Un nouveau rapport du Giec plus alarmiste

22 09 2021
Olivier Mary
John Weller
Quels que soient les rejets de GES à venir, les glaciers polaires et de montagne continueront à fondre pendant des décennies ou des siècles.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié cet été le premier volet de son sixième cycle d’évaluation. Aucun des scénarios identifiés par les scientifiques ne permet de contenir les températures sous la barre des 1,5°C. Ce chiffre sera dépassé bien avant 2100. En effet, depuis le dernier rapport paru en 2014, la planète a connu un réchauffement sans précédent que rien ne semble pouvoir enrayer.

Malgré les avertissements constants des scientifiques depuis trois décennies, le réchauffement climatique s’aggrave et les évènements météorologiques extrêmes se multiplient. Il semble désormais illusoire de le maintenir sous la barre des 1,5°C, surtout depuis la publication de la première partie du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Il montre que les émissions de gaz à effet de serre (GES) issues des activités humaines sont déjà responsables d’une augmentation globale de température de 1,1°C depuis 1900. Et le phénomène s’accélère : la température moyenne de la planète a augmenté plus rapidement depuis 1970 qu’à n’importe quelle autre période de cinquante ans au cours des deux derniers millénaires. Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toutes les décennies qui l’ont précédée depuis 1850. À ce rythme, le seuil des 1,5°C devrait être atteint d’ici vingt ans, bien avant la fin du siècle. « Le changement climatique affecte déjà toutes les régions de la Terre, de multiples manières. Les changements que nous vivons augmenteront avec un réchauffement supplémentaire », a déclaré le coprésident du groupe de travail I du Giec, Panmao Zhai. Toutefois, avec une action rapide et de grande ampleur, la situation pourrait être stabilisée.

Des projections inquiétantes

Si le réchauffement dépasse déjà 1°C, les prévisions pour le futur sont inquiétantes. Cinq scénarios ont été élaborés afin de couvrir l’ensemble des possibilités d’évolutions du climat en fonction des rejets globaux de GES (voir encadré). La température de surface mondiale moyenne sur 2081-2100 sera plus élevée de 1,0°C à 1,8°C dans le scénario d’émissions de GES très faibles (SSP1-1.9). Le scénario intermédiaire (SSP2-4.5), qui se base sur les politiques climatiques actuelles, prévoit une hausse de 2,1 °C à 3,5°C et le plus alarmiste (SSP5-8.5) anticipe une élévation de température 3,3°C à 5,7°C si les rejets de GES s’accélèrent. Limiter au maximum l’augmentation des températures sera un enjeu majeur des prochaines décennies. En effet, chaque 0,5°C supplémentaire provoquera des augmentations perceptibles de l’intensité et de la fréquence des vagues de chaleur, des fortes précipitations et des épisodes de sécheresses. À l’échelle mondiale, les précipitations extrêmes devraient s’intensifier d’environ 7 % pour chaque degré de réchauffement planétaire. La proportion de cyclones tropicaux intenses (catégories 4 et 5) devraient aussi augmenter, tout comme les vitesses de vent maximales de ces phénomènes.

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Contribution à l'augmentation de la température de surface mondiale des différents GES selon cinq scénarios

