pas opérationnel avant le milieu du siècle. Pour en arriver là, il faudra massivement investir. Une étude du cabinet The Brookings Institution estime qu’entre 2015 et 2017, 80 milliards de dollars ont déjà été engagés pour le développer, essentiellement en R&D. Si ces sommes sont déboursées en majorité par des acteurs privés, le coût de déploiement des infrastructures nécessaires à la circulation de ces véhicules (marquage au sol, panneaux de signalisation, équipement numérique, aménagement de voies séparées, etc.) devrait incomber aux États et aux collectivités.
Or selon une étude menée par la Fabrique écologique à la demande du Forum Vies Mobiles, cette dépense publique serait bien malvenue d’un point de vue écologique, n’en déplaise aux constructeurs qui y voient une solution intéressante d’un point de vue sécuritaire et environnemental. Pour en arriver à cette conclusion, une revue de littérature sur une quarantaine d’études a été réalisée.
Plus de demande d’énergie
La consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES) est en effet une priorité dans le secteur des transports. Les promoteurs du véhicule autonomes mettent donc en avant son efficacité accrue, une conduite plus sobre, la réduction du poids liée à la suppression d’éléments de sécurité dans la carrosserie ainsi que la complémentarité de ces véhicules avec les transports en commun. Des arguments réfutés par la Fabrique écologique : « De nombreuses études estiment que ces véhicules pourraient au contraire consommer plus. En effet, leur poids devra être élevé à cause des équipements présents à bord (capteurs, caméras, etc.). C’est d’ailleurs un phénomène avéré depuis des décennies », explique Jill Madelenat, chargée d’études à la Fabrique écologique et co-autrice de l’étude. En effet, entre 1990 et 2010, le poids moyen des voitures particulières vendues en Europe est passé de 1 020 kg à 1 380 kg. L’utilisation de données en temps réel entrainera également des consommations supplémentaires dans les centres de données. L’étude craint aussi une augmentation de la part modale de la voiture au détriment des transports en commun et une hausse des distances parcourues. Les conducteurs pouvant avoir envie de s’éloigner encore plus de leurs lieux de travail. Enfin, la construction d’infrastructures routières adéquates sera une source d’utilisation de métaux et de production de nombreux déchets.
Trois scénarios étudiés
Pour analyser plus finement l’impact écologique du véhicule autonome, trois scénarios ont été étudiés : une mobilité individuelle avec des voitures à usage privé porté par les constructeurs automobiles ; une mobilité à la demande s’appuyant sur des flottes de robots-taxis, soutenue par les acteurs du numérique ; une mobilité collective avec des navettes autonomes, encouragé par les pouvoirs publics. « Si les résultats sont très différents selon les scenarios et les hypothèses, nous notons deux constantes : les hausses de consommation d’énergie sont systématiquement plus importantes (jusqu’à 200 %) que les baisses. Le seul scénario qui présente des réductions probables est celui de la mobilité collective autonome », révèle Jill Madelenat. Ces véhicules seraient donc loin d’être la solution miracle pour atteindre la neutralité carbone en 2050.