Le photovoltaïque bénéfique pour les prairies ?

Si la France veut atteindre ses objectifs de neutralité carbone, le solaire doit prendre de l’ampleur. Dans ce cadre, l’agrivoltaïsme semble être une solution d’avenir. Une expérimentation menée par l’Inrae cherche à comprendre les effets du photovoltaïque sur les écosystèmes et les résultats préliminaires sont positifs.
Le photovoltaïque, comme de nombreuses énergies renouvelables, est souvent confronté à de nombreuses critiques. Dans le cas des panneaux solaires, les conflits d’usages sont souvent mis en exergue. Mais si, comme annoncé par le président de la République Emmanuel Macron à la mi-février à Belfort (voir Énergie Plus n°680), le photovoltaïque doit atteindre une puissance installée de 100 GW, soit dix fois plus qu’aujourd’hui, il est nécessaire qu’elle soit acceptée.
Dans ce cadre, il est essentiel de mesurer les effets de service rendu par les panneaux solaires. Un domaine sur lequel travaille Catherine Picon-Cochard, directrice de recherche au sein de l’unité de recherche sur l’écosystème prairial de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). En collaboration avec Engie Green, un démonstrateur agrivoltaïque est installé sur la commune de Laqueuille, pour des premières injections dans le réseau au printemps 2022. La particularité: les panneaux solaires de cette installation sont verticaux et bifaciaux.
Le chantier à la loupe
« Nous traitons déjà de questions scientifiques sur des panneaux au sol avec beaucoup d’ombrage, décrit Catherine Picon-Cochard. Pour nous, il est donc très intéressant de tester et comparer les panneaux verticaux bifaciaux aux versions plus classiques du photovoltaïque » Ainsi dans le cadre de cette expérimentation seront mesurés les effets agronomiques, le comportement des bovins face à l’installation, les effets sur la biodiversité, la compatibilité avec des engins agricoles et évidemment la production énergétique. « Une nouveauté pour nous dans ce projet repose sur une étude pré chantier pour comprendre les effets de l’installation des panneaux solaires, continue la chercheuse. Le chantier en lui-même est loin d’être neutre, et nous pourrons comparer ses effets pré et post opération, mais aussi sur une prairie de référence sur laquelle nous travaillons depuis plus de 18 ans ». Au-delà de cette étape d’installation, l’expérimentation est prévue sur une durée de 5 années, intégrant 3,5 ans de protocole avec l’Inrae. Ce travail sur plusieurs années permettra aux scientifiques de solidifier leurs données en fonction de la variabilité climatique. « Les effets des panneaux changent d’une année où le temps est très sec ou très humide. Nous nous intéressons aux résultats au niveau agricole, mais Engie Green se penchera naturellement sur ceux de la production d’électricité », poursuit Catherine Picon-Cochard.
Données préliminaires sur les panneaux classiques
L’équipe de scientifiques travaille déjà sur des versions plus classiques de panneaux photovoltaïques, avec deux sites, un en plaine et l’autre en basse montagne, sur lesquels des données sont collectées depuis une année. « Pour l’instant, nous observons que l’herbe reste verte plus longtemps en été sous les panneaux solaires, détaille-t-elle. D’une part parce que les végétaux sont à l’ombre, et d’autre part parce que l’évaporation du sol est moins importante par rapport à une situation de pleine lumière. » L’ombrage que fournissent les panneaux classiques est aussi bénéfique pour les animaux, leur servant d’abri contre le soleil ou les intempéries. Les productions d’herbes sont à peu près équivalentes en termes de volume, mais leur composition est intéressante pour les animaux offrant des différences en termes de niveau de fibre et d’azote contenus dans les plantes. « Si l’on observe des effets plutôt bénéfiques pour l’instant, on s’attend à des résultats moins évidents dans le cas des panneaux verticaux bifaciaux au niveau du microclimat, note la chercheuse. Les contrastes seront certainement moins subtils, bien qu’il soit possible que les installations jouent sur l’effet séchant du vent ». De plus, « l’effet couloir » généré par les panneaux pourraient avoir des effets négatifs ou positifs sur le comportement des animaux. Pour conclure, Catherine Picon-Cochard estime que si l’expérimentation s’avère positive, ce type d’agrivoltaïsme pourrait potentiellement plus convaincre que les fermes classiques, car plus esthétique.