Un développement programmé du stockage d’électricité

15 02 2021
Clément Cygler
PWP/Sperber Aldo/EDF
De nombreux acteurs publics et privés expérimentent des solutions de stockage, comme l’électrolyse et les batteries.

Bien qu’aucun besoin supplémentaire de stockage ne soit réellement identifié à court terme en France métropolitaine, il est indispensable de structurer la filière dès à présent. La montée en puissance des énergies renouvelables jusqu’en 2050 imposera en effet des besoins de stockage et de flexibilité accrus qu’il faut prendre en compte et étudier au plus vite.

Ces dernières années, le sujet du stockage de l’énergie ne cesse de prendre de l’importance. Compte tenu des objectifs environnementaux fixés tant au niveau national qu’européen, il pourrait rapidement devenir un enjeu central de la transition énergétique. La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ou encore les gestionnaires de réseaux (RTE, Enedis) ont lancé des groupes de travail sur le stockage d’électricité. Industriels, collectivités et chercheurs étudient des solutions, pour certaines complexes, via des batteries ou des électrolyseurs. L’émergence de nouvelles filières d’excellence (hydrogène, batteries) en France est ainsi ambitionnée. Un objectif que le Gouvernement n’a pas manqué de rappeler dans la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028. Celle-ci prévoit surtout une montée en puissance assez importante des énergies renouvelables, avec un doublement de la capacité installée (entre 101 et 113 GW) en 2028.

Moins de nucléaire, plus d’EnR

« Si le parc fossile devrait peu évoluer de 8 % en 2018 à 5 % en 2035, les changements majeurs porteront sur le parc nucléaire et les EnR. La part nucléaire va progressivement diminuer et être remplacée par des EnR, en particulier le solaire, l’éolien sur terre et en mer, compte tenu de la relative stabilité de la production hydraulique », indique Coralie Ruffenach, chef du bureau du système électrique, de la programmation et des réseaux à la DGEC (1).
La loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019 a en effet introduit un objectif de 50% de nucléaire maximum dans la production électrique d’ici 2035, contre un peu plus de 70% en 2018. Pour y parvenir, il est prévu de fermer 14 réacteurs d’ici 2035 dont 4 à 6 sur la période de la PPE. Les deux premiers, ceux de Fessenheim ont ainsi été arrêtés en début et milieu d’année 2020. Ce déclassement progressif des moyens nucléaires pilotables, et en parallèle la montée en puissance des EnR électriques de nature peu programmables, vont faire apparaître de nouveaux besoins et poser un certain nombre de challenges. Néanmoins les analyses prévisionnelles réalisées dans le cadre de la PPE, notamment par RTE, font état que les sources de flexibilité actuelles du système électrique, en premier lieu l’hydraulique et les stations de transfert d’énergie par pompage (Step), devraient s’avérer suffisantes pour relever les défis liés au développement des EnR jusqu’à l’horizon 2030-2035. « Il faut en outre souligner que ce constat sur les flexibilités et le stockage n’est valable que pour la France métropolitaine et continentale, ce qui n’est plus le cas pour les zones non interconnectées (ZNI) dans lesquelles les besoins de stockage sont déjà existants aujourd’hui, précise Coralie Ruffenach. Dans tous les cas, il est nécessaire de préparer l’avenir. »

Des besoins accrus en 2050

S’il n’y a pas de besoins clairement identifiés d’ici 2030-2035, ce n’est pas le cas à plus long terme. Au-delà, indépendamment du mix électrique choisi, un besoin de stockage accru, infra-journalier comme intersaisonnier est identifié. Plusieurs études prospectives de long terme ont été réalisées (voir page 18) ou sont en cours afin quantifier ce besoin. Dans le cadre de l’élaboration de son bilan prévisionnel long terme, RTE étudie plusieurs scénarios à horizon 2050, avec une part de la production EnR comprise entre 50 % et 85 % du mix énergétique. Une fois ces différents scénarios modélisés très finement, les besoins de stockage et de flexibilité nécessaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement seront quantifiés dans ce bilan provisionnel.
 