Inégalités régionales

Le réchauffement devrait également être inégal selon les régions. Les zones non tempérées devraient être les plus touchées. Lors des jours les plus chauds, certaines régions des latitudes moyennes et semi-arides ainsi que la zone de mousson d’Amérique du Sud devraient connaître une augmentation des températures supérieures de 1,5 à 2 fois par rapport à la moyenne. En outre, selon les climatologues, il est pratiquement certain que l’Arctique se réchauffera trois fois plus que la moyenne, notamment en hiver. Par conséquent, il sera pratiquement exempt de glace de mer en septembre au moins une fois avant 2050 selon les cinq scénarios considérés dans le rapport.
Certains phénomènes paraissent irréversibles : quels que soient les rejets de GES à venir, les glaciers polaires et de montagne continueront à fondre pendant des décennies ou des siècles. Enfin, la fonte du pergélisol entrainera des pertes de carbone supplémentaires à long terme. Le dégel des glaces contribuera à faire grimper le niveau des océans, qui a déjà crû de 25 centimètres depuis 1900. Par rapport à la période 1995-2014, il s’élèvera de 0,28 cm dans le meilleur des cas, et jusqu’à 1 m dans le pire scénario d’ici la fi n du siècle. Rien qu’en France, le phénomène menacerait 1,4 million de personnes vivant près des littoraux. Les conséquences sur des pays très peuplés et situés en partie en dessous ou proche du niveau de la mer pourraient être catastrophiques. Dès 2050, le Bangladesh pourrait avoir perdu jusqu’à 20% de son territoire selon la Dhaka School of Economics. 50 millions de Bangladais seraient amenés à quitter leur pays. Et si rien n’est fait, le phénomène ne cessera de prendre de l’ampleur : d’ici 2150, la montée des eaux pourrait atteindre 2 m.

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Émissions annuelles futures de CO₂ (à gauche) et de trois autres GES selon cinq scénarios

Réagir vite

« La stabilisation du climat nécessitera des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions de GES et l’atteinte de zéro émission nette de CO2. Limiter d’autres gaz à effet de serre et polluants atmosphériques, en particulier le méthane, pourrait avoir des avantages à la fois pour la santé et le climat », a expliqué Panmao Zhai. Les scientifiques insistent sur l’urgence à réagir et à atteindre la neutralité carbone d’ici trente ans. En effet, en 2019, le volume de CO2 dans l’atmosphère a atteint un niveau jamais enregistré depuis les deux derniers millions d’années. Quant aux concentrations de méthane (CH4) et de protoxyde d’azote (N2O), elles n’ont pas été aussi élevées depuis au moins 800 000 ans. Ce rapport résonne comme un avertissement avant la prochaine conférence des parties qui se déroulera du 1er au 12 novembre à Glasgow. « Notre message à chaque pays, gouvernement, entreprise et communauté est simple : la prochaine décennie sera décisive, alors écoutez la science et assumez votre responsabilité pour parvenir à l’objectif de rester en dessous des 1,5°C. Nous pouvons y arriver si nous couplons objectifs ambitieux et vraies stratégies de long terme pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Nous devons également arrêter le charbon, accélérer le déploiement des véhicules électriques, lutter contre la déforestation et réduire les émissions L’organisation souhaite en outre de méthane », a réagi Alok Sharma, président de cette vingt-sixième édition. Celle-ci s’est donnée pour but de convaincre les parties à viser la neutralité carbone mais aussi à améliorer leurs capacités d’adaptation. L’organisation souhaite en outre mobiliser le secteur de la finance pour atteindre ces deux objectifs.

Cinq scénarios très différents
Ce rapport évalue la réponse climatique à cinq scénarios possibles. Deux d’entre eux reposent sur des émissions de GES élevées et très élevées (SSP3 7.0 et SSP5 8.5). Dans ces scénarios, les rejets de CO2 doublent par rapport aux niveaux actuels respectivement d’ici 2050 ou 2100. Le scénario intermédiaire (SSP2 4.5) prévoit une stabilisation des rejets de GES autour des niveaux actuels jusqu’au milieu du siècle. Enfin, les deux scénarios les plus optimistes envisagent des rejets très faibles et faibles, avec des émissions de CO2 qui diminuent pour atteindre la neutralité carbone aux alentours ou après le milieu du siècle, suivis de niveaux variables d’émissions nettes négatives de CO2 (SSP1 1.9 et SSP1 2.6). Les émissions varient d’un scénario à l’autre en fonction d’hypothèses socio-économiques, des niveaux d’atténuation du changement climatique et, pour les aérosols et les précurseurs de l’ozone autres que le méthane, de l’ampleur des contrôles de la pollution atmosphérique.

 

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