Paris 2024 : le marathon vert des Jeux
Pour ces Jeux olympiques et paralympiques, Paris 2024 s’est fixé l’objectif de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’édition de Londres en 2012. Un budget carbone a été défini en amont et des actions ont été menées pour diminuer l’impact de tous les postes. Toutefois, le pari semble loupé… la faute en premier lieu aux déplacements internationaux !
Pour la première fois depuis un siècle, la France, et plus particulièrement Paris, va retrouver les Jeux olympiques d’été, tout en organisant ses premiers Jeux paralympiques. Du 26 juillet au 8 septembre, environ 15 000 athlètes provenant de plus de 200 délégations réparties sur les cinq continents y seront présents. Sans oublier les 15 millions de visiteurs et spectateurs attendus dans la capitale et sa région. Mais entre la dernière édition parisienne qui s’est tenue au début du XXe siècle et celle à venir, les priorités ne sont plus seulement sportives. Depuis deux petites décennies, l’impact environnemental est également devenue des enjeux majeurs.
Avec la volonté de se positionner en modèle, la France veut faire de ces Jeux olympiques et paralympiques (JOP2024) « un évènement en ligne avec nos ambitions climatiques », a indiqué Christophe Béchu. « Cela nous offre une opportunité historique de montrer qu’il est possible de conjuguer loisirs, sport et défi climatique. Plus encore, nous avons la possibilité de démontrer que les Jeux olympiques et paralympiques seront un accélérateur de la transition écologique, puisqu’ils laisseront après leur passage un héritage durable pour nos concitoyens », a insisté le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Si au départ, l’accent avait été mis sur la neutralité carbone de l’événement, puis sur des Jeux à contribution positive pour le climat – des affirmations peu crédibles, assimilables à du greenwashing – un objectif plus réaliste mais toujours élevé a été acté. L’Hexagone souhaite diviser au moins par deux les rejets de gaz à effet de serre (GES) de ces Jeux par rapport à l’édition de Londres, en passant de 3,5 millions de tonnes à 1,58 Mt.
Pour y parvenir, de multiples leviers ont été actionnés, notamment en agissant sur tous les postes d’émission et en soutenant des projets d’évitement et de captation carbone. Le comité d’organisation Paris 2024 a surtout voulu avoir une approche innovante : passer d’un bilan carbone post-événement avec des actions de compensation à la définition d’un objectif et d’une stratégie de réduction de l’impact carbone avant les Jeux. En s’appuyant sur une méthode et un outil cumulant aujourd’hui près de 10 000 données, développés par des experts du climat au sein du Comité pour la transformation écologique des Jeux, un budget carbone a été défi ni pour chaque poste émetteur (construction, transports, énergie, restauration, hébergement, etc.). Toutes les émissions directes et indirectes (scopes 1, 2 et 3) ont été prises en compte.
Une stratégie sur tous les postes
Afin de tenir ces différents budgets, la France a pu compter sur quelques atouts ainsi que sur les actions de réductions mises en œuvre. Pour le volet construction, représentant un tiers des émissions, les JOP2024 utiliseront 95 % d’infrastructures temporaires ou existantes pour réduire les émissions de GES liées à la construction de nouveaux sites.
La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) a également mis en œuvre des techniques de construction bas carbone telles que l’utilisation d’ossature en bois, de béton bas carbone et de matériaux recyclés, réduisant les émissions de 30 % par mètre carré construit au village des athlètes. « Sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments, l’impact carbone est réduit de 47 % par rapport à une opération classique », a souligné Paris 2024.
Concernant les déplacements, l’ambition est que 100 % des spectateurs puissent se rendre en transports en commun ou en modes actifs sur les sites de compétitions. Ces derniers seront également accessibles à vélo grâce à 415 kilomètres de pistes cyclables. Un millier de bus bioGNV ou électriques sera ajouté à la flotte actuelle pour compléter les lignes jugées insuffisantes.
Au niveau de l’énergie, Enedis a raccordé les différents sites, temporaires et existants, au réseau d’électricité pour minimiser l’utilisation de groupes électrogènes diesel. EDF s’est par ailleurs engagée à alimenter le réseau en électricité issue de sources renouvelables (solaire et éolienne), réduisant ainsi les émissions carbone de 80 % par rapport au modèle classique de l’événementiel sportif. Enfin, sur les 6 millions de biens et d’équipements, 90 % des actifs utilisés seront déployés et repris par les prestataires et partenaires des Jeux pour leur assurer une seconde vie.
Un risque de dépassement avéré
Pour l’instant, le budget carbone serait respecté. En attendant que l’ensemble des résultats détaillés soit publié à l’automne 2024 avec les données réelles de l’événement, un premier bilan carbone sur la période 2018-2023 a été réalisé. Dans cette période de cinq ans, la préparation des Jeux a généré 476 000 tCO2, dont les trois-quarts sont issus de la construction et rénovation des infrastructures, et un quart des opérations. « L’objectif ambitieux de réduction des émissions carbone des Jeux fixé en 2019 est en voie d’être tenu pour celles liées à la construction et aux opérations, secteurs qui représentent les deux tiers du total des rejets initialement estimés », s’est réjoui Paris 2024.
Si les actions menées sur ces volets ont été louées par de nombreux acteurs, à l’image de Carbon Market Watch et The Shifters, ces derniers s’inquiètent du manque de robustesse de la stratégie déployée. « Le Comité d’organisation prévoit d’“encourager”, de “recommander” ou d’“inviter” les visiteurs à prendre le train, sans expliquer exactement comment il le fera. Les actions étant purement informatives, elles n’auront probablement qu’un impact mineur et difficilement mesurable sur les émissions de GES », estime ainsi Carbon Market Watch dans une récente étude (1).
Un doute existe également sur l’impact carbone pour les visiteurs internationaux qui serait sous-estimé. En utilisant différents scénarios et modélisations à partir des Jeux de Londres 2012, The Shifters ont évalué, dans un rapport (2),le nouveau budget pour les déplacements internationaux à 1,12 MtCO2. À cela s’ajoutent les émissions des trajets nationaux (116 000 tCO2) pour un total de 1,23 MtCO2, « soit déjà de quoi couvrir 78 % du budget carbone fixé par Paris 2024 ».
Selon ces hypothèses, Paris 2024 devrait dépasser son budget d’environ 32 % : près de 2,1 MtCO2 devraient être générées contre 1,58 MtCO2 calculées initialement. Malgré tout, l’approche et la stratégie mises en œuvre par Paris 2024 doivent être saluées. La définition d’un budget carbone en amont a montré sa pertinence et devrait, espérons-le, être dupliquée pour les prochains événements sportifs de grande ampleur. « Autant il est “facile” d’agir sur la construction des infrastructures ou sur les opérations qui ont lieu durant l’événement, autant il apparaît plus difficile d’agir en amont des Jeux pour faire baisser le poste des déplacements internationaux », avertit toutefois The Shifters. « Malheureusement, si les JOP veulent être compatibles avec l’Accord de Paris et continuer d’exister dans les prochaines décennies, il est absolument nécessaire de baisser drastiquement ces émissions »…
(1) Viser le vert - Évaluation de la stratégie climat et de la communication des jeux olympiques de Paris 2024
(2) JOP : faire face au défi climatique et énergétique des déplacements internationaux