step
© Lortscher Philippe / EDF

Mandaté par le ministère, RTE a également réalisé une étude en partenariat avec l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur la faisabilité technique d’un mix électrique avec une part importante d’EnR. Dans ses principales conclusions apparaît un besoin accru de flexibilité et de stockage dans le cas d’un mix électrique avec une part supérieure à 50% d’EnR. « La sécurité d’alimentation en électricité peut être garantie, même dans un système reposant en majorité sur des énergies à profil de production variable comme l’éolien et le photovoltaïque, si les sources de flexibilité sont développées de manière importante, notamment le pilotage de la demande, le stockage à grande échelle, les centrales de pointe, ainsi que des réseaux de transport d’interconnexion transfrontalière bien développés », souligne le rapport.

Coûts et services rendus

Mais quelles seront les sources de flexibilité (stockage, effacement, pilotage…) ou encore les technologies de stockage (Step, batterie, hydrogène…) à privilégier ? « La ligne des pouvoirs publics sera de prévoir du soutien dédié quand le besoin apparaitra. Les solutions les plus compétitives pour le besoin identifié et les services rendus seront privilégiées », détaille Coralie Ruffenach. La filière doit dès à présent se structurer, d’autant plus qu’un besoin de stockage important est déjà présent dans les ZNI.
Sur ces territoires, plusieurs mécanismes de soutien dédiés au stockage ont été mis en place, notamment des appels d’offres pour la production PV + stockage. L’instauration d’un guichet dédié au stockage en ZNI en 2018 (et 2019 pour Mayotte) a également permis de retenir plus de 61 MW de projets de stockage pour près de 100 millions d’euros d’aide. En métropole, les mécanismes ne sont toutefois pas encore totalement identifiés. Depuis quelques années, un élargissement des domaines d’intervention du fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE) permet un financement par exemple des installations de stockage en milieu rural lorsque le développement de nouveaux réseaux électriques n’est pas pertinent de par l’isolement du site. Pour le reste, c’est avant tout un soutien ponctuel à des projets pilotes et démonstrateurs, notamment à travers les Programmes des investissements d’avenir (PIA) ou des appels à projets de l’Ademe. Et si certains acteurs demandent la mise en place de nouveaux dispositifs (aide à l’investissement, rémunération complémentaire pour les installations hybrides…), la CRE ne l’encourage pas. « La CRE n’est favorable ni à la mise en œuvre d’un soutien qui bénéficierait au stockage plus qu’à une autre source de flexibilité, ni à un dispositif de soutien ciblant telle ou telle technologie de stockage », indiquait-elle dans un document de réflexion et de proposition publié en septembre 2019.

 

Mesures législatives et réglementaires attendues
Depuis novembre 2019, de nombreuses discussions ont eu lieu afin de savoir si le stockage par batterie était redevable de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). La Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) a pris formellement position en février dernier, dans le cas particulier de Smart Grid Energy, en indiquant que ce stockage n’était pas redevable de la TICFE. « Toutefois, un rescrit douanier n’a de valeur que pour une situation et n’a pas vocation à donner une interprétation générale du droit, nuance Coralie Ruffenach. Mais cela laisse penser que pour d’autres cas, la lecture de la réglementation risque d’être la même. » Par ailleurs, la directive UE (2019/944) concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité est en cours de transposition. Actuellement soumis au Conseil supérieur de l’énergie, ce texte prévoit de nouvelles dispositions pour le stockage, notamment de mettre le raccordement des installations de stockage sur un pied d’égalité avec le raccordement des installations de consommation et de production. Les gestionnaires de réseau ne pourront pas non plus disposer d’actifs de stockage en propre sauf sous certaines conditions dérogatoires définies dans la directive. Enfin, le texte prévoit le raccordement indirect des installations de stockage au réseau électrique.

(1) Les citations sont extraites du webinaire de l’ATEE sur le stockage du 24 novembre 2020

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