Naissance d’un écosystème transfrontalier

03 06 2021
Philippe Bohlinger
GRTgaz
Porté par GRTgaz et Creos Deutschland, le projet de réseau de transport d’hydrogène MosaHYc d'une longueur de 100 km a été lancé début 2020 et devrait couvrir un bassin industriel à cheval sur la Moselle et le land de Sarre.

GRTgaz et Creos Deutschland ont engagé l’étude de faisabilité portant sur l’aménagement d’un réseau de transport d’hydrogène sur 100 kilomètres de canalisation entre la Moselle et le land de Sarre, en Allemagne. Ce projet constitue le moteur d’une démarche transfrontalière à l’échelle de quatre États.

L’hydrogène ignore les frontières. Le 24 mars dernier, les gestionnaires de réseaux gaziers Creos Deutschland (groupe Encevo), GRTgaz et l’énergéticien luxembourgeois Encevo, ont lancé l’initiative « Grande Region Hydrogen » sur un territoire composé des Länder allemands de Sarre et de Rhénanie-Palatinat, de la région Grand Est, de la région belge de Wallonie et du Grand-Duché du Luxembourg. Ces acteurs entendent bâtir un écosystème vertueux en capitalisant sur vingt-cinq années de coopération transfrontalière. Cette collaboration s’incarne d’ores et déjà dans le projet de réseau de transport d’hydrogène MosaHYc (Moselle Sarre Hydrogène Conversion). Lancé début 2020 par GRTgaz et Creos Deutschland (voir Énergie Plus n°647), le projet de 100 km de canalisation vise à couvrir un bassin industriel à cheval sur la Moselle et le land de Sarre. L’opportunité de convertir un réseau existant, non indispensable pour l’alimentation en gaz naturel de clients, a créé le terreau favorable à cette expérimentation. Le projet attendu pour 2026 combine la conversion de canalisations existantes (70 km) et la construction de canalisations neuves (30 km) en vue de relier les villes françaises de Bouzonville et Saint-Avold aux villes allemandes de Volklingen, Dillingen, Saarbrücken et Perl à la frontière luxembourgeoise. « MosaHYc est un démonstrateur destiné à affiner les coûts de conversion des réseaux existants dans le cadre de la stratégie European Hydrogen Backbone présentée en juillet 2020 », éclaire François Martin, chef du projet MosaHYc chez GRTgaz.
 

© GRTgaz Sylvie Antonini

Le jeu en vaudrait la chandelle si on en croit le gestionnaire de réseaux gaziers. En effet, la conversion d’un kilomètre de canalisation serait trois fois moins coûteuse par rapport à la construction d’un kilomètre de canalisation neuve. L’étude de faisabilité engagée en avril dernier marque un nouveau jalon dans ce projet d’au moins 20 000 m3 de capacité horaire. Les deux partenaires devraient arrêter leur décision définitive d’investir en juin 2022 ; une fois les négociations commerciales entre potentiels consommateurs et futurs producteurs d’hydrogène conclues. L’aciérie Stahl-Holding-Saar serait un des moteurs du projet. À elle seule, l’usine pourrait absorber plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes, en substituant l’hydrogène vert aux gaz de coke en vue de produire un acier bas carbone.

Production et stockage

Du côté des producteurs, plusieurs acteurs sont d’ores et déjà sur les rangs. Côté allemand, le projet « HydroHub Fenne » porté par l’énergéticien Steag à Volklingen s’appuie sur la technologie d’électrolyse par membrane échangeuse de protons de Siemens Energy. Les deux acteurs prévoient de produire 5 800 tonnes d’hydrogène renouvelable par an d’ici 2023. À ce même horizon, GazelEnergie et Storengy (groupe Engie) devraient synthétiser ses premiers mètres- cubes d’hydrogène. Les deux groupes planifient sur le site de la centrale Emile Huchet à Saint-Avold (Moselle), une des dernières centrales au charbon française, la construction d’une unité de production d’hydrogène décarboné. L’installation de 5 MW de capacité pourrait passer à termes à 50 à 100 MW. À 60 km du réseau transfrontalier, sur le site de l’ancienne aciérie de Gandrange (Moselle), le français H2V a également annoncé la construction d’un site de production d’hydrogène vert. À leur mise en service en 2025 ou 2026, les deux unités composées de 25 électrolyseurs chacune devraient produire annuellement 28 000 tonnes d’hydrogène vert. Enfin, Hydrogène de France pourrait lui aussi injecter dans le réseau transfrontalier de l’hydrogène produit à partir des sources locales en énergies renouvelables (éolien, solaire, etc.).
Qui dit production massive de gaz vert, dit besoins de stockage. Aussi, Storengy étudie t-il la possibilité de stocker les surplus d’hydrogène produits sur le territoire. Le groupe a présenté le 11 mai son projet de creuser une cavité saline au niveau de son centre de stockage de Cerville (Meurthe-et-Moselle). Cette cavité peu profonde permettra de stocker 9 tonnes d’hydrogène, soit l’équivalent de 360 pleins de bus en hydrogène.

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