Sept scénarios pour imaginer la transition carbone des transports

10 03 2022
Clément Cygler
Viapy/AdobeStock

Amélioration des technologies, mutualisation et massification des transports, recours au report modal, développement de nouveaux préceptes d’aménagement… Selon l’étude « Prospective 2040-2060 des transports et des mobilités » de France Stratégie et du CGEDD , c’est seulement avec un ensemble de solutions que la neutralité carbone pourrait être envisageable dans quelques décennies.

Pour respecter l’objectif de neutralité carbone prôné par de nombreux pays, notamment la France pour 2050, le secteur des transports devra réussir sa transition énergétique en l’espace de quelques décennies. Mais comment parvenir à décarboner ce secteur en pleine croissance et responsable de près d’un tiers des émissions de CO2 en France ? Pour éclaircir le débat, France Stratégie et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ont mené une démarche prospective à horizon 2040- 2060.

« Une des originalités de notre démarche est d’avoir regardé l’empreinte carbone de manière complète, c’est-à-dire pas seulement les émissions directes des moteurs mais aussi l’empreinte écologique des véhicules et des infrastructures, l’effet des avions et des bateaux internationaux ainsi que tous les gaz à effet de serre, précise Alain Sauvant, directeur de l’Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST) et membre permanent du CGEDD. D’un point de vue global, on arrive à deux fois plus d’émissions dans le secteur des transports (290 millions de tonnes de CO2 en 2017) que les seules émissions directes. »

Afin d’illustrer l’approche exploratoire et prospective des mobilités, sept scénarios ont été construits selon deux principaux déterminants : les évolutions technologiques et les comportements. Cinq scénarios sont dits de « forecasting », ils déroulent des avenirs possibles, que ceux-ci soient considérés comme désirables ou non.

Les deux restants sont dits de « backcasting » partant d’un objectif à terme de neutralité carbone complète. « L’objectif de neutralité carbone est extrêmement ambitieux. Selon la Commission européenne, il faut en effet diviser par 10 nos émissions directes dans le secteur du transport d’ici 2050 alors que depuis 1990 nous les avons au contraire augmentées de 10 %. En considérant l’empreinte carbone globale, nous arrivons à la nécessité de diviser ses émissions par un facteur 6 », souligne Dominique Auverlot, membre permanent du CGEDD.

Progrès technologiques et sobriété

Pour les approches de « forecasting », si les scénarios « pire climatique » et « hyper contraint » affichent de piètres résultats environnementaux, économiques et sociaux, celui « ambition de base » assure déjà les deux tiers du chemin avec les trois-quarts des bénéfices liés à la technologie et un quart lié à la sobriété. Cette baisse serait obtenue malgré une forte progression des déplacements, des ménages comme des marchandises (respectivement + 64 % et + 50 % en 2060). Le scénario « poussée de technologie », permet toutefois de s’approcher de la neutralité empreinte (61 MtCO2), et même d’atteindre la neutralité carbone en émission.

Finalement, seuls les scénarios de « backcasting » atteignent par construction la neutralité carbone en empreinte à horizon 2060, c’est-à-dire une émission résiduelle de 51 MtCO2 qui serait compensée par les puits de carbone. « Entre ces deux scénarios tout est possible évidemment. On est très loin de l’idée que la technologie pourra tout résoudre, ou que seule la sobriété répondra à l’enjeu. Un panachage des solutions sera nécessaire pour y parvenir », appuie Pierre- Alain Roche, président de la section mobilités et transports au CGEDD.

7 sénarios
Trois indicateurs de synthèse des évolutions envisagées par les différents scénarios aux échéances 2040 (colonnes de gauche) et 2060 (colonnes de droite). ©CGEDD

Des développements technologiques ont pour la plupart été déjà amorcés mais requièrent encore un déploiement plus rapide. « L’efficacité énergétique des motorisations ne va plus suffire. Il faut donc aller au-delà, en se concentrant sur des technologies et des carburants neutres en carbone. En moins d’une génération, nous devons apprendre à nous passer des hydrocarbures d’origine fossile », insiste Dominique Auverlot.

Cette évolution ne sera également possible qu’avec la mise en place de leviers économiques et réglementaires (interdiction de commercialisation de certaines motorisations, aides financières, normes européennes d’émissions, zones à faibles émissions…). Et si la décarbonation des motorisations est la première des priorités aujourd’hui, les émissions liées à la fabrication et au recyclage des véhicules, ainsi qu’à la mise en place des infrastructures, deviendront également des facteurs essentiels.

Comportement et aménagement

À ces progrès technologiques devra être associée une plus grande sobriété d’usage. « Le point commun des deux scénarios de "backcasting" est qu’il n’y a pas de solution viable sans améliorer la densité des usages des véhicules, de les mutualiser et d’organiser du report modal », a expliqué Pierre-Alain Roche. Il n’est toutefois pas acquis que ces évolutions de comportements d’usage remportent l’adhésion de tous.

Selon l’étude, le système de transport à terme pourrait donc « reposer sur la mise en place de signaux économiques et sur un degré renforcé d’organisation et de coordination, pouvant inclure des restrictions par des instruments d’action publique ». Cet enjeu de sobriété, et plus globalement la transformation du secteur des transports, devra également intégrer la question incontournable de l’aménagement.

Emissions GES transports
Émissions de GES des transports de voyageurs et de marchandises tous modes (terre+air+mer). ©CGEDD

Ce dernier permet de jouer sur les distances et sur la structuration des flux, en réduisant par exemple les écarts géographiques entre les différentes ressources. Le renforcement de la trame urbaine de taille intermédiaire et le développement d’une plus forte attractivité résidentielle des centres urbains sont mis en avant comme facteurs décisifs à long terme pour diminuer les besoins de déplacement.

« Mais attention, la mobilité est en étroite interaction avec des comportements et des pratiques de mobilité. Sur ces cinquante dernières années, la vitesse a remplacé la proximité et l’individu s’est substitué au collectif. C’est une dynamique solidement installée et il faudra réussir à inverser cette tendance », avertit Francis Beaucire, géographe.

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